Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du jeudi 24 septembre 2020 à 11h00
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Olivier Dussopt, ministre délégué auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics :

Le plan de relance de 100 milliards d'euros présenté par le Gouvernement sera porté par différents vecteurs. 86 milliards d'euros seront portés par l'État, sous forme de crédits ou d'efforts faits sur les recettes de l'État. 14 milliards d'euros seront portés soit par les administrations de sécurité sociale via le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment les investissements pour le Ségur de la santé, soit par d'autres organismes comme la banque publique d'investissement (BPI) ou la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Nous attachons la plus grande importance à la rapidité de l'exécution de ce plan ainsi qu'à sa déclinaison territoriale.

Un certain nombre de crédits concernant directement les collectivités locales ont déjà été adoptés par le Parlement. Je pense notamment à des dispositions adoptées lors du vote du troisième projet de loi de finances rectificatif (PLFR 3) au mois de juillet. Ce sont des dispositions en matière de garantie de recettes des collectivités locales. Nous avons en effet garanti les recettes fiscales et domaniales à hauteur de la moyenne 2017-2019. Nous avons mis en place, conformément au rapport du président Cazeneuve, qui nous a été précieux, un système d'avances remboursables pour les droits de mutation à titre onéreux (DMTO).

Nous savons, par ailleurs, que les régions disposent déjà de mécanismes de garantie par le droit existant, notamment de garanties en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE). Les régions n'avaient donc pas besoin d'un mécanisme de garantie sur la moyenne 2017-2019.

Le PLFR 3 a aussi permis l'adoption par le Parlement de l'attribution d'un milliard d'euros de dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) supplémentaire. Ce milliard d'euros de DSIL a d'ores et déjà fait l'objet d'un fléchage auprès des préfets de région et des préfets de département. Ce sont des crédits reportables et nous avons veillé par une circulaire à ce que les critères d'éligibilité des projets à cette tranche de DSIL soient larges. Ces critères correspondent à la fois aux critères d'éligibilité de la DSIL traditionnelle et à ceux de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR). C'est une demande forte que vous aviez portée, pour faire en sorte qu'aucune collectivité ne soit, de façon intrinsèque, écartée du bénéfice de ce milliard d'euros supplémentaire.

Je m'arrête un instant sur une mesure qui a des conséquences pour les collectivités locales, conséquences auxquelles le projet de loi de finances (PLF) 2021 apportera des réponses : la baisse des impôts de production. Il a été acté une baisse des impôts de production de 10 milliards d'euros. Il s'agit en particulier de la suppression de la part régionale de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) qui a des conséquences sur le plafonnement de la contribution économique territoriale (CET) puisqu'il existait un plafond à 3 % que nous ramenons à 2 % pour que toutes les entreprises puissent bien bénéficier de cette baisse. Nous avons également choisi de diviser par deux les valeurs locatives des locaux industriels. Cela concerne 32 000 entreprises pour 86 000 établissements. Cela représente un peu plus de 3,3 milliards d'euros. La baisse totale des impôts de production sera donc de 10 milliards d'euros, constituée pour 70 % environ de la baisse de la CVAE et pour 30 % de la baisse de la contribution foncière des entreprises (CFE) ou de la taxe foncière.

Je souligne que la compensation que nous verserons aux collectivités est une compensation intégrale, qui excède ce montant de 10 milliards d'euros. Nous attribuerons en effet aux régions 9,5 milliards d'euros, et pas seulement les 7 milliards d'euros dont vont bénéficier les entreprises, puisque la CVAE faisait déjà l'objet de plafonnements pris en charge par dégrèvement. Nous compensons donc ainsi à la fois la baisse dont nous faisons bénéficier les entreprises et les dégrèvements qui étaient déjà pris en charge par l'État.

Pour les collectivités du bloc local, communes et intercommunalités, nous proposons la mise en place d'un prélèvement sur recettes de l'État qui permettra aux collectivités d'être compensées à l'euro près. Ce prélèvement sur recettes sera dynamique en fonction de l'évolution des valeurs locatives, à la hausse ou à la baisse. Nous nous intéressons surtout aux évolutions à la hausse puisque nous maintenons ainsi l'intérêt qu'ont les collectivités locales à accueillir des entreprises ou à accompagner des extensions d'entreprise sur leurs territoires.

Nous veillons donc à ce que l'intégralité des conséquences de cette diminution des impôts de production soit prise en charge, y compris d'ailleurs pour un certain nombre d'autres établissements intercommunaux comme des syndicats, en neutralisant les effets de bord. J'ajoute que nous tiendrons compte de cette évolution du panier de recettes des collectivités pour tout ce qui concerne le potentiel financier agrégé (PFIA). Nous le faisons déjà pour la taxe d'habitation et nous le ferons évidemment pour les impôts de production.

Examinons les mesures contenues dans le plan de relance et leur capacité à être déclinées territorialement. Ces mesures se répartissent en cinq catégories.

Nous avons d'abord des mesures élaborées au niveau national qui ne sont à nos yeux pas susceptibles d'être mises en œuvre de façon différenciée selon les territoires. Il s'agit par exemple de la baisse des impôts de production ou de l'allocation de rentrée scolaire ou encore des aides attribuées via des appels à projets au niveau national telles que le Plan automobile que BPI France met en place. Ce sont des mesures transversales qui ne sont pas territorialisées.

D'autres mesures visent à soutenir l'investissement à travers des appels à projets déconcentrés au niveau régional et gérés par les opérateurs. Il s'agit des volets régionalisés du programme d'investissement d'avenir (PIA) opérés par BPI France et de certains des appels à projets de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui seront régionalisés. J'ajoute, bien que cela concerne plus l'État que les collectivités locales, que nous avons veillé à déconcentrer également les appels à projets pour la rénovation des bâtiments du patrimoine immobilier de l'État.

Par ailleurs, si les paramètres de certaines mesures sont définis au niveau ministériel, leur gestion est déconcentrée car les préfets et les services déconcentrés nous paraissent plus à même d'identifier pour chaque thématique les projets pertinents sur leurs territoires. Les crédits correspondants seront déconcentrés au fur et à mesure de la réalisation des projets locaux pour garder une possibilité de redéploiement. Nous serons évidemment attentifs aux investissements dont les bénéfices sont immédiats pour les Français, notamment tout ce qui est prévu en matière d'eau, d'assainissement ou de gestion des déchets.

Des enveloppes fongibles constituées de dotations attribuées aux préfets de région sont également prévues. C'est par exemple le cas de l'enveloppe de DSIL votée en PLFR 3 qui fait l'objet d'une délégation auprès des préfets de région et des préfets de département, avec une vision territoriale. Nous comptons sur les comités de suivi à l'échelle régionale pour nous rendre compte et nous aider dans d'éventuels redéploiements.

Enfin, certains crédits sont délégués directement à des collectivités territoriales pour qu'elles puissent mettre en œuvre des actions qui s'inscrivent dans la relance. Nous déléguons par exemple aux régions 600 millions d'euros pour la rénovation thermique des lycées et 300 millions d'euros pour les politiques de mobilité. Ceci est prévu dans l'accord de méthode signé le 31 juillet dernier, qui sera confirmé dans les jours qui viennent. Nous avons considéré que, en matière de rénovation thermique et énergétique des lycées, les régions avaient besoin d'un coup de pouce et le mettraient en œuvre plus efficacement que si nous prétendions piloter l'usage de ces crédits. La méthode privilégiée sera donc la contractualisation avec les collectivités territoriales qui permettra de les associer au financement de chacun des projets et de nouer des partenariats entre l'État et les collectivités.

Je reviens sur les contrats de plan État-région (CPER). Il a été prévu que les régions s'engagent à hauteur de 20 milliards d'euros dans ces contrats de plan. Nous prévoyons dans le cadre du plan de relance un abondement des CPER de manière à accompagner cette reprise de l'investissement en veillant à ce qu'un maximum de crédits aille à des projets cofinancés en 2021 et 2022. Nous souhaitons que les CPER soient signés avant les élections régionales, idéalement dès le mois de décembre, de manière à ce que nous puissions gagner un maximum de temps dans la mise en œuvre et la déclinaison sur les territoires des investissements prévus.

Les autres collectivités du bloc local ou du bloc départemental pourront également contracter avec l'État des contrats de relance et de transition énergétique, notamment dans le cadre de la mobilisation de crédits pour des questions énergétiques prévue dans le plan de relance. Nous pourrons ainsi avoir un suivi et des engagements partagés dans ces domaines.

En termes de suivi, le Parlement sera évidemment associé au Conseil national de la relance. Vous serez destinataires des documents budgétaires traditionnels, notamment le programme de performances qui accompagne chacune des missions budgétaires. Nous travaillons transversalement à ce que le plan de relance fasse l'objet d'indicateurs permettant un suivi action par action et budget par budget.

Nous comptons aussi beaucoup sur les comités de suivi régionaux, pour nous signaler les difficultés éventuelles mais aussi pour proposer des solutions et pour proposer, lorsque c'est nécessaire, des redéploiements de crédits s'il arrive qu'un de ces comités considère que des crédits fléchés sur le territoire régional ne pourront pas être engagés et perdraient ainsi en efficacité.

Plus généralement, les collectivités sont accompagnées par l'État, par des crédits mobilisables dans le cadre du plan de relance, par le mécanisme totalement inédit de garantie du niveau de recettes sur la moyenne des années 2017-2019. Lors de la dernière crise systémique de 2008-2009, le seul mécanisme de recettes en faveur des collectivités était le remboursement anticipé d'une annuité du fonds de compensation pour la TVA, réservé aux collectivités capables d'investir plus que la moyenne des trois années précédentes. Cette fois, nous garantissons un niveau minimum de recettes en fonctionnement pour préserver au maximum la capacité des collectivités à générer de l'épargne.

Cela s'inscrit dans un mouvement plus général, depuis 2017, de stabilité des enveloppes globales de dotation de fonctionnement et de stabilité des concours à l'investissement. Les 2 milliards d'euros de DETR et de DSIL votés année après année sont souvent cités mais il faut y ajouter plus de 7 milliards d'euros d'autres crédits de soutien à l'investissement des collectivités locales, départementales et régionales. Ces 7 milliards d'euros sont mobilisés chaque année et démontrent l'implication de l'État aux côtés des collectivités.

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