Intervention de Nadia Hai

Réunion du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville :

Comme vous l'avez rappelé, j'ai été membre de cette délégation et j'avais à cœur de porter ce sujet qui m'est cher. L'action commencée au Parlement se poursuit donc au ministère, mais elle ne peut se poursuivre qu'en concertation avec les parlementaires.

Je vous présente donc aujourd'hui la feuille de route de ce ministère, les grandes priorités que nous nous sommes fixées ainsi que les grands axes budgétaires. Le budget connaît une hausse significative de 10 % dans le projet de loi de finances pour 2021.

J'évoquerai évidemment plus en détail le plan de relance et je sais combien vous êtes attaché, M. le Président, à la territorialisation de ce plan. Vous le préconisiez déjà dans le rapport de mission sur l'évaluation de l'impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales que vous avez remis au Premier ministre, Jean Castex, à la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, et au ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt. Sachez que le Gouvernement dans son ensemble travaille à rendre vraiment effective cette indispensable territorialisation. Le Premier ministre lui-même a pris des engagements dans ce sens.

Je crois que tous les territoires, y compris les plus enclavés, doivent revenir au centre de l'action publique. Je suis convaincue que c'est indispensable pour assurer dans la durée la cohésion des territoires. La crise a pu mettre en relief des lourdeurs, mais elle a aussi renforcé notre conviction commune qu'il faut aller dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales vers de nouvelles formes de décentralisation adaptées à chaque territoire.

Cette crise sanitaire a souligné les fractures territoriales. Même si nous savions déjà que ces fractures existaient, elles ont été amplifiées et les inégalités se sont accumulées, d'ailleurs dans des territoires qui relèvent souvent de la politique de la ville, notamment en Seine-Saint-Denis. Nous avons tous vu ces terribles images de personnes en détresse et souvent en détresse alimentaire. Le confinement y a été plus difficile à vivre du fait de la promiscuité dans les logements, de la fracture numérique et de l'inégalité d'accès aux soins ou d'un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale. Cela pose plus que jamais la question de l'équité territoriale, sujet auquel cette délégation est, je le sais, particulièrement attachée.

L'État a été présent dès le début de la crise. Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures sur la continuité éducative, sur le soutien aux actions de solidarité, la protection et l'accompagnement des plus fragiles. Le Gouvernement était présent durant le confinement avec des mesures très fortes.

Je souhaite saluer toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont été en première ligne. Je pense aux nombreuses femmes qui ont continué leur travail en extérieur durant le confinement comme les aides-soignantes, les infirmières, mais aussi les caissiers, les livreurs à domicile, les éboueurs, les facteurs. Ils sont nombreux à habiter dans nos quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je salue aussi tout le tissu associatif que nous accompagnons aujourd'hui à travers un fonds d'urgence exceptionnel.

Mon objectif est évidemment d'assurer plus que jamais la présence de l'État dans les quartiers en agissant par une politique d'investissements pour l'avenir et en accompagnant les collectivités. J'ai beaucoup travaillé sur le renouvellement urbain lorsque j'étais parmi vous. Ce sujet est au cœur de l'actualité pour deux raisons. Tout d'abord, la période de confinement a été particulièrement difficile pour les habitants des QPV en raison de l'inadaptation des logements, souvent vétustes, mal insonorisés, parfois sans balcon, nécessitant des adaptations ou des rénovations lourdes à l'avenir. Un grand nombre de logements du parc social sont des passoires thermiques. Leur rénovation permettrait d'inscrire davantage les QPV dans la transition écologique et contribuerait à réduire la facture énergétique d'habitants aux ressources modestes.

Ensuite, j'ai la conviction que le renforcement de la mixité sociale est une condition indispensable pour mettre fin à ce sentiment de relégation d'un certain nombre de nos concitoyens et pour lutter contre ce qui fait le terreau des séparatismes. Le Président de la République l'a encore rappelé vendredi.

Si nous voulons renforcer la mixité sociale, si nous voulons que les quartiers prioritaires ne soient plus des quartiers subis, nous ne pouvons pas évoquer uniquement le bâti, sans parler de la sécurité, du développement économique, de l'emploi, de la création d'espaces verts, de la rénovation des équipements ou du soutien aux associations de proximité qui font vivre nos quartiers et organisent la solidarité au quotidien. C'est cet ensemble qui permettra d'enrayer la spirale de concentration des difficultés et de replacer les quartiers prioritaires au cœur de la ville. L'enjeu est de réunifier la ville, de créer ou de recréer un vivre ensemble et du lien entre les habitants.

Plus précisément, la feuille de route du ministère aborde toutes ces questions. Nous avons besoin d'une action globale, de concentrer les moyens sur les priorités que sont l'éducation, l'emploi et le renouvellement urbain. Ces trois priorités seront déclinées à travers chacune des actions de mon ministère. Il faut du concret pour que les habitants mesurent l'engagement de l'État à leurs côtés.

Nous avons beaucoup agi, mais beaucoup reste à faire. Pour y parvenir, il faut un travail aussi partenarial que possible entre tous les services de l'État, les maires, les acteurs locaux et nationaux et, en particulier, les parlementaires.

Cette ambition d'une relance sociale et solidaire doit se traduire également en abondements de crédits. Nous avons donc le plaisir cette année d'afficher un budget en hausse avec une augmentation de 46 millions d'euros. Le programme 147 fléché politique de la ville atteint ainsi un demi-milliard d'euros.

Ce budget permettra d'accélérer et d'intensifier l'action du gouvernement sur les trois axes prioritaires que j'ai définis. J'entends parfois que les quartiers sont les oubliés du plan de relance, mais je tiens vraiment à préciser que son contenu viendra appuyer la dynamique de la politique de la ville. Comme l'a dit le Président de la République, nous devons assumer la part de la relance qui ira à ces quartiers de la République. Une part de ce plan de relance doit permettre l'émancipation culturelle, économique et écologique de ces territoires.

C'est le concret qui importe. Je l'ai déjà dit, mais nous ne le dirons jamais assez et j'y insiste donc. Les habitants n'attendent finalement qu'une seule chose : que nous tenions la promesse républicaine de justice et d'égalité des chances. C'est elle qui doit guider notre action. Nous présenterons très prochainement des mesures en ce sens comme l'a annoncé le Président de la République aux Mureaux.

Les priorités de cette feuille de route sont de trois ordres. La toute première est évidemment l'emploi qui, à l'heure de la relance, est la mère des batailles. Pour les habitants des quartiers, particulièrement pour les jeunes qui entrent sur le marché de l'emploi, il s'agit d'apporter des solutions face aux conséquences socioéconomiques de la crise sanitaire, de soutenir le développement économique et l'attractivité de ces territoires. Le budget nous permettra d'accroître nos capacités, notamment grâce à la pérennisation des contrats adultes-relais pour un coût de 10 millions d'euros supplémentaires. Nous pensons également aux besoins de formation : 4 millions d'euros sont prévus pour renforcer les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE). Le plan de relance permettra de ne laisser aucun jeune des quartiers sans solution avec le plan « 1 jeune, 1 solution ». Le ministère du Travail fléchera une partie du plan Jeunes vers les habitants des quartiers avec une instruction faite aux préfets.

Le 21 septembre dernier, avec la ministre Élisabeth Borne, nous avons lancé la tournée de l'apprentissage à bord d'un bus qui sillonnera dix départements en France afin de faire ce dernier kilomètre pour que la rencontre entre l'offre et la demande puisse avoir lieu.

Nous accroîtrons également le nombre de contrats aidés avec 60 000 parcours emploi compétences supplémentaires. C'est un amortisseur social qui viendra compléter les postes adultes-relais.

Nous bonifierons aussi les emplois aidés puisque les emplois francs pourront être partiellement cumulés avec l'aide exceptionnelle. J'insiste sur ce point, car c'est assez inédit de cumuler deux aides à l'embauche. Nous le faisons dans ce contexte de crise et dans le cadre du plan de relance, à destination des jeunes des quartiers prioritaires de la ville. Nous renforcerons également de 20 millions d'euros le dispositif Cap'Jeunes pour l'entrepreneuriat.

La deuxième priorité est l'éducation. Nous réaffirmerons le rôle de l'école comme creuset républicain par excellence. C'est ce qu'a tenu à rappeler le Président de la République dans son discours aux Mureaux : il s'agit de faire aimer la République. Pour y parvenir, il faut donner à tous les mêmes chances de réussite en luttant contre tout ce qui nourrit le sentiment d'abandon et d'assignation à résidence. Le budget est en hausse. Nous préparons ainsi l'avenir et la réussite de nos jeunes dans les quartiers par une action renforcée en matière éducative.

C'est tout le sens des Cités éducatives que nous avons lancées en 2018 et que nous renforcerons de 40 Cités supplémentaires. Nous aurons ainsi 120 Cités éducatives. Cette action collective fédère les acteurs locaux, le personnel éducatif et l'État. C'est un véritable partenariat au service des jeunes. Le dispositif touchera 450 000 élèves en leur offrant ce parcours d'excellence que nous appelons tous de nos vœux aujourd'hui. 17 millions d'euros seront consacrés à la création de ces 40 nouvelles Cités éducatives. Nous avons de plus une ambition nouvelle pour ces Cités, celle d'améliorer l'offre culturelle et l'offre sportive. Dans les semaines à venir, nous aurons l'occasion de développer avec Roselyne Bachelot et Roxana Maracineanu les offres supplémentaires que nous souhaitons déployer à travers ces nouvelles Cités.

Le troisième axe de cette feuille de route est le renouvellement urbain. Il faut concrétiser la transformation de ces quartiers et changer de logique pour enfin penser le quartier dans sa ville et la ville dans son territoire. Le renouvellement urbain doit être au cœur de notre ambition pour une politique de la ville elle-même rénovée, en intégrant ces impératifs de transition écologique, de cadre de vie conservé, de mobilité.

Lors de la phase de transition entre le premier et le deuxième programme national de renouvellement urbain (PNRU), nous avons entendu des discours assez critiques sur le fait que les grues se sont arrêtées, que les chantiers se sont arrêtés. L'entrée en phase opérationnelle du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a lieu maintenant, avec une allocation de 15 millions d'euros supplémentaires. Cette participation de l'État sera intégrée dans le budget 2021 pour permettre ce retour en force des grues qui est attendu par tous, que ce soit l'État ou les élus locaux et, en premier lieu, par les habitants de ces quartiers. Je tiens à réaffirmer que l'État sera aux côtés des acteurs locaux pour que la relance bénéficie pleinement aux habitants.

Concernant l'action sur le bâti des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux, des financements sont prévus pour la rénovation des bâtiments publics dans le cadre du plan de relance. Une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros a déjà été votés pour la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020, notamment pour la rénovation énergétique. Le plan de relance prévoit que 500 millions d'euros seront consacrés à la rénovation des logements sociaux.

Nous devions également tirer les conséquences du confinement, notamment pour répondre au besoin des habitants des quartiers d'avoir accès à plus d'espaces verts, à une alimentation saine, locale, abordable et de qualité. Nous agirons en investissant dans les quartiers concernés pour le développement de jardins partagés lors des projets de renouvellement urbain. Nous y consacrerons 20 millions d'euros et nous prévoyons également 10 millions d'euros pour l'agriculture urbaine dans le cadre des projets « Quartiers fertiles ». Nous agissons bien sûr en collaboration avec le ministre de l'Agriculture, M. Julien Denormandie.

La politique de la ville doit aussi œuvrer pour une relance solidaire dans ce contexte de crise sanitaire, économique et sociale. De nombreuses associations font vivre la solidarité dans les quartiers en organisant des actions en faveur du soutien scolaire ou de l'aide alimentaire. Nous souhaitons les accompagner et j'ai annoncé la création d'un fonds d'urgence nommé « Quartiers solidaires », lancé le 10 septembre dernier. Ce fonds est un soutien spécifique pour les associations de proximité ou de grande proximité. L'enveloppe a été territorialisée, intégralement déléguée aux préfets pour une rapidité de consommation et d'action. Je vous invite à vous mettre en relation avec les associations ou à communiquer sur la disponibilité de cette enveloppe dont les préfectures disposent déjà.

Nous avons aussi, avec le tissu associatif, déployé des initiatives telles que « Quartiers d'été ». Ce dispositif a permis d'apporter sur nos territoires des activités ludiques, pédagogiques, sportives et même des actions d'insertion professionnelle au plus près des habitants des quartiers. Ce dispositif a touché 500 000 jeunes de nos quartiers, donc plus d'un jeune sur trois. Nous pouvons vraiment conclure à sa réussite totale.

Dès que le bilan de cet été a été tiré, j'ai annoncé la reconduite de ce dispositif lors des vacances de la Toussaint, ce qui a donné lieu au nouveau programme « Quartiers d'automne », en complément du programme « Quartiers solidaires ». Ces deux programmes viennent soutenir les associations pour mener des actions très concrètes dans les QPV.

Je confirme ce qu'a dit le Président de la République : ce dispositif a connu un très beau succès, a été très apprécié des élus locaux, de nos partenaires du milieu associatif et des habitants. Il sera donc pérennisé à l'avenir.

Les quartiers ont aujourd'hui besoin de se sentir pleinement appartenir à la République des territoires. Je crois que ce budget en augmentation permettra de continuer le déploiement de nos efforts pour réduire les fractures économique, sanitaire, sociale, numérique et environnementale. Depuis très longtemps, ces fractures abîment nos quartiers. L'État doit leur témoigner son attachement. Le plan de relance vient soutenir cette dynamique.

Vous pouvez vraiment compter sur ma mobilisation pleine et entière et sur ma détermination pour mener à bien la mission que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confiée. Vous pouvez évidemment aussi compter sur ma disponibilité concernant votre action, aussi bien au Parlement que dans les territoires, pour que nous puissions faire en sorte que ces quartiers réussissent, que leurs parcours et leur jeunesse soient valorisés à leur juste valeur.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.