Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du jeudi 8 octobre 2020 à 9h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • QPV
  • prioritaire
  • quartier
  • rénovation
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

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La réunion débute à 9 heures.

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://assnat.fr/PCX4hF

La Délégation procède à l'audition de Mme Nadia Hai, Ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville, sur l'actualité de la politique de la ville et les mesures du plan de relance en lien avec cette politique.

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Nous avons aujourd'hui le grand plaisir d'auditionner Mme Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville, pour faire un point sur l'actualité concernant les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

Nous reviendrons en particulier sur les actions engagées durant le confinement et sur l'opération « Quartier d'été ». Ces actions ont‑elles été suffisantes ? Nous savons que ces quartiers ont été particulièrement éprouvés pendant cette période. Nous voudrions également vous entendre sur le plan de relance et sa traduction budgétaire.

Ce plan de relance contient de nombreuses composantes destinées aux quartiers prioritaires de la ville, ce qui est important pour nous. Nous voudrions connaître la traduction de ce plan dans le budget, qui a augmenté de 10 %, et savoir quels sont les programmes de ce plan de relance que nous pourrons relayer dans les prochaines semaines et les prochains mois.

Notre travail, en tant que députés et parlementaires, est de nous assurer que nos territoires bénéficient pleinement de l'ensemble des dispositifs lancés par le Gouvernement. Ce n'est pas toujours facile, au regard de la multiplicité des programmes, de tous les décliner localement. En plus des mesures spécifiques pour les quartiers prioritaires de la ville, il existe des mesures beaucoup plus générales telles que la rénovation thermique des bâtiments, le verdissement, la végétalisation des immeubles, le déploiement de la fibre optique… Que pouvons-nous attendre des déclinaisons pour les quartiers prioritaires de la ville de ces sujets plus globaux ?

Nous souhaitons aussi vous écouter sur la façon dont les populations les plus pauvres de nos quartiers sont impactées par cette crise, notamment dans le domaine de l'emploi. Nombre d'emplois précaires n'existent plus. Les contrats d'intérim, les contrats à durée déterminée (CDD) ont été les premiers à s'arrêter pendant cette crise et ne redémarrent pas nécessairement aussi vite que nous le souhaiterions. Les projections sont aujourd'hui assez pessimistes sur l'augmentation du nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) l'année prochaine, ce qui aura un impact sur les finances des départements.

Enfin, je termine en témoignant que Nadia Hai, lorsqu'elle était membre de cette délégation, avait déjà toujours à cœur de défendre les quartiers et la politique de la ville. Nous sommes très heureux et très fiers qu'un membre de la délégation soit aujourd'hui ministre.

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Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville

Comme vous l'avez rappelé, j'ai été membre de cette délégation et j'avais à cœur de porter ce sujet qui m'est cher. L'action commencée au Parlement se poursuit donc au ministère, mais elle ne peut se poursuivre qu'en concertation avec les parlementaires.

Je vous présente donc aujourd'hui la feuille de route de ce ministère, les grandes priorités que nous nous sommes fixées ainsi que les grands axes budgétaires. Le budget connaît une hausse significative de 10 % dans le projet de loi de finances pour 2021.

J'évoquerai évidemment plus en détail le plan de relance et je sais combien vous êtes attaché, M. le Président, à la territorialisation de ce plan. Vous le préconisiez déjà dans le rapport de mission sur l'évaluation de l'impact de la crise du Covid-19 sur les finances locales que vous avez remis au Premier ministre, Jean Castex, à la ministre de la Cohésion des territoires, Jacqueline Gourault, et au ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt. Sachez que le Gouvernement dans son ensemble travaille à rendre vraiment effective cette indispensable territorialisation. Le Premier ministre lui-même a pris des engagements dans ce sens.

Je crois que tous les territoires, y compris les plus enclavés, doivent revenir au centre de l'action publique. Je suis convaincue que c'est indispensable pour assurer dans la durée la cohésion des territoires. La crise a pu mettre en relief des lourdeurs, mais elle a aussi renforcé notre conviction commune qu'il faut aller dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales vers de nouvelles formes de décentralisation adaptées à chaque territoire.

Cette crise sanitaire a souligné les fractures territoriales. Même si nous savions déjà que ces fractures existaient, elles ont été amplifiées et les inégalités se sont accumulées, d'ailleurs dans des territoires qui relèvent souvent de la politique de la ville, notamment en Seine-Saint-Denis. Nous avons tous vu ces terribles images de personnes en détresse et souvent en détresse alimentaire. Le confinement y a été plus difficile à vivre du fait de la promiscuité dans les logements, de la fracture numérique et de l'inégalité d'accès aux soins ou d'un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale. Cela pose plus que jamais la question de l'équité territoriale, sujet auquel cette délégation est, je le sais, particulièrement attachée.

L'État a été présent dès le début de la crise. Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures sur la continuité éducative, sur le soutien aux actions de solidarité, la protection et l'accompagnement des plus fragiles. Le Gouvernement était présent durant le confinement avec des mesures très fortes.

Je souhaite saluer toutes ces femmes et tous ces hommes qui ont été en première ligne. Je pense aux nombreuses femmes qui ont continué leur travail en extérieur durant le confinement comme les aides-soignantes, les infirmières, mais aussi les caissiers, les livreurs à domicile, les éboueurs, les facteurs. Ils sont nombreux à habiter dans nos quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je salue aussi tout le tissu associatif que nous accompagnons aujourd'hui à travers un fonds d'urgence exceptionnel.

Mon objectif est évidemment d'assurer plus que jamais la présence de l'État dans les quartiers en agissant par une politique d'investissements pour l'avenir et en accompagnant les collectivités. J'ai beaucoup travaillé sur le renouvellement urbain lorsque j'étais parmi vous. Ce sujet est au cœur de l'actualité pour deux raisons. Tout d'abord, la période de confinement a été particulièrement difficile pour les habitants des QPV en raison de l'inadaptation des logements, souvent vétustes, mal insonorisés, parfois sans balcon, nécessitant des adaptations ou des rénovations lourdes à l'avenir. Un grand nombre de logements du parc social sont des passoires thermiques. Leur rénovation permettrait d'inscrire davantage les QPV dans la transition écologique et contribuerait à réduire la facture énergétique d'habitants aux ressources modestes.

Ensuite, j'ai la conviction que le renforcement de la mixité sociale est une condition indispensable pour mettre fin à ce sentiment de relégation d'un certain nombre de nos concitoyens et pour lutter contre ce qui fait le terreau des séparatismes. Le Président de la République l'a encore rappelé vendredi.

Si nous voulons renforcer la mixité sociale, si nous voulons que les quartiers prioritaires ne soient plus des quartiers subis, nous ne pouvons pas évoquer uniquement le bâti, sans parler de la sécurité, du développement économique, de l'emploi, de la création d'espaces verts, de la rénovation des équipements ou du soutien aux associations de proximité qui font vivre nos quartiers et organisent la solidarité au quotidien. C'est cet ensemble qui permettra d'enrayer la spirale de concentration des difficultés et de replacer les quartiers prioritaires au cœur de la ville. L'enjeu est de réunifier la ville, de créer ou de recréer un vivre ensemble et du lien entre les habitants.

Plus précisément, la feuille de route du ministère aborde toutes ces questions. Nous avons besoin d'une action globale, de concentrer les moyens sur les priorités que sont l'éducation, l'emploi et le renouvellement urbain. Ces trois priorités seront déclinées à travers chacune des actions de mon ministère. Il faut du concret pour que les habitants mesurent l'engagement de l'État à leurs côtés.

Nous avons beaucoup agi, mais beaucoup reste à faire. Pour y parvenir, il faut un travail aussi partenarial que possible entre tous les services de l'État, les maires, les acteurs locaux et nationaux et, en particulier, les parlementaires.

Cette ambition d'une relance sociale et solidaire doit se traduire également en abondements de crédits. Nous avons donc le plaisir cette année d'afficher un budget en hausse avec une augmentation de 46 millions d'euros. Le programme 147 fléché politique de la ville atteint ainsi un demi-milliard d'euros.

Ce budget permettra d'accélérer et d'intensifier l'action du gouvernement sur les trois axes prioritaires que j'ai définis. J'entends parfois que les quartiers sont les oubliés du plan de relance, mais je tiens vraiment à préciser que son contenu viendra appuyer la dynamique de la politique de la ville. Comme l'a dit le Président de la République, nous devons assumer la part de la relance qui ira à ces quartiers de la République. Une part de ce plan de relance doit permettre l'émancipation culturelle, économique et écologique de ces territoires.

C'est le concret qui importe. Je l'ai déjà dit, mais nous ne le dirons jamais assez et j'y insiste donc. Les habitants n'attendent finalement qu'une seule chose : que nous tenions la promesse républicaine de justice et d'égalité des chances. C'est elle qui doit guider notre action. Nous présenterons très prochainement des mesures en ce sens comme l'a annoncé le Président de la République aux Mureaux.

Les priorités de cette feuille de route sont de trois ordres. La toute première est évidemment l'emploi qui, à l'heure de la relance, est la mère des batailles. Pour les habitants des quartiers, particulièrement pour les jeunes qui entrent sur le marché de l'emploi, il s'agit d'apporter des solutions face aux conséquences socioéconomiques de la crise sanitaire, de soutenir le développement économique et l'attractivité de ces territoires. Le budget nous permettra d'accroître nos capacités, notamment grâce à la pérennisation des contrats adultes-relais pour un coût de 10 millions d'euros supplémentaires. Nous pensons également aux besoins de formation : 4 millions d'euros sont prévus pour renforcer les établissements pour l'insertion dans l'emploi (EPIDE). Le plan de relance permettra de ne laisser aucun jeune des quartiers sans solution avec le plan « 1 jeune, 1 solution ». Le ministère du Travail fléchera une partie du plan Jeunes vers les habitants des quartiers avec une instruction faite aux préfets.

Le 21 septembre dernier, avec la ministre Élisabeth Borne, nous avons lancé la tournée de l'apprentissage à bord d'un bus qui sillonnera dix départements en France afin de faire ce dernier kilomètre pour que la rencontre entre l'offre et la demande puisse avoir lieu.

Nous accroîtrons également le nombre de contrats aidés avec 60 000 parcours emploi compétences supplémentaires. C'est un amortisseur social qui viendra compléter les postes adultes-relais.

Nous bonifierons aussi les emplois aidés puisque les emplois francs pourront être partiellement cumulés avec l'aide exceptionnelle. J'insiste sur ce point, car c'est assez inédit de cumuler deux aides à l'embauche. Nous le faisons dans ce contexte de crise et dans le cadre du plan de relance, à destination des jeunes des quartiers prioritaires de la ville. Nous renforcerons également de 20 millions d'euros le dispositif Cap'Jeunes pour l'entrepreneuriat.

La deuxième priorité est l'éducation. Nous réaffirmerons le rôle de l'école comme creuset républicain par excellence. C'est ce qu'a tenu à rappeler le Président de la République dans son discours aux Mureaux : il s'agit de faire aimer la République. Pour y parvenir, il faut donner à tous les mêmes chances de réussite en luttant contre tout ce qui nourrit le sentiment d'abandon et d'assignation à résidence. Le budget est en hausse. Nous préparons ainsi l'avenir et la réussite de nos jeunes dans les quartiers par une action renforcée en matière éducative.

C'est tout le sens des Cités éducatives que nous avons lancées en 2018 et que nous renforcerons de 40 Cités supplémentaires. Nous aurons ainsi 120 Cités éducatives. Cette action collective fédère les acteurs locaux, le personnel éducatif et l'État. C'est un véritable partenariat au service des jeunes. Le dispositif touchera 450 000 élèves en leur offrant ce parcours d'excellence que nous appelons tous de nos vœux aujourd'hui. 17 millions d'euros seront consacrés à la création de ces 40 nouvelles Cités éducatives. Nous avons de plus une ambition nouvelle pour ces Cités, celle d'améliorer l'offre culturelle et l'offre sportive. Dans les semaines à venir, nous aurons l'occasion de développer avec Roselyne Bachelot et Roxana Maracineanu les offres supplémentaires que nous souhaitons déployer à travers ces nouvelles Cités.

Le troisième axe de cette feuille de route est le renouvellement urbain. Il faut concrétiser la transformation de ces quartiers et changer de logique pour enfin penser le quartier dans sa ville et la ville dans son territoire. Le renouvellement urbain doit être au cœur de notre ambition pour une politique de la ville elle-même rénovée, en intégrant ces impératifs de transition écologique, de cadre de vie conservé, de mobilité.

Lors de la phase de transition entre le premier et le deuxième programme national de renouvellement urbain (PNRU), nous avons entendu des discours assez critiques sur le fait que les grues se sont arrêtées, que les chantiers se sont arrêtés. L'entrée en phase opérationnelle du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) a lieu maintenant, avec une allocation de 15 millions d'euros supplémentaires. Cette participation de l'État sera intégrée dans le budget 2021 pour permettre ce retour en force des grues qui est attendu par tous, que ce soit l'État ou les élus locaux et, en premier lieu, par les habitants de ces quartiers. Je tiens à réaffirmer que l'État sera aux côtés des acteurs locaux pour que la relance bénéficie pleinement aux habitants.

Concernant l'action sur le bâti des collectivités territoriales et des bailleurs sociaux, des financements sont prévus pour la rénovation des bâtiments publics dans le cadre du plan de relance. Une enveloppe supplémentaire d'un milliard d'euros a déjà été votés pour la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dans la troisième loi de finances rectificative pour 2020, notamment pour la rénovation énergétique. Le plan de relance prévoit que 500 millions d'euros seront consacrés à la rénovation des logements sociaux.

Nous devions également tirer les conséquences du confinement, notamment pour répondre au besoin des habitants des quartiers d'avoir accès à plus d'espaces verts, à une alimentation saine, locale, abordable et de qualité. Nous agirons en investissant dans les quartiers concernés pour le développement de jardins partagés lors des projets de renouvellement urbain. Nous y consacrerons 20 millions d'euros et nous prévoyons également 10 millions d'euros pour l'agriculture urbaine dans le cadre des projets « Quartiers fertiles ». Nous agissons bien sûr en collaboration avec le ministre de l'Agriculture, M. Julien Denormandie.

La politique de la ville doit aussi œuvrer pour une relance solidaire dans ce contexte de crise sanitaire, économique et sociale. De nombreuses associations font vivre la solidarité dans les quartiers en organisant des actions en faveur du soutien scolaire ou de l'aide alimentaire. Nous souhaitons les accompagner et j'ai annoncé la création d'un fonds d'urgence nommé « Quartiers solidaires », lancé le 10 septembre dernier. Ce fonds est un soutien spécifique pour les associations de proximité ou de grande proximité. L'enveloppe a été territorialisée, intégralement déléguée aux préfets pour une rapidité de consommation et d'action. Je vous invite à vous mettre en relation avec les associations ou à communiquer sur la disponibilité de cette enveloppe dont les préfectures disposent déjà.

Nous avons aussi, avec le tissu associatif, déployé des initiatives telles que « Quartiers d'été ». Ce dispositif a permis d'apporter sur nos territoires des activités ludiques, pédagogiques, sportives et même des actions d'insertion professionnelle au plus près des habitants des quartiers. Ce dispositif a touché 500 000 jeunes de nos quartiers, donc plus d'un jeune sur trois. Nous pouvons vraiment conclure à sa réussite totale.

Dès que le bilan de cet été a été tiré, j'ai annoncé la reconduite de ce dispositif lors des vacances de la Toussaint, ce qui a donné lieu au nouveau programme « Quartiers d'automne », en complément du programme « Quartiers solidaires ». Ces deux programmes viennent soutenir les associations pour mener des actions très concrètes dans les QPV.

Je confirme ce qu'a dit le Président de la République : ce dispositif a connu un très beau succès, a été très apprécié des élus locaux, de nos partenaires du milieu associatif et des habitants. Il sera donc pérennisé à l'avenir.

Les quartiers ont aujourd'hui besoin de se sentir pleinement appartenir à la République des territoires. Je crois que ce budget en augmentation permettra de continuer le déploiement de nos efforts pour réduire les fractures économique, sanitaire, sociale, numérique et environnementale. Depuis très longtemps, ces fractures abîment nos quartiers. L'État doit leur témoigner son attachement. Le plan de relance vient soutenir cette dynamique.

Vous pouvez vraiment compter sur ma mobilisation pleine et entière et sur ma détermination pour mener à bien la mission que le Président de la République et le Premier ministre m'ont confiée. Vous pouvez évidemment aussi compter sur ma disponibilité concernant votre action, aussi bien au Parlement que dans les territoires, pour que nous puissions faire en sorte que ces quartiers réussissent, que leurs parcours et leur jeunesse soient valorisés à leur juste valeur.

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Beaucoup d'opérateurs des quartiers d'habitat collectif nous disent qu'une des grandes difficultés qu'ils rencontrent est le financement de la démolition de bâtiments. Ils nous donnent comme argument le fait que, après avoir fermé des bâtiments, ils ont besoin de temps pour les abattre parce que cela coûte très cher, que ces bâtiments sont souvent amiantés et que c'est une opération délicate qui ne rapporte rien dans un premier temps.

Cette dimension a-t-elle été prise en compte dans le plan de relance ? Si nous disions aux bailleurs sociaux que, durant une année ou un temps extrêmement précis, ils seraient aidés de manière significative – sans prendre en charge la totalité des travaux de démolition bien sûr, mais à hauteur de 20 ou 30 % –, nous les inciterions ainsi à bouger sur ce sujet qui est souvent le premier élément pour, ensuite, enclencher une rénovation plus en profondeur du quartier. C'est l'obstacle sur lequel nous butons au départ. Une fois que les bâtiments sont rasés, le projet de rénovation du quartier est beaucoup plus facile à porter. Les habitants vivent souvent très mal le fait d'avoir des bâtiments fermés pendant longtemps dans leur quartier avec de plus tous les problèmes de squat que cela peut poser.

Je pense donc qu'une aide très ponctuelle, dans un calendrier précis, aidant les opérateurs à franchir ce pas, serait une incitation à accélérer la rénovation urbaine d'un certain nombre de quartiers.

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Madame la ministre, vos propositions sont nombreuses et traitent de nombreux sujets, de l'éducation et l'emploi jusqu'à la culture. Cela correspond aux besoins de nos concitoyens dans les quartiers.

Comment entendez-vous présenter ces dispositifs dans les quartiers, auprès des habitants, pour qu'ils comprennent le sens de l'action de l'État ? Plus concrètement, sur qui vous appuierez-vous dans les territoires, dans les villes concernées pour assurer la cohérence de ces actions et les mettre en œuvre ? Comptez-vous vous appuyer sur des outils existants comme les maisons de l'emploi, les missions locales ou sur les services de l'État ?

Je pense que ces dispositions doivent de toute façon être présentées et « vendues » de façon très concrète. Quel est votre plan de bataille pour faire en sorte que toutes ces mesures soient bien comprises et mises en œuvre, que tous ceux qui sont concernés les appréhendent ?

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Madame la ministre, vous avez parlé de lien entre les habitants, d'emploi, d'agriculture urbaine. Ces sujets sont très importants et il me semble que cela doit passer par la lutte contre l'artificialisation des terres et par la redynamisation des centres-villes.

Un moratoire sur le e-commerce, similaire à celui décidé sur les zones commerciales, était apparemment prévu, avec l'interdiction de l'implantation dans la région rouennaise d'une plate-forme. Auriez-vous des éléments à ce sujet ?

J'ai également du mal à voir comment les mesures sur l'agriculture urbaine et les « Quartiers fertiles » s'articuleront par exemple avec le fait que, vers Montpellier, une zone commerciale doit s'implanter sur des terres agricoles.

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J'ai bien entendu vos propos sur le fait que les QPV doivent appartenir à la République. Nous avons, pour maintenir ce socle républicain au sein des QPV, besoin de passer quelques messages, notamment aux organismes bancaires dans les territoires ruraux.

J'ai par exemple dans ma circonscription un QPV dans une commune de 8 500 habitants qui est la commune la plus importante de ma circonscription. Des agences bancaires – Crédit Agricole pour ne pas le nommer – décident d'abandonner purement et simplement ce QPV parce qu'elles souhaitent recentrer leur activité dans le centre-ville. Pourtant, nous avons besoin des services d'un organisme bancaire au sein du QPV, notamment d'un distributeur automatique de billets. Comme ce QPV est assez éloigné du centre-ville, des problèmes se poseront nécessairement aux habitants de ces quartiers, qui sont déjà en difficulté. Auriez-vous la possibilité de sensibiliser la Fédération française des banques sur la nécessité de maintenir dans les QPV les services publics, mais aussi un certain nombre de services dont ont besoin les habitants ?

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Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville

Le problème de la démolition évoqué par Rémy Rebeyrotte est un problème bien identifié. Le problème n'est toutefois pas financier dans les quartiers de renouvellement urbain où l'ANRU intervient, car l'ANRU ne manque pas de moyens pour démolir. La problématique que nous rencontrons concerne plutôt les opérations de relogement qui sont longues à mettre en œuvre : avant de détruire, il faut reloger.

Ce sujet est toutefois important dans les politiques de logement, de mixité, et le Président a rappelé dans son discours qu'une grande réflexion sur la question du logement et de l'urbanisme plus globalement était prévue. La question de la démolition se posera évidemment là où l'ANRU n'intervient pas.

Stéphane Baudu m'interrogeait sur la façon de communiquer l'existence de ces dispositifs à ceux qui sont concernés. L'avantage du ministère de la Ville est d'être en lien avec tous les acteurs des territoires. Nous nous appuyons sur les services locaux de l'État, les préfets, les préfets délégués pour l'égalité des chances, les sous-préfets à la ville. Je les rencontre très régulièrement pour communiquer sur ces dispositifs et pour qu'eux-mêmes communiquent auprès des réseaux associatifs et des personnes concernées. Nous nous appuyons également sur les élus locaux que je rencontre régulièrement, soit en les recevant au ministère soit en leur rendant visite sur leurs territoires. Nous nous appuyons sur eux pour qu'ils puissent communiquer sur ces dispositifs, et ils le font d'ailleurs.

C'est la raison pour laquelle l'opération Quartiers d'été a été un réel succès : les élus locaux se sont approprié les dispositifs. Nous voyons que, lorsque la coordination entre l'État et les collectivités est bonne, cela permet de toucher un grand nombre de nos concitoyens. C'est un levier essentiel pour la communication et l'information sur nos dispositifs.

Les structures associatives sont aussi nos relais. Le ministère de la Ville est le premier financeur des associations. Nous nous appuyons sur ce réseau des associations qui œuvrent dans les quartiers pour communiquer en direct.

Enfin, vous-mêmes, les parlementaires, êtes évidemment un maillage essentiel pour la communication et la conduite des politiques publiques. Par votre action en circonscription, vous pouvez communiquer sur tous les dispositifs que nous mettons en place. Le seul objectif est d'être très concret, d'atteindre les habitants. C'est valable pour tous les dispositifs et tous les territoires, QPV ou non, zones urbaines ou rurales.

Vous êtes les premiers ambassadeurs de ce que nous mettons en place pour que nous atteignions tout le monde. Je rencontre régulièrement les parlementaires impliqués dans les questions de politique de la ville. Si certains de ceux qui sont présents à cette audition souhaitent suivre la politique de la ville, qu'ils n'hésitent pas à se manifester. Nous communiquerons volontiers sur toutes nos actions.

Bénédicte Taurine m'a posé une question qui déborde un peu du cadre du ministère de la Ville, sur l'artificialisation des sols et les décisions prises pour ne plus créer de grandes zones commerciales. Je souscris évidemment à ces décisions, mais, pour l'opération « Quartiers fertiles » que nous mettons en place, l'important est de renforcer le lien entre la ruralité et les QPV. Lors de mes entretiens avec le milieu associatif, les élus locaux et les habitants, j'ai souvent entendu dire que l'agriculture, l'alimentation saine ne sont pas pour eux, mais pour les autres. Nous souhaitons vraiment affirmer que les QPV ont aussi droit d'avoir une alimentation saine, d'avoir des circuits courts. Par le développement de ces projets, que ce soit le cadre de « Quartiers fertiles » ou de « Jardins partagés », en créant un réseau de distribution par les épiceries solidaires sur lequel nous ferons des annonces communes avec le ministère de l'Agriculture, nous voulons que les QPV s'inscrivent dans une ville et dans un territoire. Nous voulons reconstruire la ville de demain où les QPV seront des territoires attractifs dans lesquels il fait bon vivre.

Cela prend évidemment un peu de temps, mais nous voulons monter en puissance et nous avons les leviers financiers pour y parvenir. Le budget de la politique de la ville est en hausse, le plan de relance sera aussi utilisé.

Je précise que nous n'avons encore présenté que les thématiques du plan de relance avec l'Ecologie, l'Agriculture, la Cohésion des territoires, sans rentrer dans le détail par territoires. À part quelques exceptions telles que le renforcement de secteurs stratégiques dans l'aéronautique ou le tourisme par exemple, l'intégralité du plan de relance bénéficiera en réalité aux territoires. Nous invitons les collectivités à contractualiser avec nous pour bénéficier du plan de relance. C'est la raison pour laquelle seront nommés des sous-préfets dédiés à la relance. Nous rentrons dans une logique de projet et non plus d'enveloppe.

À ceux qui disent que les QPV sont oubliés, qu'il n'est pas prévu d'enveloppe dédiée, je réponds : pourquoi nous limiter à 500 millions d'euros s'il est possible d'aller chercher un ou deux milliards d'euros ? Ce n'est pas l'enveloppe qui déterminera le projet, ce doit être l'inverse. Les projets détermineront l'enveloppe consacrée aux QPV. Les élus de ces quartiers sont tout aussi aptes que d'autres à monter ces projets.

Nous avons créé dans ce but l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), et la délégation aux collectivités territoriale et à la décentralisation (DCTD) a été parfaitement associée à cette création. Cette agence est destinée à apporter l'ingénierie locale pour aider les élus à présenter leurs projets et à bénéficier du plan de relance.

Nous flécherons évidemment de façon particulière certains sujets, notamment l'emploi avec le cumul des aides entre emplois francs et aides à l'embauche des jeunes. Nous ferons des focus bien précis parce que nous avons des intentions particulières, mais l'enveloppe bénéficiera aux territoires, que ce soit pour la rénovation thermique des bâtiments, pour la DSIL, pour l'agriculture ou pour la question du numérique sur laquelle le secrétaire d'État à la transition numérique et aux communications électroniques, M. Cédric O, prévoit une enveloppe importante pour l'inclusion numérique. La meilleure façon d'en faire bénéficier les territoires sera de contractualiser avec les élus, car ce sont eux qui mettront en œuvre l'ensemble de ces dispositifs.

En ce qui concerne la question de Stéphane Travert, je peux effectivement passer le message à la Fédération des banques d'autant plus que je connais certains de ses dirigeants. Je crois toutefois que le principal est de savoir comment maintenir la proximité des services publics. C'est un élément essentiel. Notre grand problème est aujourd'hui l'accès à l'information, l'accès aux droits. Avec Jacqueline Gourault, nous déployons actuellement les maisons France Service, y compris dans les quartiers prioritaires de la ville, avec une particularité qui est reprise en milieu rural : des bus France Service. Les bus peuvent sillonner les quartiers pour apporter les services publics.

Parmi ces services publics se trouvent toutes les démarches liées aux finances publiques, à la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), à la caisse d'allocations familiales (CAF), le service de Pôle emploi et la Poste. La Poste intègre ce dispositif à la fois à travers ses bureaux de poste et en mobilité dans les bus France Service.

Lorsqu'une banque retire son guichet, l'accès bancaire devient effectivement très vite compliqué. Pour faciliter la relation bancaire, nous agissons à travers les outils numériques. Beaucoup d'opérations bancaires sont aujourd'hui dématérialisées. Nous utilisons moins d'espèces, nous faisons beaucoup de paiements par carte bancaire. Il faut consacrer les moyens nécessaires sur le numérique et, à travers ces maisons France Service, nous nous attaquons aussi au sujet de l'illectronisme avec des services qui seront en soutien dans ces maisons France Service et dans ces bus France Service. L'État ne peut pas obliger au maintien d'une agence bancaire puisque ce sont des entreprises privées, mais nous développons des moyens par le réseau France Service.

Dans les milieux ruraux et les QPV, des personnes ont besoin d'espèces, notamment les personnes âgées et ceux qui sont très précaires, ceux qui n'ont pas de carte bancaire. Nous avons voté une mesure passée un peu inaperçue, le cash back. Il s'agit d'habiliter des commerçants à faire des transactions sur les espèces. Par exemple, en achetant une baguette à un euro dans une boulangerie, un client pourra payer 50 euros par carte et le commerçant restituera 49 euros en espèces. Ce dispositif a été mis en place pour essayer de répondre au départ des guichets bancaires. Il faut délivrer le plus possible ces services auprès des habitants. C'est ce que nous faisons à travers l'ensemble des dispositifs que nous mettons en place.

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Un groupe de travail sur la territorialisation du plan de relance a été créé au sein de la DCTD, d'abord parce que nous pensons que les élus, aussi bien nationaux que locaux, doivent être impliqués dans ce travail et aussi qu'aucun territoire ne doit être oublié. Sans vouloir mettre des règles de prorata ou des volontés de péréquation, il s'agit de s'assurer que l'argent ira là où il sera le plus utile.

La territorialisation est aussi une manière de suivre l'argent investi dans les territoires. Il faut absolument que vous insistiez vous aussi auprès de vos collègues sur cette territorialisation. Par exemple, dans le cas de la rénovation énergétique, combien iront à tel territoire, aux quartiers prioritaires de la ville, à telle métropole ? Parler de 100 milliards d'euros est complètement abstrait pour nous tous et évidemment pour nos concitoyens. Si je ne sais pas quelle somme a été investie dans mon territoire dans le cadre de ce plan de relance, je n'y crois pas et je me dis que ce ne sont que des annonces, que c'est de la fausse monnaie, que c'est du recyclage du budget…

C'est aussi une manière de répondre à cette angoisse du recul de l'État et des services publics. Nous entendons tous les jours dire dans les quartiers ou dans les territoires ruraux : « L'État a déserté », « il n'y a plus d'État », « l'État a reculé », « l'État a fermé ». Si les Français visualisaient tout l'argent que l'État met dans tel ou tel projet via la dotation d'équipement des territoires ruraux (DTER) ou de la DSIL, tel ou tel programme bien au-delà des programmes spécifiques aux quartiers prioritaires de la ville, je pense que cela permettrait de lutter contre cette perception du recul de l'État. Nous avons déjà entendu un certain nombre de fois dans l'Hémicycle certains se plaindre d'être les oubliés de la relance, et nous les entendrons encore très longtemps.

Ma deuxième remarque porte sur France Service et ce sentiment que les services publics ferment, aussi bien dans les quartiers que dans les territoires ruraux. La réalité est que le nombre de fonctionnaires dans ces territoires a augmenté depuis la décentralisation. Si vous additionnez les fonctionnaires d'État et les fonctionnaires territoriaux, le total a augmenté. Pourtant, de nombreux Français dissocient ce qui vient de l'État, qu'ils considèrent de « vrais » services publics, et ce qui vient des collectivités territoriales, qui est considéré comme un dû. Comment faire en sorte que les Français, dans les quartiers en particulier, comprennent bien que les services publics ne proviennent pas uniquement de l'État, mais aussi des collectivités territoriales ? Ce sentiment est parfois alimenté par les élus eux‑mêmes, comme nous l'avons vu pendant la crise, avec les discours pour savoir qui devait payer la prime Covid.

Cette absence de fluidité dans les relations entre l'État et les collectivités territoriales se traduit, pour les citoyens, par le sentiment que les collectivités accomplissent leur travail, tandis que l'État ne ferait pas le sien.

Enfin, le sujet de la mixité sociale date de plusieurs décennies et nous interpelle en tant qu'élus de la Nation. C'est bien d'avoir une politique des quartiers prioritaires de la ville, mais ce serait encore mieux de ne pas avoir de quartier prioritaire de la ville. Ce sujet semble s'aggraver. Nos territoires ruraux sont de plus en plus ruraux, nos quartiers prioritaires sont de plus en plus prioritaires et nous ne parvenons pas à nous en sortir. L'équilibre des territoires pose toujours problème.

Il est tout à fait louable et nécessaire d'intervenir, programme après programme, financement après financement, dans les quartiers prioritaires de la ville, mais l'idéal serait tout de même de rééquilibrer ces territoires, d'avoir partout dans notre pays une véritable mixité sociale. Nous savons que c'est important pour nos jeunes, pour des raisons culturelles, pour des raisons de sécurité, pour des raisons de laïcité, pour mille raisons. Je sais que la question est évidemment très complexe, mais je ne doute pas, madame la ministre, que vous ayez des idées sur ce sujet et cela m'intéresse de connaître votre sentiment.

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Des QPV se trouvent dans ma circonscription et il s'y pose, comme dans tous les QPV je pense, des problèmes de logement indigne et, surtout, des problèmes parce que l'environnement du logement est lui-même tout aussi indigne. Les bailleurs sociaux sont les propriétaires des lieux et ils déterminent la stratégie de rénovation ou de reconstruction. S'ils ne veulent pas intervenir, quelles sont les mesures que nous pouvons prendre en tant que députés pour accompagner cette problématique auprès des élus locaux et impulser un changement ?

Par ailleurs, qu'est-il concrètement attendu de notre part dans le plan de relance ? Comment pourrai-je agir concrètement, en tant que députée, sur mon territoire, pour participer à une meilleure connaissance du plan de relance et pour faire avancer les projets ?

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Pourquoi continue-t-on à appeler ce plan « plan de relance » alors que la fin du Covid-19 n'est pas annoncée ? Que relançons-nous ? Je vois de plus en plus de magasins dont la devanture s'orne de la mention « À louer » ou « Fin d'activité ». Lorsque je passe chaque semaine dans ma circonscription, ils sont de plus en plus nombreux.

Il faut peut-être s'interroger. La réalité économique est là et nous sommes de plus en plus précaires, de plus en plus prioritaires. Il me semble que tout sera très compliqué en 2021. Que ce soit dans la ruralité, dans les bourgs ou dans les villes les plus importantes, nous risquons d'être confrontés à un « sauve-qui-peut ». Dans ces conditions, pouvons-nous encore parler de plan de relance ?

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Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville

Les questions sont très variées et très intéressantes. Certaines dépassent vraiment le champ de mon intervention, mais je répondrai le plus précisément possible avec les informations dont je dispose.

Jean-René Cazeneuve est intervenu sur la territorialisation du plan de relance. Le Premier ministre et Jacqueline Gourault ont récemment contractualisé avec les régions pour territorialiser le plan de relance. Il reste à évaluer les enveloppes déléguées aux préfets de région. Elles seront gérées par des opérateurs tels que l'Agence de l'eau, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) qui utiliseront ces enveloppes dans le cadre de leurs actions.

Les enveloppes seront donc déconcentrées au niveau des régions puis par départements et enfin par communes. La communication de la territorialisation du plan se fera par la définition des enveloppes qui seront consacrées à telle ou telle région. Ce point est en cours de finalisation et nous communiquerons sur ce sujet dans les semaines à venir.

Nous serons bien sûr capables par ce processus de tracer tous les projets labellisés France Relance avec un logo dédié pour montrer l'action très concrète de l'État dans les projets dans lesquels nous interviendrons. Il sera obligatoire d'informer sur le plan de financement. Valoriser ainsi le plan de relance sera très important dans un deuxième temps. Nous saurons à quoi ont servi les 100 milliards, dont 40 milliards proviennent, je le rappelle, de l'Union européenne après une intervention très forte de la France par la voix du Président de la République. Le Premier ministre et Jacqueline Gourault communiqueront sur ces questions.

Sur le sentiment de désengagement de l'État malgré l'augmentation du nombre de fonctionnaires dans les territoires, l'amélioration passera par la valorisation du couple préfet-élu. Nous avons vu à l'occasion du confinement la façon dont nous pouvions progresser et notre capacité à avoir une relation très rapprochée entre les préfets et les élus locaux. Nous voulons aujourd'hui renforcer cette relation en déconcentrant au maximum les décisions que nous prenons et les enveloppes mises à disposition. J'ai déjà développé tout ce qui est déconcentré et il faut valoriser cette relation plutôt que d'avoir une opposition systématique reprochant à l'Etat son inaction. L'Etat fait beaucoup, mais à travers les préfets, parce que c'est une demande des collectivités territoriales. Beaucoup d'actions passent par les collectivités et cette déconcentration. Il ne faut pas intenter ensuite un faux procès, comme cela est aujourd'hui assez courant de la part de celles et ceux qui veulent s'inscrire dans une opposition systématique à l'action de l'État.

S'agissant de la mixité sociale, elle ne se décrète pas, elle se construit et elle ne se construit pas que dans un seul sens. Ce n'est pas qu'une question de logement. C'est évidemment un problème de logement puisque la mixité de l'offre de logement permet une mixité des revenus et donc une mixité des populations, mais c'est aussi une question d'attractivité du territoire. Il faut apporter de la mobilité, du dynamisme économique, des commerces. C'est ce que nous faisons à travers tous les programmes que nous mettons à disposition, comme Action Cœur de ville ou les actions de l'ANRU, qui ne consistent pas seulement à renouveler le bâti, mais à concevoir un vrai projet de renouvellement urbain. L'ANRU intervient aussi sur des questions de mobilité et finance une partie des tramways.

Nous intervenons beaucoup avec la Banque publique d'investissement (BPI) pour soutenir les actions entrepreneuriales des jeunes des quartiers au sein même des quartiers. Dans le cadre du plan de relance, nous interviendrons à travers la Banque des territoires pour développer des foncières. Cent foncières agiront sur des commerces de proximité. Cette opération est destinée à faciliter l'accès au foncier ; nous savons combien il est difficile d'installer un commerce sans l'appui du foncier et nous le faisons donc par le plan de relance.

La mixité sociale signifie aussi la rénovation des écoles. Même dans un quartier tout neuf, si l'école n'accueille pas les enfants dans de bonnes conditions, les gens hésiteront à s'installer. Nous avons fixé de nouveaux objectifs à l'ANRU, mais aussi dans le plan de relance où un fonds dédié est prévu pour aider les collectivités à la rénovation des bâtiments publics et des bâtiments des collectivités. Cela concernera les écoles, les gymnases, les maisons de santé… et permettra là encore d'améliorer l'attractivité du territoire.

La responsabilité est partagée. L'État met en place des dispositifs, des financements, mais c'est un projet de territoire. Qui est mieux placé que l'élu local pour placer son projet et l'intérêt des habitants au cœur de son action ? Nous sommes en soutien des collectivités, mais l'État ne peut pas faire tout seul.

La question de la mixité sociale concerne beaucoup les élus locaux. Lorsque je vois que certains élus locaux ne respectent pas la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU), qu'ils n'augmentent pas le nombre de logements sociaux et préfèrent payer les sanctions, je suis attristée, car ce sont les mêmes qui pointent ces insécurités dans les quartiers, ce sentiment d'insécurité dans la ville et parfois dans la ville d'à côté. Je pense que c'est une responsabilité partagée, commune et que personne ne doit aujourd'hui s'en décharger. Nous monterons en puissance sur ces questions, toujours en concertation avec les élus, en ouvrant des discussions très larges pour être efficaces.

Sur le rôle des députés face à l'habitat et l'environnement indignes, j'ai déjà parlé de la question de l'environnement pour apporter une attractivité au territoire. Nous agissons sur l'environnement par la rénovation des écoles, le programme « Quartiers fertiles » et divers programmes. L'habitat indigne en tant que tel et les copropriétés dégradées sont un problème d'intérêt national, au cœur de notre action. Il est hors de question de revivre le drame que nous avons vécu rue d'Aubagne à Marseille.

Le plan Initiative Copropriétés, géré par l'ANRU et l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH), dispose de 2,7 milliards d'euros pour mener une action très forte en matière de copropriétés dégradées. Pour apporter en plus une autre dynamique, l'État y consacrera 50 millions d'euros supplémentaires dans le plan de relance.

Le rôle des députés est d'être des ambassadeurs sur les territoires de toutes les actions engagées. Il ne s'agit pas de faire la promotion de telle ou telle majorité présidentielle, mais de faire la promotion de dispositifs qui changeront vraiment la vie des habitants. Il faut expliquer les différentes mesures prévues. Rien n'est encore totalement figé et la façon dont le plan de relance s'articulera est encore en discussion. Votre rôle est de vous tenir à l'affût de toutes ces informations. Nous sommes évidemment à votre disposition pour vous communiquer tout ce dont vous avez besoin pour bien l'expliquer. En tant qu'élus dans vos territoires, vous êtes les premiers ambassadeurs de l'ensemble des dispositifs.

Pourquoi lançons-nous ce plan de relance alors que le Covid-19 n'est pas fini ? La crise sanitaire et ce virus nous sont tombés dessus avec une violence inédite et inouïe. Nous avançons en fonction des informations dont nous disposons. Je pense que c'est important de le rappeler à l'heure où la situation sanitaire se dégrade. Nous avons dans un premier temps, au printemps, annoncé ce confinement qui a gravement affecté notre économie. Pour éviter toutes les conséquences graves de cette situation, l'État a mis en place des dispositifs de soutien et d'accompagnement aux entreprises pour éviter la suppression d'emplois. Le Gouvernement français a pris la décision inédite de nationaliser des salaires à travers le chômage partiel. C'est une action très forte de l'État providence, et il faut le rappeler. Les 460 milliards d'euros votés dans les différents projets de loi de finances rectificative étaient conçus pour soutenir notre économie et pour protéger les emplois.

Évidemment, nous ne pourrons pas tout protéger. Les effets de la crise sont présents, mais il faut bien, aujourd'hui, après ces mesures de protection et de soutien, commencer à relancer la machine de production, de poursuivre la réindustrialisation du territoire français, à l'heure d'une concurrence mondiale violente. Tous les pays se battent actuellement pour récupérer des chaînes de production et des activités sur leur territoire. Nous avons pris il y a trois ans des mesures d'attractivité par l'imposition, des mesures d'attractivité financière que nous amplifierons dans le projet de loi de finances de cette année pour devenir encore plus attractifs que nous ne l'étions avant la crise.

Nous devons être proactifs, annoncer aujourd'hui le plan de relance et dire que l'État est prêt à s'engager. Ce que nous annonçons maintenant n'aura pas d'effet en novembre ou en décembre 2020. Ce plan de relance s'étalera sur deux ans. Nous disons que nous apporterons ce soutien, que l'État sera présent en soutien de la relance de la machine économique. Nous savons que cela peut prendre du temps et c'est pourquoi le plan de relance se déploie sur deux ans. Nous nous laissons cette période pour concrétiser les actions et dépenser les crédits que nous avons engagés.

Nous sommes effectivement en pleine crise sanitaire. Nous sommes au début d'une crise économique et sociale. Je crois que deux possibilités s'offrent à nous. Soit nous laissons cette crise perdurer et nous attendons de connaître vraiment les conséquences pour agir, mais je pense qu'il sera déjà trop tard, soit nous faisons de cette crise une opportunité pour aller chercher de nouveaux marchés, pour développer de nouveaux métiers à travers l'innovation et la recherche, pour redynamiser économiquement nos territoires avec tous ces projets de rénovation, de construction et donc de développement d'emplois.

J'ai rencontré la Fédération du bâtiment qui dit que, d'ici à 2023, 150 000 emplois seront créés. Il faut accompagner cette dynamique et nous l'accompagnons en soutenant la filière du bâtiment pour qu'elle ne s'écroule pas. Ces décisions doivent être prises aujourd'hui. Les conséquences ne seront pas immédiates, mais à moyen terme et, je l'espère, dans le délai le plus court possible.

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Je voudrais aborder la question qui fâche, celle de la sécurité dans les QPV. C'est un problème qui devient assez prégnant à Perpignan. Cela a eu des conséquences politiques non négligeables puisque M. Louis Aliot, soutenu par le Rassemblement national, a été élu. Il faut dire que la situation à Perpignan empire effectivement et il faut tenir compte de ce terreau.

Je voudrais donc savoir si un volet « sécurité » spécifique à ces quartiers est prévu dans la politique de la ville.

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Nadia Hai, ministre déléguée auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargée de la Ville

La question de la sécurité comporte deux aspects : la répression et la prévention.

Le ministère de l'Intérieur s'occupe de l'aspect répressif et nous y mettons les moyens. Ces trois dernières années, le budget de la sécurité a augmenté d'un milliard d'euros. Nous avons l'ambition de créer 10 000 postes de policiers et de gendarmes d'ici la fin du quinquennat. C'est un effort considérable, aussi bien pour les effectifs supplémentaires que pour les équipements des policiers. Nous avons, spécifiquement pour les QPV, décidé de mettre en place le dispositif des « Quartiers de reconquête républicaine ». Dans les 60 « Quartiers de reconquête républicaine », les forces de police seront renforcées. Nous avons déjà environ 600 policiers et gendarmes supplémentaires dans 49 de ces quartiers qui sont ceux les plus en tension.

Nous ne nous désengageons pas de ces sujets, bien au contraire. Certains ont détruit des postes de policiers et de gendarmes entre 2007 et 2012. Lorsque 10 000 postes sont détruits, ce n'est pas 10 000 qu'il faut en remettre, mais 20 000 parce qu'il faut restructurer et réorganiser tous les services, répondre à la problématique des cycles horaires de ces effectifs de policiers et de gendarmes. Nous avons la volonté d'agir massivement dans le répressif, même si certains veulent faire croire que l'État ne fait rien. Bien au contraire, l'État est très présent sur cette question et je soutiens pleinement son action.

Il faut savoir que les premières victimes de l'insécurité sont les habitants des quartiers. Nous entendons parler de rodéos sauvages à la télévision ; les premières victimes de ces rodéos sont les habitants des quartiers. Je suis très bien placée pour le savoir, pour être allée passer quelques nuits à Trappes chez ma mère. Les rodéos réveillent tout l'immeuble et tout le quartier en passant à deux heures du matin. C'est pourquoi je soutiens complètement la politique de sécurité que nous portons aujourd'hui. Elle est au bénéfice des habitants.

Ensuite, le ministère de la Ville agit sur le volet de la prévention. Nous intervenons aux endroits où les liens entre la police et la population sont abîmés, fracturés avec des acteurs associatifs pour renforcer ce lien par des activités ludiques, pédagogiques, sportives. Nous ciblons évidemment surtout les jeunes. Ils se retrouvent avec des policiers pour une activité qui leur permet de mieux se connaître et de casser les représentations qu'ils ont les uns des autres. J'y tiens beaucoup.

Nous entendons de nombreux commentaires sur la police et la gendarmerie. Il n'est certes pas question de nier certains actes ou propos qui peuvent être violents et pour lesquels une sanction est nécessaire, mais il n'est pas question de jeter l'opprobre sur toute une profession. Je m'y refuse parce que la première mission des policiers et des gendarmes est de protéger nos concitoyens. Développer ce lien de rapprochement permet de l'expliquer.

Nous travaillons aussi en prévention sur l'éducation. L'égalité des chances ne se décrète pas, mais se construit, en particulier à travers les dispositifs que nous mettons en place. Prenons l'exemple des Cités éducatives. Il s'agit de mettre en place un parcours de prise en charge des jeunes dès 3 ans à l'entrée en maternelle jusqu'à l'insertion professionnelle et au plus tard jusqu'à 25 ans. La Cité éducative a pour objet de suivre le parcours du jeune pour qu'il ait une solution à la sortie de son parcours scolaire, quel que soit l'âge auquel cette sortie intervient.

Nous agissons aussi à travers les Cités de l'emploi pour tous ceux qui sont sortis du parcours scolaire et sont assez éloignés du milieu de l'emploi. Nous les remettons en situation d'employabilité et nous travaillons avec des partenaires locaux pour leur trouver une solution d'emploi. Je pense que l'émancipation passera beaucoup et surtout par l'emploi.

Enfin, le secteur associatif mène un travail de prévention extraordinaire. J'étais à Stains récemment et j'ai rencontré de petites associations, avec beaucoup de bénévoles et pas forcément de salariés. Elles font un travail formidable auprès des jeunes pour prévenir une certaine forme de délinquance. Il faut soutenir et aider ces associations. J'ai mis en place le fonds « Quartiers solidaires » pour aider le milieu associatif à faire ce travail qui est son activité première et également pour l'aider à créer du lien avec les jeunes et à prévenir la délinquance.

Sur la question de la sécurité, je pense qu'il faut agir sur ces deux leviers. Lorsque certains n'agitent qu'un seul sujet et d'autres, l'autre sujet, je ne pense pas que nous arrivions à une solution qui puisse convenir à tout le monde, au premier chef aux habitants des quartiers. Il faut avancer sur ces deux « jambes » pour que nous puissions répondre réellement à cette question.

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Je vous remercie, madame la ministre, pour la sincérité de vos réponses.

La réunion s'est achevée à 10 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Stéphane Baudu, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Laurence Gayte, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Monica Michel, M. Rémy Rebeyrotte, Mme Bénédicte Taurine, M. Stéphane Travert.

Excusés. – Mme Yolaine de Courson, M. Christophe Jerretie, M. Sébastien Jumel, Mme Christine Pires Beaune.