Intervention de Jean-Baptiste Djebbari

Réunion du jeudi 19 novembre 2020 à 9h00
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Jean-Baptiste Djebbari, ministre délégué auprès de la ministre de la transition écologique, chargé des transports :

Le moment est particulier. Le premier confinement avait été marqué par une forte réduction de l'offre de transport. Après le déconfinement et le redémarrage progressif du secteur au cours des mois de juin, juillet et août, le bilan du mois de septembre a été inférieur aux prévisions. Ainsi, au moment même où, sous votre influence M. le Président, les pertes fiscales et de recettes tarifaires des collectivités commençaient à être compensées, le décrochage s'est stabilisé dans le secteur des transports en commun – je le signale car le sujet doit être considéré avec une grande attention, en lien avec l'ensemble des territoires. La fréquentation atteint, hors période de confinement, 60 % à 65 % de ce qu'elle était l'an passé à la même époque, en raison d'un report sur la voiture et sur les mobilités douces, la marche et le vélo. Si la tendance se confirmait, il faudrait la regarder avec lucidité car elle remettrait en cause le modèle économique des transports en commun. Sous l'effet du confinement, leur fréquentation dans les grandes métropoles, notamment dans la région parisienne, s'établit à 47 % du niveau habituel. La fréquentation moyenne du réseau RATP est de 35 %, avec, le matin, des pointes à 55 %. Concernant le TGV, la SNCF a réduit son offre à 30 %, la fréquentation s'établissant à environ 10 % de la fréquentation habituelle, en sorte que les trains sont remplis à 30 ou 40 %.

Quelles sont nos trois grandes priorités ?

La première, et c'est l'un des enjeux de la LOM, est l'investissement dans les transports du quotidien. Vous vous rappelez que 75 % des dispositions du texte étaient d'application directe. S'agissant des 25 % restants, environ 40 % des dispositions concernées ont fait l'objet de textes d'application réglementaires ; notre objectif est de porter ce taux à 60 % début janvier, le retard étant principalement dû au contexte sanitaire. Certaines dispositions à la main des territoires sont plébiscitées. Ainsi, onze agglomérations ou villes vont créer des zones à faibles émissions (ZFE) d'ici à la fin de l'année. Nous devrons effectuer, dans le cadre projet de loi « 3D », un travail collectif sur le pouvoir de police des métropoles, afin d'être en mesure de vérifier leur effectivité. Les voies réservées ont également connu un grand succès lors du premier déconfinement. Quant à l'expérimentation de l'arrêt à la demande, elle a été utile et importante du point de vue de la sécurité.

La deuxième priorité est la sécurisation des investissements clés pour nos territoires. Le budget quinquennal 2018-2022 se montait à 13,4 milliards d'euros. Nous avons choisi de financer des priorités nouvelles. J'y reviendrai lorsque j'évoquerai le plan de relance, mais le Parlement nous a déjà permis d'assurer l'avenir de plus de mille des neuf mille kilomètres de lignes de desserte fine du territoire, grâce à la signature de contrats partenariaux avec trois régions : Centre-Val de Loire, Grand Est et PACA. D'autres régions en sont au stade de la négociation finale. Ce partenariat important et précis offre une visibilité à l'horizon de dix ans alors qu'auparavant, on pratiquait souvent la politique du pansement, c'est-à-dire qu'on régénérait en urgence les plateformes, dont la vitesse ou la circulation restaient souvent limitées, sans apporter de solution structurelle. Un autre sujet important est celui des canaux, que nous traitons avec Voies navigables de France (VNF). Dans la LOM, nous avions déjà amélioré substantiellement le budget de régénération. Une réflexion est en cours avec VNF pour dupliquer ce que nous avons fait pour les petites lignes ferroviaires et aboutir, pour la plaisance et le fret, à des dispositifs partenariaux et responsables susceptibles de redonner des perspectives à ce secteur. Enfin, nous avons financé des investissements clés comme le canal Seine-Nord et la liaison ferroviaire Lyon-Turin, également concernés par le plan de relance.

La troisième priorité concerne la transition écologique et industrielle. Nous profitons du moment actuel pour mettre en œuvre plus rapidement plusieurs stratégies, notamment la stratégie nationale pour le développement de l'hydrogène. Les collectivités peuvent d'ores et déjà répondre à deux appels à projets, l'un pour créer des écosystèmes territoriaux, l'autre pour créer de nouvelles briques et démonstrateurs technologiques. Ainsi, quatre régions sont déjà candidates pour expérimenter le train à hydrogène : Grand Est, la Bourgogne-Franche-Comté, l'Occitanie et Auvergne-Rhône-Alpes.

Nous avons décidé d'agir résolument en faveur du déploiement des bornes électriques, notamment sur les réseaux routiers, concédés et non concédés. Le ministère vise l'objectif de 100 000 bornes installées fin 2021. Un premier rendez-vous avec les Français est fixé à l'été prochain, dans des conditions sanitaires que nous espérons mieux maîtrisées ; il s'agit de résoudre, sur les grands axes, le problème de l'itinérance et de susciter la confiance du consommateur en assurant la présence d'un nombre de bornes suffisant pour qu'aucun conducteur ne soit pas perdu entre deux points de recharge. À la faveur du plan automobile, les ventes de véhicules électriques et de véhicules hybrides rechargeables ont connu un fort redémarrage. Pour la première fois, nous serons sur la trajectoire des 100 000 véhicules électriques vendus d'ici à la fin de l'année. Je crois pouvoir dire que le cycle vertueux consistant à consolider l'industrie automobile française et à doter le consommateur des moyens d'acquérir ce type de véhicules, y compris sur le marché de l'occasion, est bien lancé.

Dans le projet de budget pour 2021, outre les priorités que je viens de rappeler, nous avons choisi de mettre l'accent sur le transport ferroviaire, notamment le fret, en mobilisant plus de 170 millions d'euros supplémentaires pour soutenir les opérateurs grâce à la baisse des péages et pour augmenter les concours à SNCF Réseau afin de répondre aux besoins des trafics TET et TER.

Un rendez-vous est prévu au début de l'année prochaine pour faire le point sur la connectivité par voie aérienne. En effet, vous le savez, la crise sanitaire s'accompagne d'une crise profonde du transport aérien et le groupe Air France, dont l'empreinte est forte dans les territoires, est en cours de restructuration. Dans ce cadre global, nous avons cartographié les lignes maintenues, les lignes reprises par la filiale d'Air France, Transavia, et celles reprises par d'autres opérateurs, et nous avons étudié la manière dont la connectivité se renforçait, à moyen et long terme, avec le ferroviaire. Nous aurons début janvier un échange sur ce sujet avec des élus auquel je serai ravi de vous convier, monsieur le président.

Le plan de relance concerne massivement le secteur des transports, à hauteur de 11,5 milliards d'euros, soit un peu plus de 10 % des 100 milliards prévus. Un bloc important de presque 5 milliards est consacré au ferroviaire et vise, en plus de ce que je viens d'indiquer, à engager des actions concrètes pour le fret en lançant trois autoroutes ferroviaires : entre Calais et Sète, entre Cherbourg et Bayonne et autour de l'axe Perpignan-Rungis, prolongé, au sud, jusqu'à Barcelone et, au nord, jusqu'aux ports d'Anvers et de Dunkerque. Après m'être rendu chez nos voisins limitrophes, je crois pouvoir dire que le moment politique est propice : nous avons, en la matière, une capacité d'agir inédite, grâce à la priorité donnée au fret ferroviaire par la nouvelle Commission.

D'ici à 2022, nous relancerons deux lignes de trains de nuit : Pais-Nice et Paris-Tarbes-Hendaye. Le plan déjà cité en faveur des petites lignes est financé pour partie, pour les deux prochaines années, dans le cadre du plan de relance.

Nous mobilisons 1,2 milliard d'euros en faveur des mobilités du quotidien, dont 700 millions pour la région Île-de-France et 500 millions pour le reste du territoire, afin de financer des projets emblématiques, en Île-de-France et en région. Je pense à la troisième ligne de métro à Toulouse et aux études de lignes RER à Lille, Bordeaux et Strasbourg, qui sont très attendues. Par ailleurs, l'effort de conversion du parc automobile représente 2,7 milliards d'euros, en incluant les aides à l'installation et les bonus écologiques pour l'achat de véhicules propres.

Un plan de désenclavement par la route, à hauteur de 500 millions d'euros, est destiné aux ruralités.

Quant aux quelque 400 millions d'euros prévus pour la filière portuaire maritime et fluviale, ils concernent des actions largement lancées, qu'il s'agisse de l'électrification des quais ou de la création de points d'avitaillement au gaz naturel liquéfié (GNL). La compagnie maritime d'affrètement-compagnie générale maritime (CMA-CGL) a fait naviguer son premier porte-conteneurs au GNL la semaine dernière.

Je conclurai en évoquant le secteur du transport aérien. Je présidais hier la réunion des ministres des transports des quatre pays européens représentés au capital d'Airbus. La Grande-Bretagne, la France, l'Allemagne et l'Espagne ont affirmé leur unité et leur volonté politique de réaliser la transition écologique et industrielle, en s'orientant vers le développement des avions hybrides électriques ou fonctionnant aux biocarburants et en réalisant le saut technologique vers l'avion zéro carbone grâce à la stratégie de l'hydrogène, qui est la voie empruntée par les acteurs industriels et confortée par les acteurs publics.

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