Intervention de Philippe Laurent

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9h30
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Philippe Laurent, secrétaire général et co-président de la commission Finances et fiscalité locales de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) :

L'ensemble des associations d'élus locaux aujourd'hui représentées travaillent et échangent ensemble, de manière étroite et régulière. Elles partagent donc, pour l'essentiel, les mêmes analyses. Ainsi partagions-nous, globalement, un même diagnostic au mois de juin dernier. Il concluait à une diminution relativement importante de la capacité d'autofinancement du bloc communal.

Pour notre part, nous maintenons qu'elle diminuera, contrairement à ce que prévoit M. Dussopt.

Cette diminution sera plus ou moins importante selon les communes, car toutes ne sont pas logées à la même enseigne, mais une large part, qui tient aux recettes tarifaires, ne sera pas compensée. Certes, les recettes procurées par les transports sont pour partie compensées – je laisserai les représentants d'associations plus concernés en parler – mais les services habituellement facturés à la population dans le domaine scolaire et celui de la petite enfance n'ont procuré aucune recette pendant le confinement, du fait de la fermeture des écoles et des crèches. C'est là une perte financière non compensée que nous estimons à environ 2 milliards d'euros.

Les chiffres avancés par M. Dussopt nous ont donc fort étonnés, qui révéleraient une augmentation très importante de la capacité d'épargne brute et une hausse de quelque 5 % du produit des impôts locaux. J'aimerais en connaître le détail, car ils ne correspondent pas à ce que nous constatons, et je ne crois pas que les bases taxables aient progressé de 3 ou 4 points au-delà de leur augmentation forfaitaire. En revanche, la baisse des recettes liées aux services est bien enregistrée dans les comptes provisoires sur lesquels sont supposés se fonder les chiffres communiqués par le ministre. Nous attendons plus de détails sur l'évolution du produit des impôts locaux et les chiffres définitifs – puisque ceux publiés à ce jour ne prennent évidemment pas en compte la journée complémentaire.

Nous maintenons donc notre analyse même si la situation se révèle à la fin de l'année 2020 moins grave que nous ne l'anticipions au mois de juin dernier, notamment en raison de la bonne tenue des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), mais aussi parce que la crise nous a également conduits à ne pas effectuer certaines dépenses prévues. Je n'en rappelle pas moins que les dépenses du bloc communal sont essentiellement des dépenses de personnel, et la rémunération de nos personnels est évidemment demeurée inchangée. Nous avons même rémunéré des personnels vacataires, en l'absence de service fait, car leurs établissements étaient fermés, et maintenu quelques dépenses de prestation alors que les événements concernés étaient annulés – c'est toutefois assez secondaire.

Il y aura donc – comment pourrait-il en être autrement ? – une diminution de l'épargne brute, contrairement à ce qu'a annoncé le ministre chargé des comptes publics.

Quant à la fiscalité, avec la suppression de la taxe d'habitation et l'affaiblissement, voire la disparition, du lien entre le territoire et les ressources des collectivités, il n'y a maintenant plus de débat au sein des conseils régionaux sur les choix en matière de recettes ni même sur les conséquences de telle ou telle politique publique régionale en matière fiscale ; seules les dépenses sont débattues. Avec le remplacement de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il n'est même plus question, sinon très marginalement, de débattre des répercussions de telle ou telle politique menée par la région sur ses propres recettes fiscales.

La situation est extrêmement inquiétante et nous avons l'impression qu'en fait de remise à plat de la fiscalité il faudrait remettre à plat non pas tant la fiscalité locale que l'ensemble des ressources partagées entre l'État et le niveau territorial. Sans cette réflexion, nous assisterons au délitement progressif de la responsabilité des assemblées délibérantes locales, et de leurs élus, par rapport à l'impôt.

Nous sommes arrivés à un point de bascule entre la fin de l'année dernière et le début de cette année avec les réformes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et la taxe d'habitation : la responsabilité fiscale des collectivités territoriales est en train de changer de nature, voire de disparaître ; il en va donc de même de leur responsabilité politique. Voilà qui rompt avec l'équilibre qui prévalait, bon an mal an, jusqu'à présent.

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