Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Réunion du jeudi 21 janvier 2021 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

Source

La réunion débute à 9 heures 30.

Présidence de M. Jean-René Cazeneuve, président,

et de M. Éric Woerth, président de la commission des Finances,

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l'Assemblée nationale à l'adresse suivante :

http://assnat.fr/pSx3YJ

La Délégation entend, en audition, conjointe avec la commission des Finances, M. Philippe Laurent, secrétaire général et co-président de la commission finances et fiscalité locales de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), MM. Sébastien Miossec, président délégué, et Boris Ravignon, vice-président de l'Assemblée des communautés de France (AdCF), MM. François Rebsamen et Arnaud Robinet, co‑présidents de la commission Finances et fiscalité de France urbaine, et M. Jean‑François Debat, président délégué de Villes de France.

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Notre commission des finances et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale poursuivent aujourd'hui le cycle d'auditions conjointes des associations d'élus locaux qu'elles ont entamé la semaine dernière. C'est l'occasion d'un bilan d'étape des conséquences de la crise sanitaire et d'un échange sur la fiscalité locale.

Le président Jean-René Cazeneuve avait remis un rapport au Premier ministre l'an dernier et la Cour des comptes a présenté le 15 décembre dernier le fascicule 2 de son rapport public sur les finances locales. Le sujet préoccupe et les interrogations sont très fortes, notamment sur le devenir de réformes antérieures à la crise sanitaire, telle la réforme de la taxe d'habitation.

De l'audition, la semaine dernière, des représentants de l'Assemblée des départements de France, nous avons retenu que c'étaient ces derniers qui, compte tenu de leurs compétences et de la structure de leurs dépenses, subissaient, du point de vue des finances locales, l'essentiel des conséquences de la crise, dans un contexte où leur pouvoir de taux a, pour ainsi dire, été amputé de moitié, ce qui n'est pas sans conséquence.

Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir des représentants du bloc communal, que je remercie d'avoir accepté notre invitation.

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Je remercie les élus locaux pour le travail considérable réalisé sur le terrain. Présents dès le début de la crise, ils continuent de s'investir à l'heure du déploiement du plan de relance.

Cette audition est particulièrement bienvenue au lendemain de celle du ministre de l'économie et des finances et du ministre délégué chargé des comptes publics. En effet, Olivier Dussopt nous a livré à propos des finances des collectivités territoriales, au titre de l'exécution 2020, des chiffres surprenants : les recettes réelles de fonctionnement auraient augmenté de 3 % au cours de l'année et les dépenses seraient à peu près stables. Il convient certes de manier ces chiffres avec prudence – ils peuvent occulter des disparités importantes entre collectivités et les chiffres définitifs ne seront connus qu'au terme de la journée complémentaire le 31 janvier prochain– mais ils contrastent nettement avec des propos parfois très alarmistes tenus non seulement au début de la crise mais aussi dans un passé relativement récent. Ainsi, M. Laignel, premier vice-président délégué de l'Association des maires de France, annonçait à la fin du mois de novembre que la crise coûterait au moins 6 milliards d'euros au bloc communal. Vous-même, monsieur le président Robinet, déclariez au début du mois de décembre que certaines collectivités ne pourraient qu'augmenter les impôts locaux. Au mois de décembre dernier, la Cour des comptes indiquait pour sa part que leur capacité d'autofinancement serait réduite de 30 %, alors que c'est, au pire, à une stabilité de celle-ci qu'il faudrait finalement s'attendre. M. François Baroin appelait, pour sa part, l'attention sur le fait qu'il revenait à l'État de supporter la charge de la crise pour qu'elle ne pèse pas sur les collectivités territoriales. Les recettes de l'État ayant diminué de 37 milliards d'euros et ses dépenses augmenté de 40 milliards d'euros, le vœu de M. Baroin n'a-t-il pas, en quelque sorte, été exaucé ?

Un moindre impact de la crise sanitaire sur les finances locales est évidemment une bonne nouvelle pour tout le monde. Je n'en serai pas moins attentif à votre point de vue. Comment s'expliquent ces résultats meilleurs que prévu ? Tiennent-ils aux mesures votées, aux économies faites par les collectivités ?

Quant à l'année 2021, comment envisagez-vous l'évolution de l'investissement du bloc communal alors que leur capacité d'autofinancement a bien tenu ? Pourra-t-il repartir à la hausse comme celui des régions ? La garantie de ressources adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale donne à l'ensemble des collectivités du bloc communal une certaine visibilité et les dotations de soutien à l'investissement ont été augmentées.

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Nous serons effectivement heureux d'entendre, messieurs les représentants du bloc communal, votre point de vue, qu'il s'agisse de la situation, des mesures prises par le Gouvernement pour alléger le poids de la crise sur les collectivités locales, ou de l'évolution de la fiscalité locale.

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Philippe Laurent, secrétaire général et co-président de la commission Finances et fiscalité locales de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF)

L'ensemble des associations d'élus locaux aujourd'hui représentées travaillent et échangent ensemble, de manière étroite et régulière. Elles partagent donc, pour l'essentiel, les mêmes analyses. Ainsi partagions-nous, globalement, un même diagnostic au mois de juin dernier. Il concluait à une diminution relativement importante de la capacité d'autofinancement du bloc communal.

Pour notre part, nous maintenons qu'elle diminuera, contrairement à ce que prévoit M. Dussopt.

Cette diminution sera plus ou moins importante selon les communes, car toutes ne sont pas logées à la même enseigne, mais une large part, qui tient aux recettes tarifaires, ne sera pas compensée. Certes, les recettes procurées par les transports sont pour partie compensées – je laisserai les représentants d'associations plus concernés en parler – mais les services habituellement facturés à la population dans le domaine scolaire et celui de la petite enfance n'ont procuré aucune recette pendant le confinement, du fait de la fermeture des écoles et des crèches. C'est là une perte financière non compensée que nous estimons à environ 2 milliards d'euros.

Les chiffres avancés par M. Dussopt nous ont donc fort étonnés, qui révéleraient une augmentation très importante de la capacité d'épargne brute et une hausse de quelque 5 % du produit des impôts locaux. J'aimerais en connaître le détail, car ils ne correspondent pas à ce que nous constatons, et je ne crois pas que les bases taxables aient progressé de 3 ou 4 points au-delà de leur augmentation forfaitaire. En revanche, la baisse des recettes liées aux services est bien enregistrée dans les comptes provisoires sur lesquels sont supposés se fonder les chiffres communiqués par le ministre. Nous attendons plus de détails sur l'évolution du produit des impôts locaux et les chiffres définitifs – puisque ceux publiés à ce jour ne prennent évidemment pas en compte la journée complémentaire.

Nous maintenons donc notre analyse même si la situation se révèle à la fin de l'année 2020 moins grave que nous ne l'anticipions au mois de juin dernier, notamment en raison de la bonne tenue des droits de mutation à titre onéreux (DMTO), mais aussi parce que la crise nous a également conduits à ne pas effectuer certaines dépenses prévues. Je n'en rappelle pas moins que les dépenses du bloc communal sont essentiellement des dépenses de personnel, et la rémunération de nos personnels est évidemment demeurée inchangée. Nous avons même rémunéré des personnels vacataires, en l'absence de service fait, car leurs établissements étaient fermés, et maintenu quelques dépenses de prestation alors que les événements concernés étaient annulés – c'est toutefois assez secondaire.

Il y aura donc – comment pourrait-il en être autrement ? – une diminution de l'épargne brute, contrairement à ce qu'a annoncé le ministre chargé des comptes publics.

Quant à la fiscalité, avec la suppression de la taxe d'habitation et l'affaiblissement, voire la disparition, du lien entre le territoire et les ressources des collectivités, il n'y a maintenant plus de débat au sein des conseils régionaux sur les choix en matière de recettes ni même sur les conséquences de telle ou telle politique publique régionale en matière fiscale ; seules les dépenses sont débattues. Avec le remplacement de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) par une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), il n'est même plus question, sinon très marginalement, de débattre des répercussions de telle ou telle politique menée par la région sur ses propres recettes fiscales.

La situation est extrêmement inquiétante et nous avons l'impression qu'en fait de remise à plat de la fiscalité il faudrait remettre à plat non pas tant la fiscalité locale que l'ensemble des ressources partagées entre l'État et le niveau territorial. Sans cette réflexion, nous assisterons au délitement progressif de la responsabilité des assemblées délibérantes locales, et de leurs élus, par rapport à l'impôt.

Nous sommes arrivés à un point de bascule entre la fin de l'année dernière et le début de cette année avec les réformes de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et la taxe d'habitation : la responsabilité fiscale des collectivités territoriales est en train de changer de nature, voire de disparaître ; il en va donc de même de leur responsabilité politique. Voilà qui rompt avec l'équilibre qui prévalait, bon an mal an, jusqu'à présent.

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Sébastien Miossec, président délégué de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

S'agissant des chiffres de l'année écoulée, dont nous avons eu connaissance il y a quelques jours, je partage le propos de M. Laurent. Dans la mesure où 2020 a été une année électorale, il n'y a quasiment aucun effet de taux : la croissance de 5,4 % des recettes fiscales est donc étonnante. Tant mieux si, finalement, la situation est meilleure que nous ne l'avions imaginé ; cela nous permettra de relever les défis que nous devons relever. Ces chiffres nationaux masquent néanmoins de très fortes disparités entre les collectivités. Par exemple, les petites communes ont peu de recettes tarifaires et leurs recettes fiscales reposent essentiellement sur le foncier, dont la taxe d'habitation, qui n'a pas bougé. D'autres ont des recettes plus volatiles : je pense aux communes touristiques ou de montagne et aux autorités organisatrices de la mobilité.

Nous appelons donc à la prudence, dans l'attente d'une analyse plus fine, d'autant que la crise aura des effets de décalage, particulièrement sur nos recettes et tout ce qui relève de la fiscalité économique, probablement plus forts sur les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) que sur les communes : attendons 2021, voire 2022, pour dire que les collectivités territoriales n'auront rencontré aucun problème.

Dans quelle mesure la situation reflétée par les chiffres communiqués s'explique-t-elle par les décisions prises par l'État et le Gouvernement ? À ce stade, ce serait trop s'avancer que de l'affirmer. Peu de collectivités territoriales ont sollicité le filet de sécurité prévu par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020. L'on peut y voir un côté positif : pour beaucoup, la baisse de leurs recettes n'a pas été telle qu'elles aient dû y recourir. L'on peut aussi y voir un côté négatif : le dispositif a apporté peu de solutions, alors que les collectivités en difficulté sont nombreuses.

En 2020, les dépenses ont été marquées par le coût des mesures sanitaires et du maintien de nos services publics, ainsi que par les aides aux acteurs économiques et associatifs. Cela restera vrai en 2021. Le contexte de ce début d'année nous rappelle effectivement que les collectivités territoriales devront être au rendez-vous pour aider entreprises et associations.

Il sera difficile de renouveler les économies de gestion réalisées au cours du dernier mandat. Il convient de bien garder à l'esprit qu'il n'est pas possible de nous demander un effort comparable, par exemple au moyen d'une contractualisation, d'ici à 2026.

La prolongation du filet de sécurité en 2021 est une bonne nouvelle, qu'a saluée l'AdCF. Il offrira aux collectivités territoriales la garantie d'un minimum de recettes, mais la question se posera probablement à nouveau, je le répète, en 2022. En ce qui concerne notamment la CVAE, d'après les statistiques que nous avons pu récupérer, un quart des intercommunalités, pour lesquelles il s'agit d'une recette importante, perdrait plus de 5 % de son produit en 2021, et certaines jusqu'à 20 %. Le filet de sécurité leur sera évidemment indispensable.

Le recul des droits de mutation à titre onéreux ne serait finalement pas si fort en 2020 que ce que l'on aurait pu craindre. En revanche, la taxe de séjour pose un problème important, alors que cette saison touristique hivernale s'annonce catastrophique.

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Boris Ravignon, vice-président de l'Assemblée des communautés de France

Les conséquences financières de la crise liée à l'épidémie de covid-19 nous semblent majeures à l'échelon intercommunal. Ainsi que l'ont dit les deux premiers intervenants, la globalisation des données sur l'ensemble du bloc communal me paraît trompeuse. Incontestablement, l'addition des comptes « 515 » au trésor des petites communes rurales, peu affectées, et de ceux d'autres communes ayant connu dépenses supplémentaires et pertes de recettes ne permet pas de voir précisément ce qui se passe. Une analyse plus fine, par taille et catégorie de collectivités, est nécessaire, d'autant que celles qui auront subi l'impact le plus fort et dont la capacité d'autofinancement aura été le plus réduite sont aussi celles dont on attend qu'elles investissent dans le cadre de la relance. C'est donc la situation de celles sur lesquelles reposent nos espoirs, du point de vue de l'investissement, qui est en jeu.

En 2020, les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) ont connu à la fois de très importantes pertes au niveau de leurs recettes tarifaires – à hauteur de 450 millions d'euros en Île-de-France – mais aussi de celles liées au versement mobilité, principalement en raison de l'extension du dispositif d'activité partielle qui en exclut explicitement la perception. Il ne s'agit pas de discuter la légitimité de cette situation, mais elle affecte très fortement les autorités organisatrices de la mobilité. En outre, nous sommes très gênés par un manque d'équité dans le traitement de celles organisées en syndicat, qui bénéficient d'une compensation spécifique, et de celles qui assurent cette compétence en propre qui ont fait l'objet d'une compensation globale de leurs recettes fiscales par rapport à la moyenne de celles perçues entre 2017 et 2019, dont seule une sur douze a bénéficié en 2020. Une autre inéquité tient au soutien apporté à Île-de-France Mobilités, dont n'ont pas bénéficié dans les mêmes termes les autorités organisatrices de mobilité de province : elles ont eu une avance remboursable, dont nous verrons dans quelques jours à quel point elle a pu être sollicitée.

Les réformes fiscales s'accumulent effectivement en ce moment. Celle de la taxe d'habitation nous a fait changer de monde : le lien qui existait entre le citoyen et le contribuable local a été rompu de manière peut‑être irrémédiable. Cela étant, l'Assemblée des communautés de France a toujours accordé plus d'attention à l'autonomie financière des collectivités territoriales qu'à leur autonomie fiscale, qui suppose certes un pouvoir de taux mais qui ne doit pas faire oublier que les bases fiscales sont inégalement réparties sur le territoire.

La question qui se pose pour l'avenir est celle d'une stabilité et d'une visibilité sur les ressources dont nous pouvons disposer. Cette capacité à anticiper sur plusieurs années est fondamentale, particulièrement en début de mandat. Elle doit s'accompagner d'une confiance dans le maintien par l'État des dotations financières, confiance aujourd'hui profondément mise à mal. Le fait que les paramètres de ces dotations puissent être modifiés d'une année à l'autre au gré des circonstances budgétaires est une catastrophe pour les collectivités territoriales concernées. Le changement de référence sur la compensation des pertes au titre de la taxe sur la valeur ajoutée augure mal du respect des engagements qui ont été pris à propos de la compensation du dégrèvement de contribution foncière des entreprises (CFE). L'on peut comprendre l'objectif de la réforme des impôts de production, mais l'inquiétude est grande en termes de visibilité sur les compensations.

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François Rebsamen, co-président de la commission Finances et fiscalité de France urbaine

Je partage tout à fait ce qu'ont indiqué mes collègues et je suis tout simplement stupéfait d'apprendre que le produit des impôts du bloc communal aurait progressé de plus de 5 % et doublement stupéfait d'apprendre que ses dépenses n'auraient pas augmenté.

France urbaine a conduit une étude auprès des 42 villes de plus de 100 000 habitants. L'effet financier de la crise sur la section de fonctionnement est, par habitant, de 98 euros à Nice, 235 euros à Cannes – on y connaît l'importance du tourisme −, 50 euros à Caen, 17 euros dans ma propre ville de Dijon et 8 euros dans la ville la moins touchée. L'épargne brute est affectée dans une proportion qui va, selon les communes, de 6 % à 70 %. Quant aux recettes réelles de fonctionnement, si les droits de mutation à titre onéreux (DMTO) se tiennent, il y a bien un « trou ».

Les autorités organisatrices de la mobilité sont traitées comme des entreprises, avec des avances remboursables. C'est mieux que rien et nos recettes de fonctionnement s'en trouvent améliorées facialement, mais ce n'est pas la même chose que la compensation dont ont bénéficié certaines – il y a là une inégalité.

Les conséquences pour les communes touristiques varient. À Dijon, petite commune touristique, l'impact est déjà de 2 millions d'euros en 2020. Sur l'année 2021, elles se font déjà sentir.

Par ailleurs, si les établissements publics de coopération intercommunale n'étaient pas obligés de verser des aides, ils ont participé à l'effort national en termes d'occupation du domaine public ou de subventions au profit du monde de la culture et du sport.

Je suis donc très surpris des chiffres qui ont été annoncés.

Deux remarques en conclusion. Tout d'abord, la disparition à terme de la taxe d'habitation aura un impact, nous le verrons assez rapidement, sur la construction de logements – certaines communes, en tout cas, ne feront pas d'efforts excessifs pour en construire. Ensuite, s'il y a moins d'impôts économiques, pourquoi les communes dépenseraient-elles autant pour faire venir des entreprises ? Je considère d'ailleurs la CVAE non comme un impôt de production mais comme un impôt post production. Nous en verrons les effets en 2021 et 2022, voire 2023.

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Arnaud Robinet, co-président de la commission Finances et fiscalité de France urbaine

Je souscris bien sûr aux propos de mes collègues, particulièrement ceux de François Rebsamen. Il est vrai que les chiffres avancés par Bercy nous surprennent. Je reprendrai l'étude de France urbaine, à laquelle ont participé 78 collectivités, communes aussi bien qu'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Selon cette étude, la crise sanitaire aura eu pour effet, en 2020, de ponctionner un quart de l'épargne brute et 4 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités adhérentes. Cet écart par rapport aux chiffres de Bercy peut s'expliquer par une disparité entre les grandes villes et les autres communes. Je mets d'ailleurs régulièrement en avant la question des charges de centralité des grandes villes, dont il faut tenir compte car elles bénéficient non pas uniquement aux habitants des grandes villes mais à des territoires dans leur ensemble. En outre, je ne sais pas si les chiffres de Bercy tiennent compte des budgets annexes.

Je ne reviendrai pas sur la question des AOM. Certes, des avances remboursables, c'est mieux que rien, mais il demeure une inégalité de traitement entre collectivités.

Quant à la taxe d'habitation et aux impôts économiques, je voudrais revenir sur la notion de lien entre les habitants et la collectivité. Pas un habitant ni un chef d'entreprise n'est venu me demander une baisse des impôts de production. Les organisations patronales, notamment le Medef, l'ont demandée, mais ce n'était pas la priorité des chefs d'entreprises sur le terrain, et nous savons quelles conséquences ces mesures peuvent avoir sur l'investissement des collectivités en faveur de l'accueil d'entreprises.

Sur la taxe d'habitation, nos concitoyens demandent – c'est normal – de plus en plus aux collectivités et aux communes, en particulier en période de crise. Nous sommes là pour les accompagner et les entendre, et nous sommes la courroie de transmission entre eux et l'État, mais ils deviennent aujourd'hui consommateurs plutôt qu'acteurs de la collectivité. En ne payant plus la taxe d'habitation dans la collectivité où l'on habite, on perd la notion de l'utilisation de ses impôts pour le fonctionnement de la collectivité, le financement des dépenses d'éducation, la propreté, la politique culturelle, la politique sportive, la voirie… C'est une vraie difficulté : il nous faudra faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens sur le long terme.

Les collectivités se gèrent, d'une certaine manière, comme des entreprises ; nous en gérons le budget comme un budget familial. Si nous voulons participer au plan de relance et assumer nos missions, nous devons avoir des recettes. À l'évidence, nous ne pourrons pas dépenser des recettes que nous n'avons plus et cela entraînera des choix politiques. Certaines collectivités qui étaient déjà dans des situations compliquées avant la crise n'auront pas d'autre choix que d'augmenter certains impôts, notamment les impôts fonciers.

Nous tirons la sonnette d'alarme car nous avons besoin de participer au plan de relance. Les collectivités représentent 70 % de l'investissement public civil. Nous sommes des acteurs essentiels et des partenaires de l'État. Nous ne sommes pas là pour opposer les collectivités à l'État, que ce soit dans la politique économique ou la politique sanitaire. Au contraire, nous tendons la main à l'État et au Gouvernement pour travailler ensemble au service de nos concitoyens. Pour y parvenir, il faut rétablir la confiance. Malheureusement, nous avons l'impression que ce lien de confiance se distend un peu plus chaque jour.

Nous avions l'espoir, à la fin de l'année 2020 et au tout début de cette année 2021, d'être entendus par le Gouvernement sur la situation financière et budgétaire de nos collectivités. En tout état de cause, les comptes administratifs de celles-ci seront, au mois de mars prochain, le juge de paix : ils fourniront une vue exacte de la situation financière et budgétaire de nos collectivités et indiqueront donc l'impact de la crise sur leurs finances. Il faudra cependant regarder au‑delà, car cet impact se fera également sentir en 2022, notamment avec la baisse des impôts économiques.

Nous sommes donc vigilants, et nous voulons continuer à travailler et à dialoguer avec le Gouvernement, mais aussi avec les parlementaires : il est important que députés et sénateurs puissent nous écouter et que nous ayons un dialogue constructif avec eux. Dans notre démocratie, le rôle du Parlement est aussi celui d'une courroie de transmission entre les collectivités et l'État.

Nous avons une petite différence avec l'AdCF sur la question de l'autonomie fiscale et de l'autonomie financière. J'ai bien compris que l'autonomie financière était importante pour l'AdCF. France urbaine privilégie plutôt l'autonomie fiscale.

(Sourires.)

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Arnaud Robinet, co-président de la commission Finances et fiscalité de France urbaine

Nous avons beaucoup plus de choses qui nous rapprochent que de choses qui nous séparent !

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Villes de France regroupe les communes de 10 000 à 100 000 habitants et les intercommunalités comptant jusqu'à 150 000 habitants.

La surprise exprimée par Philippe Laurent et France urbaine à propos de l'évolution des chiffres est également la nôtre. Nous souhaiterions des chiffres par strate de communes. Même si les communes ont été moins affectées qu'on ne pouvait le craindre il y a huit ou dix mois, elles l'ont été néanmoins, et nous n'arrivons pas à nous retrouver dans ces chiffres. Selon nous, les charges de centralité des villes ne sont pas suffisamment prises en considération car la dynamique de ces charges n'a pas faibli. En revanche, pour les communes n'ayant pas ou peu de charges de ce type, une part d'élasticité des dépenses en 2020 explique probablement les chiffres globaux.

Si les communes ont, finalement, très peu bénéficié du fonds de compensation en 2020, ce n'est probablement pas parce qu'elles n'ont pas perdu de recettes, mais parce que les critères étaient très exigeants : dans mon agglomération, nous avons perdu 2 millions d'euros sur un montant total de 60 millions d'euros de recettes de fonctionnement courant. Il aurait fallu des pertes 1,5 fois supérieures pour commencer à toucher quelque chose.

Nous constatons également un double effet sur les communes. Tout d'abord, la dynamique des recettes sera, à l'avenir, très faible, en raison de la suppression de la taxe d'habitation. Sans évolution de taux, nous perdons de la dynamique de recettes spontanée. En conséquence, notre capacité de financement pour les trois prochaines années est affectée par l'évolution incertaine de nos recettes, liée à la suppression de la taxe d'habitation.

Ensuite, en 2021, nos recettes continueront de diminuer – François Rebsamen a évoqué la question des redevances. Cela pèsera sur notre capacité d'autofinancement. Il ne sera probablement pas massif mais cet effet existera bien. De plus, la suppression de la taxe funéraire constitue pour nous une vexation, d'autant qu'elle aura en réalité un impact nul sur les familles. Rien n'oblige en effet les opérateurs funéraires à la répercuter sur ces dernières. Certes, ce ne sont pas des sommes considérables, mais c'est une mauvaise manière de plus.

Pour les communautés d'agglomération, l'augmentation des dépenses a été beaucoup plus forte que pour les communes, y compris si l'on en juge d'après les chiffres du ministère. Cette augmentation va se poursuivre, notamment parce que nous allons continuer à accompagner la politique des entreprises.

En ce qui concerne la CVAE, après un effet mécanique, et attendu, lié à la dégradation de la situation de certaines entreprises en 2020, nous assisterons en 2021 à une baisse de dynamique puisqu'une partie de la base sera gelée et ne connaîtra plus aucune évolution. Nous continuons donc de demander que les effets de taux soient applicables à la compensation de l'État puisque la partie « gelée » des impôts dits de production représente environ 30 % des bases. Cela signifie que si nous augmentions ces impôts économiques, le Gouvernement ne pourrait pas nous opposer l'effet d'aubaine de voir des augmentations de taux compensées par l'État, puisque nous serions bien responsables sur 70 % de nos bases. Nous souhaitons donc que cette question puisse être réexaminée, dès lors que n'est concernée qu'une part d'impôt, non la totalité de l'impôt.

Arnaud Robinet a évoqué la question des budgets annexes, qui n'est pas un sujet annexe et ne le sera pas non plus dans les prochaines années. La situation des AOM est difficile et le sera encore en 2021. Nous souhaitons que les pouvoirs publics puissent élargir les dispositifs opportuns décidés pour l'Île-de-France aux autres AOM, puisque nos budgets généraux contribuent aussi aux AOM.

Reste le sujet des déchets, avec l'augmentation très forte de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) sur certaines activités, notamment l'enfouissement, dès cette année, qui risque de déséquilibrer certains budgets. Tout cela finit par peser sur nos budgets d'investissement et notre capacité à nous projeter. Je le redis : il faut tenir compte de l'effet décalé dans le temps des impacts de la crise sanitaire et des décisions prises sur la réduction de la dynamique de nos recettes.

J'évoquerai deux sujets pour conclure.

Tout d'abord, depuis le début, nous n'avons jamais demandé que l'État compense nos recettes pour que les effets de la crise nous épargnent. Nous avons, en revanche, demandé une compensation suffisante et une garantie sur nos recettes de fonctionnement pour pouvoir nous lancer résolument dans des plans d'investissement dès le début du mandat, alors que nous savons tous que l'année qui suit le renouvellement des conseils municipaux est traditionnellement une année basse en termes d'investissement. L'enjeu est de savoir si le Gouvernement veut que le plan de relance ait un effet dès 2021 ou s'il est prêt à ce qu'il n'en ait qu'en 2022 ou 2023. Aujourd'hui, nous sommes en train de perdre du temps car le Gouvernement, au lieu d'avoir opté pour une compensation peut-être pas intégrale mais néanmoins garantie de nos recettes, a choisi de soutenir des appels à projets.

Cela aura deux effets. Premièrement, nos capacités d'autofinancement prévisionnelles, qu'elles soient exactes ou pas, vont amener à un peu de prudence dans le choix des investissements, sans décision d'investissement majeure en dehors du renouvellement ou de la fin des investissements précédents. Deuxièmement, nous allons attendre l'issue des appels à projets demandés par l'État. Nous manquons ainsi la possibilité d'une contribution des collectivités territoriales à la relance dès 2021. Il ne faudra pas nous en faire le reproche à la fin de l'année car nous l'avions annoncé dès le milieu de l'année 2020.

Quant aux impôts de production, le concept est trompeur. Si, par impôt de production, on implique toute imposition forfaitaire qui n'est pas liée à l'activité de l'entreprise, toute la taxe foncière, y compris celle des ménages, est un impôt de production. La bonne question est plutôt celle de la juste contribution des entreprises aux charges communes et au budget de nos collectivités territoriales. Considérons-nous que cette contribution est légitime ou bien doit-elle être totalement supprimée à terme ? Dans ce dernier cas, la même question se posera demain pour le reste des impôts économiques. Tel devrait plutôt être l'objet du débat : quel est le niveau normal, ou acceptable, de contribution des entreprises aux charges communes ? Si toute imposition forfaitaire est insupportable pour les entreprises, c'est la base de nos impôts locaux qui est mise en cause.

Il faut y réfléchir en vue des décisions d'investissement lourdes que nous serons amenés à prendre dans les prochains mois, qui devront être réorientées vers la transition écologique et les thématiques d'environnement mais devront également être audacieuses pour pouvoir accompagner le plan de relance.

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Merci à tous pour ces propos très clairs.

Aucun d'entre vous, messieurs, n'a remis en cause l'idée que les collectivités soient aussi touchées par la crise, au même titre que les ménages ou les entreprises. Le rôle de l'État n'est pas d'effacer cette crise et d'en prendre entièrement la charge mais, face à une crise structurelle et à la nécessité de maintenir le fonctionnement des services publics, il faut que la solidarité nationale s'exprime. Beaucoup ont remis en cause l'utilisation par le ministre délégué chargé des comptes publics de tendances moyennes sur l'année 2020. Cela étant, la compensation versée par l'État au bloc communal est de l'ordre de 230 millions d'euros – ce qui est relativement peu. Que pensez-vous des modalités de ce dispositif de filet de sécurité mis en place par l'État ? Considérez-vous que ce filet de sécurité doit être plus ciblé ?

Quant à la rupture du lien entre le contribuable et le citoyen, effectivement irréversible, à l'image du non-cumul des mandats, elle entraîne des changements fondamentaux qui n'ont pas toujours été anticipés. Or l'enseignement de cette crise est que nous avons besoin de plus de simplicité et de plus de proximité. Je ne parle pas là que des recettes fiscales mais aussi de l'ensemble des systèmes de mutualisation, aujourd'hui d'une complexité inouïe. Quels principes pourraient permettre aux collectivités territoriales de conserver de l'autonomie financière ou fiscale ? Les régions ne peuvent pas du tout agir sur le niveau de leurs recettes, les départements et les communes le peuvent encore un peu : nous sommes au milieu du gué et nous ne pouvons pas nous arrêter là.

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Laurent Saint Martin, rapporteur général de la commission des Finances

Je vous remercie tous, messieurs, pour votre participation. J'ai plusieurs points de désaccord avec vous mais je suis rassuré par le fait que M. Robinet considère que nous ne devons pas opposer État et collectivités territoriales ; nous sommes dans le même état d'esprit et nous pourrons avoir, sur cette base, un dialogue constructif. Nous devons avoir une vraie discussion sur le lien entre les contribuables et les collectivités. Je fais partie de ceux pour qui il faudra repenser la fiscalité locale à l'aune de ce lien avec le contribuable – citoyen ou acteur économique – qui a été distendu par les dernières réformes. Cependant, je ne suis pas d'accord avec vous quand vous dites que la baisse des impôts de production pour les entreprises ou des impôts locaux pour les ménages n'étaient pas attendus et souhaités par eux. Cela répond à une demande forte, et, s'agissant des entreprises, c'est une condition de notre compétitivité industrielle – mais nous avons déjà eu ce débat.

Je voudrais revenir sur le sujet des recettes du bloc communal. S'il n'existe pas à ce stade d'accord sur les chiffres, j'aimerais avoir votre opinion sur les raisons qui expliquent que certaines mesures ont rencontré un réel succès, tel le dégrèvement de CFE prévu par la troisième loi de finances rectificative pour 2020 et mis en place dans plus d'un tiers des EPCI, et d'autres beaucoup moins, tel le compte covid d'étalement des charges liées à la crise, qui a été instauré par seulement 70 collectivités de toutes catégories.

Je voudrais également revenir sur le sujet des AOM : j'ai du mal à comprendre la distinction que vous faites entre l'Île-de-France et les autres territoires : une même compensation fiscale est prévue dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative, tant pour les AOM de province que pour Île-de-France Mobilités, et des avances remboursables pour les pertes tarifaires de toutes les AOM sont prévues dans la loi de finances rectificative de fin de gestion. Je ne comprends donc pas très bien votre point de vue à ce propos.

La participation des communes au soutien à l'économie et à la relance est un enjeu clé. Pouvez-vous faire un point sur la territorialisation du plan de relance ? Quels moyens le bloc communal peut-il mobiliser pour l'investissement local ? Pouvez-vous faire le point sur les projets éligibles à la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) complémentaire d'un montant d'un milliard d'euros en autorisations d'engagement, également mobilisable pour des opérations éligibles à la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) dans certains territoires, décidée dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative ?

J'aimerais également aborder les contrats de relance transition écologique (CRTE) qui ont aussi vocation à unifier et piloter les dispositifs de contractualisation existants mais aussi les différents financements de la DSIL, de la DETR ou d'Action cœur de ville par exemple. Les communes devaient identifier d'ici au 15 janvier, auprès des préfets, les territoires éligibles aux CRTE. Pouvez-vous nous dire si ce processus est bien engagé ?

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J'aimerais savoir ce qu'ont donné les débats d'orientation budgétaire sur la partie investissement 2021. J'aimerais également faire quelques remarques sur vos réponses et vous remercier de la qualité des relations que nous entretenons.

Cher Arnaud Robinet, pour lever toute ambiguïté, le pouvoir de taux est évidemment la liberté et l'autonomie des collectivités territoriales ; personne ne remet cela en cause. Je mettais simplement en exergue le fait que la dynamique actuelle de la fiscalité locale telle qu'elle ressort des chiffres tranche avec l'idée selon laquelle une augmentation des impôts l'année prochaine pourrait être opportune.

Les chiffres arrêtés au 31 décembre 2020 montrent une croissance des recettes locales et vous nous parlez de baisse. Quelque chose ne va pas. Dans un mois, nous aurons enfin les chiffres définitifs de l'année 2020. Nous pourrons alors travailler ensemble pour avoir une vision objective de la situation.

Quant à la préservation des investissements, l'Assemblée nationale a adopté un dispositif de garantie de ressources fiscales pour l'année 2021. En 2020, les ressources du bloc communal sont constituées à deux tiers par la fiscalité. Il y a une forte résilience de cette fiscalité car elle repose essentiellement sur les ménages : vous aurez une augmentation de ces recettes les prochaines années. Nous avons une responsabilité collective en matière d'investissements et d'accompagnement du plan de relance. Cela ne peut réussir sans les collectivités territoriales, mais celles-ci doivent aussi prendre leurs responsabilités. Les chiffres montrent que l'impact de la crise n'est pas aussi fort qu'anticipé et le soutien à l'investissement à hauteur de plusieurs milliards d'euros pour les collectivités peut aussi jouer un rôle de déclencheur.

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Financièrement, ce sont les départements qui vont souffrir le plus de la crise. Visiblement, je ne connais pas les mêmes contribuables que vous : les miens exigent, d'une certaine manière, certaines choses du fait des impôts qu'ils payent. Il faut se méfier d'un lien entre contribuable et collectivité qui passerait uniquement par l'impôt. La question, beaucoup plus globale, est plutôt celle de la capacité de nos citoyens à se mobiliser pour la collectivité. Il ne s'agit pas de penser que parce que le contribuable paye l'impôt tout lui est dû.

J'ai surtout retenu vos remerciements pour le dispositif mis en place par l'État. Certes, nous avons aujourd'hui des chiffres globaux et il faudra regarder dans le détail, commune par commune ; s'agissant des dispositifs de compensation, je pense que l'approche du Gouvernement qui reposait sur une analyse, commune par commune, collectivité par collectivité, de l'écart entre les recettes et les dépenses, est la bonne approche.

Je fais partie de ceux qui ont pensé que la suppression de la taxe professionnelle portait atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales. Cependant, il faut faire attention aujourd'hui à ne pas parler trop d'autonomie financière : heureusement que la solidarité nationale s'exerce pour faire fonctionner nos services publics locaux.

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Nous sommes 73 participants connectés ce matin ; cela prouve que ce débat est assez fondamental.

Je voudrais rappeler que toutes les mesures adoptées dans le cadre des deux dernières lois de finances l'ont été sans aucune concertation avec les différents blocs de collectivités territoriales. C'est mon plus grand regret. Nous mettons en œuvre des mesures décidées par voie d'amendements déposés à la dernière minute et sans concertation, et permettez-moi de douter lorsque vous promettez un véritable débat sur la fiscalité.

Je suis très étonnée des chiffres annoncés par M. Dussopt lors de sa présentation de l'évolution des recettes et des dépenses des collectivités en 2020 : des recettes en progression pour le bloc communal et une stabilité des dépenses. Ce n'est pas ce que je constate dans ma circonscription.

En outre, on ne mesure pas encore les effets de la crise sur les recettes. Ils se feront sentir, selon moi, jusqu'en 2023. Par ailleurs, on ne prend pas non plus suffisamment en compte la situation des communes touristiques, notamment à la montagne. Elles connaissent des difficultés considérables. L'une des associations dont nous auditionnons les représentants a-t-elle fait des projections précises à propos de ces communes ?

Un tiers des intercommunalités a choisi la possibilité de dégrever de CFE les entreprises : dispose-t-on d'éléments sur la taille des intercommunalités qui ont utilisé cette possibilité ? Je doute que les plus petites aient eu les moyens de se priver de ces recettes.

Enfin, j'aimerais rappeler la difficile articulation entre les CPER et le plan de relance : je ne vois pas comment cela va s'organiser quand on sait quelles difficultés sont rencontrées en matière de réponses aux appels à projet. Comment faciliter cette articulation ?

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Également surpris par les chiffres fournis hier par Bercy, j'attends des éléments plus précis – le diable est dans les détails, et je suis certain qu'ils révéleront aussi de fortes disparités. Par ailleurs, le fait que la crise aura un impact sur les prochaines années avait bien été identifié par la commission des finances et la délégation aux collectivités territoriales, et il nous faudra le garder à l'esprit.

La suppression de la taxe d'habitation et la réforme de la contribution foncière des entreprises et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises contribuent à la réduction progressive des leviers fiscaux du bloc communal. Aussi, je suis favorable à un impôt territorial unique pour le bloc communal, mais quel est votre avis, messieurs les maires, à ce propos ?

La fragilité des collectivités locales par rapport au plan de relance est le deuxième point que je veux évoquer. En effet, depuis une dizaine d'années peut-être, les collectivités, notamment celles du bloc communal, planifient leurs investissements de façon à maintenir un équilibre budgétaire, en intégrant également leurs budgets annexes. Or il est difficile de faire à la fois du soutien à l'activité économique et de la relance. L'État essaie, et c'est bien, mais les collectivités, elles, le peuvent-elles en 2021 ?

Je fais également miennes les questions posées par le président Éric Woerth, que je ne répéterai donc pas.

Je m'associe au président Jean-René Cazeneuve pour dire que chacun a pris sa part d'effort l'année dernière : l'État tout d'abord, avec le concours de notre commission des finances, alors même que beaucoup – moi y compris – étaient d'avis d'attendre de voir l'évolution de la situation avant d'attribuer des aides aux collectivités ; mais également les collectivités locales elles-mêmes, qui sont intervenues localement.

Pour terminer, je me demande si les quatre strates de collectivités ne se font pas en quelque sorte concurrence. Il me paraît grand temps de revenir à deux strates – un bloc communal et un bloc « territorial » –, mais qu'en pensez-vous ?

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Première remarque, les représentants d‘associations d'élus que nous auditionnons ce matin sont tous des hommes… Ensuite, il faut que les présidents de région arrêtent de dire qu'ils n'augmentent pas les impôts : de toute façon, ils ne peuvent ni les augmenter ni les baisser puisqu'ils n'ont plus la main.

De l'audition du ministre hier, j'ai retenu que l'on s'acheminait vers une hausse de 0,4 % des dépenses de fonctionnement et de 1,3 % des recettes de fonctionnement. Par conséquent, je ne comprends pas bien le débat de ce matin sur la hausse de 5 % des recettes fiscales.

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Les premiers chiffres que vous citez, chère collègue, concernent l'ensemble des collectivités ; en ce qui concerne le bloc communal et les communes, les chiffres sont ceux que nous avons cités ce matin.

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Quoi qu'il en soit, je voudrais savoir ce que les associations d'élus pensent de la perspective stable que retient l'agence de notation Moody's pour les collectivités en 2021.

Je suis surtout inquiète pour l'investissement du bloc communal. Comme cela a été dit par Jean-François Debat, les élus semblent faire preuve d'une grande prudence dans la programmation de leurs investissements en raison du manque de visibilité et de compensations. Ainsi, je m'inquiète de la capacité des collectivités locales à jouer leur rôle dans le cadre du plan de relance, d'autant que les appels à projets pléthoriques et cloisonnés, dont les associations d'élus ne veulent pas, pourraient être un frein à la relance dans les territoires.

S'agissant du filet de sécurité, j'ai comme exemple le Puy-de-Dôme, avec 27 collectivités concernées seulement pour un montant de 306 000 euros. Avez-vous des chiffres sur le filet de sécurité en 2020 ?

Enfin, selon le rapport remis par le Gouvernement sur le coût pour les collectivités territoriales des mesures d'exonération et d'abattement d'impôts directs locaux en 2020, il y a un écart de 553 millions d'euros entre les montants exonérés et les allocations de compensation versées aux communes pour la taxe foncière sur les propriétés bâties. Ce n'est pas rien ! En prenant en compte les établissements publics de coopération intercommunale, il faut ajouter à ce montant 25 millions d'euros pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et 40 millions d'euros pour la contribution foncière des entreprises. Avant de promouvoir une remise à plat de la fiscalité locale, ne faudrait-il pas chercher à obtenir de meilleures compensations de ces exonérations, voire la suppression des minorations ?

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Je remercie l'ensemble des participants et partage le diagnostic d'une grande disparité entre collectivités locales, certaines s'en sortant plutôt bien en 2020 tandis que d'autres, en particulier les communes touristiques, sont fortement impactées.

La territorialisation du plan de relance vous paraît-elle une bonne chose ? Et quelles sont les pistes d'amélioration ? Pouvez-vous dresser un bilan de la DSIL supplémentaire, dotée d'un milliard d'euros en loi de finances rectificative ? Doit-on continuer à abonder cette dotation pour permettre aux collectivités, dont nous savons le rôle essentiel à cet égard, de soutenir l'investissement ?

L'Assemblée des communautés de France prône depuis plusieurs années une refonte complète de la fiscalité locale. Êtes-vous toujours favorable à une telle réforme ? Selon quel calendrier pourrait-on engager la discussion ?

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Je suis aussi intéressé par les réformes touchant la fiscalité locale et le lien entre les territoires et les citoyens, mais je ne m'associe pas à ceux qui veulent réduire le nombre de strates de collectivités car on voit combien la crise sanitaire a réhabilité le rôle de la commune et du département. Quant aux chiffres, qui nous ont surpris, attendons tranquillement l'établissement des comptes administratifs, et tant mieux s'ils sont meilleurs que prévus.

Mes questions portent sur la capacité des collectivités locales à participer au plan de relance. Les associations d'élus sont-elles suffisamment associées ? Que pensent-elles de la mise en place des sous-préfets à la relance ? La méthode de sélection des projets – « premier arrivé, premier servi » – ne risque-t-elle pas de favoriser des projets opportunistes au détriment d'autres plus aboutis ? Les communes et les intercommunalités ont‑elles aujourd'hui suffisamment de ressources pour être de véritables acteurs du plan de relance, dont nous souhaitons évidemment la réussite ?

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Tous les intervenants ont souligné les difficultés rencontrées par les collectivités locales du fait de la crise sanitaire. Sur le plan des dépenses, à combien peut-on estimer les surcoûts qui lui sont liés pour le bloc communal ? Ces surcoûts ont-ils été compensés par des dotations de l'État ? Pour les recettes, avez-vous pour 2021 des prévisions de pertes de ressources fiscales, notamment en ce qui concerne les impôts de production au profit des communautés d'agglomération ?

Par ailleurs, estimez-vous suffisantes les mesures du plan de relance pour stimuler l'investissement public et soutenir l'économie, en particulier les secteurs de la rénovation énergétique et de la construction ? Regrettez-vous certaines lacunes ?

Ensuite, faudrait-il un projet de loi de finances rectificative destiné à coordonner les mesures propres aux collectivités locales ?

Pour finir, les intercommunalités sont-elles suffisamment coordonnées avec les régions pour participer à la mise en œuvre des politiques territoriales ?

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Tous les groupes se sont exprimés, mais trois d'entre vous, chers collègues, souhaitent encore s'exprimer.

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Je n'avais pas prévu d'intervenir mais je souhaite réagir aux propos de notre collègue Marie-Christine Dalloz selon lesquels il n'y aurait pas eu de concertation avec les collectivités. Prétendre cela est faire preuve de mauvaise foi, et c'est une injure faite au travail de qualité de notre collègue Jean-René Cazeneuve et de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Oui, il y a eu des accords entre l'État, d'une part, et les régions et les départements, d'autre part, ainsi que des négociations et des concertations avec le bloc communal. Les discussions n'ont jamais cessé. La preuve en est que nous avons défendu, dans les projets de lois de finances rectificatives pour 2020 et dans le projet de loi de finances pour 2021, des amendements issus de ces concertations. J'admets que l'on ne soit pas d'accord sur tout, mais il faut dire la vérité.

Cela ressemble au cas de la dotation globale de fonctionnement (DGF) : les élus disent parfois que la DGF diminue et que c'est la faute du Gouvernement, mais nous savons pertinemment que cela résulte de la péréquation puisque, depuis 2017, la DGF ne cesse d'augmenter.

Nous mettons 7 milliards d'euros sur la table pour que les collectivités territoriales investissent… mais, ensuite, nous ne pouvons pas investir à leur place ! Je souhaiterais savoir pourquoi celles-ci sont aussi frileuses face à l'investissement.

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J'ai commencé à examiner les comptes administratifs 2020 des communes de mon département. Certes, il y a peu de communes très touristiques susceptibles d'être fragilisées dans le Maine-et-Loire mais la baisse de recettes due à la fermeture de services municipaux a été largement compensée par de moindres dépenses, comme ont pu le constater les maires que j'ai rencontrés.

L'inquiétude est légitime dans le contexte actuel. Cependant, notre responsabilité de parlementaires ou de membres d'associations d'élus est non seulement d'être force de propositions mais aussi de tenir un discours positif et rassurant. N'aggravons pas les difficultés en tenant un discours négatif à l'excès !

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En 2014, la Cour des comptes suggérait l'instauration d'un projet de loi de financement des collectivités territoriales, ce qui aurait nécessité une réforme constitutionnelle. Dans son rapport Finances publiques : pour une réforme du cadre organique et de la gouvernance, paru en novembre 2020, la Cour de comptes propose, dans sa douzième recommandation, la création d'une nouvelle mission budgétaire qui rassemblerait les concours de toute nature de l'État aux collectivités territoriales, notamment les prélèvements sur recettes, les dégrèvements et les avances remboursables. C'est un changement de maquette budgétaire. Que pensez-vous de cette proposition et quel pourrait être le calendrier d'un débat autour de celle-ci ?

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Sébastien Miossec, président délégué de l'Assemblée des communautés de France (AdCF)

Effectivement, madame la députée Christine Pires Beaune, nous ne sommes malheureusement que des représentants masculins ce matin, et c'est bien dommage pour la diversité.

Nous ne trancherons pas ce matin le débat sur la fiscalité, mais il reste assez fondamental, d'autant que nous entrons dans un nouveau monde, avec la suppression de la taxe d'habitation, l'évolution de la CVAE, le remplacement pour les intercommunalités d'une part de leurs recettes par une part de TVA Tout cela fait qu'il n'y a plus guère de lien entre la dynamique de développement de notre territoire et la dynamique de nos investissements.

Nos collectivités vont se demander si elles continuent à investir sur un certain nombre de champs, s'il n'y a plus aucun retour sur investissement pour elles. Sans parler de la relation, que je trouve importante, avec les contribuables : payer un impôt, c'est avoir une relation directe avec sa collectivité. Cela affirme que l'on participe au financement des services publics. Avec la suppression de la taxe d'habitation, bon nombre de nos concitoyens, ceux qui ne sont pas propriétaires, ne paieront quasiment plus d'impôts locaux. Cela pose la question de l'acceptabilité. Il est donc nécessaire de s'interroger, y compris sur les réformes les plus récentes, comme celles de la taxe d'habitation ou du coefficient correcteur, pour en analyser les conséquences de moyen et long terme.

Quant aux CRTE, à ce stade, selon nos informations, les discussions se passent plutôt bien dans les territoires, même si une coordination avec le Gouvernement est nécessaire – Régions de France l'a évoqué. Alors que toutes les contractualisations régionales et départementales sont en cours de négociation, il faut que ces renégociations se fassent dans des périmètres cohérents. Le Premier ministre l'évoquait et visait le niveau intercommunal comme étant a priori le niveau pertinent ; laissons cependant au territoire le soin d'en décider librement.

La territorialisation passe par des moyens immédiats : nous avons besoin de compensations en moyens de fonctionnement pour assurer la relance immédiate. Le CRTE peut être aussi le lieu d'une convergence entre l'État et les territoires sur des projets de territoire portés par chacun de ceux-ci, avec des financements, plutôt que par des appels à projets en silos.

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Boris Ravignon, vice-président de l'Assemblée des communautés de France

Au sujet des autorités organisatrices de la mobilité, nous aurions souhaité que l'ensemble des autorités organisatrices sur le territoire bénéficient de la compensation négociée du versement mobilité à Île-de-France Mobilités.

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C'est bien ce que prévoit la troisième loi de finances rectificative pour 2020.

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Boris Ravignon, vice-président de l'Assemblée des communautés de France

Non, 120 millions d'euros sont prévus pour la compensation des pertes de recettes domaniales et fiscales, dont fait partie le versement mobilité, alors que 415 millions d'euros ont été versés à Île-de-France Mobilités au titre de la seule perte de versement mobilité. Les intercommunalités ne vont toucher que 120 millions d'euros pour l'ensemble de leurs pertes, et seulement 100 intercommunalités vont en bénéficier. La disproportion est considérable.

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Île-de-France Mobilités ne bénéficie pas d'un traitement spécifique dans le cadre de cette troisième loi de finances rectificative, mais nous en reparlerons.

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Boris Ravignon, vice-président de l'Assemblée des communautés de France

Je suis à votre disposition pour en parler, mais, pour 2021, nous souhaitons que l'on sorte de cette situation, car la mobilité n'est pas un petit sujet aujourd'hui.

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Jean-François Debat, président délégué de Villes de France

Trois éléments pour répondre à vos interventions. Mme Lemoine indiquait que certains maires n'avaient pas constaté de baisse des recettes, mais il faut revenir à la strate : les communes rurales n'ont pas de baisses de recettes de stationnement, car il n'y a pas de stationnement payant. Elles n'ont pas non plus constaté de baisses de redevances de terrasses, car elles en perçoivent très peu. Ce n'est pas une critique mais un constat. Les collectivités membres de Villes de France ont accompagné la fermeture des commerces, que ce soient les agglomérations ou les villes. Quand les crèches ne fonctionnent pas, cela engendre des coûts. Les paramètres sont différents.

Mentionnons aussi des effets retard. Par exemple, ce n'est pas en 2020 mais bien en 2021 que nous compenserons les pertes du théâtre municipal de ma ville, fermé depuis bientôt un an. De même, si le palais des congrès de l'agglomération est demeuré fermé en 2020 et a consommé sa trésorerie, c'est à la fin de l'année 2021 que nous compenserons ses pertes. Il y a donc des effets décalés et des effets différenciés. Je plaide donc pour que nous ayons des chiffres par strates de communes.

S'agissant de la fiscalité, nous sommes là à un point de rupture : il faut un débat sur la question : quel degré de contribution fiscale accepterons-nous dans les quinze prochaines années ? Considérons-nous que ce doit être une évolution croupion, une évolution en sifflet sans plus de contributions économiques, ou très peu, et pas beaucoup de contributions ménages ? Dans ce cas, disons-le clairement.

Aujourd'hui, il suffit que des baisses d'impôts décidées par le législateur soient compensées par une fraction des impôts d'État pour que l'on considère que le critère relatif aux ressources propres des collectivités n'est pas méconnu. Effectivement, il faut conserver un lien avec les contribuables, y compris pour soutenir nos politiques de développement économique.

Quant au plan de relance, comment les CRTE ont-ils été signés ? En Auvergne-Rhône-Alpes, il n'y a eu aucune concertation, que ce soit avec le préfet de région ou le président de région à propos de ce qui concerne les métropoles et les agglomérations. Le contrat a été signé samedi. Le résultat, c'est que nous ignorons si nos projets y sont intégrés ou non. Évidemment, nous allons nous adapter, mais si nous avions pu intégrer nos projets, peut-être la mise en œuvre du plan de relance s'en serait-elle trouvée accélérée.

Deuxième élément, les CRTE sont, pour l'instant, des coquilles vides. Nous attendons que leur contenu soit précisé, et de savoir quels types de projets bénéficieront de quels soutiens financiers. Nous perdrons du temps, mais c'est la méthode qui a été retenue par l'État, ce n'est pas celle que nous avions proposée, nous l'avions dit au Premier ministre au mois d'octobre. La méthode que nous avions proposée, c'est la compensation à un certain niveau de nos recettes, en contrepartie d'un engagement des collectivités à investir.

Aucun élu local ne réduit sciemment ses investissements pour ennuyer le gouvernement ou la majorité. Personne ne fait cela, dans aucun monde, sous aucune majorité. Nous sommes en début de mandat, nous avons perdu six mois pour nous installer, il y a des choix à faire, des programmations annuelles d'investissement à bâtir. Les projets envoyés pour demander à bénéficier, par exemple, de la DSIL, ce sont ceux qui sont déjà prêts et qui peuvent être soutenus, mais les investissements structurants du mandat sont en train d'être montés.

Le système des appels à projets entraîne délais et retards dans les prises de décision, ainsi qu'une forme de saupoudrage Il faut aussi prendre en compte la capacité d'investissement des collectivités : aujourd'hui, les gros investissements sont portés par les EPCI et par les villes. Les investissements communaux sont importants, ils ont besoin d'être soutenus. Simplement, les investissements les plus importants en volume dans le cadre du plan de relance, ce sont ceux des agglomérations, des métropoles et des villes, notamment parce que les régions et départements les soutiennent souvent. La consommation est donc liée aux décisions prises par les villes et agglomérations.

Le manque de visibilité nous expose au risque d'une année non pas blanche mais réduite. C'est dommage, mais c'est en train d'arriver.

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de la commission des finances, Éric Woerth président

Je suis assez d'accord. Nous en avons largement fait l'expérience : les contrats, les appels à projets divers et variés relèvent d'une vision extraordinairement administrative et pas du tout opérationnelle.

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Arnaud Robinet, co-président de la commission Finances et fiscalité de France urbaine

J'aimerais revenir sur quelques points. La question de la disparité entre collectivités, notamment entre communes rurales et communes urbaines, pose celle des charges de centralité. Forcément, les conséquences de la crise ne sont pas les mêmes pour l'ensemble des communes.

Par ailleurs, nous parlons des estimations relatives à l'année 2020, mais l'impact de la crise se manifestera dans les chiffres de l'année 2021. Si nous avons, en 2020, des recettes moindres pour les collectivités, avec le stationnement, les droits d'occupation du domaine public, l'exonération de taxe sur les enseignes, c'est le résultat de choix politiques locaux que nous devons assumer, mais ce sont aussi les conséquences de la crise, et nous en mesurerons l'impact en 2021.

Effectivement, nous n'allons pas clore le débat sur l'autonomie fiscale et l'autonomie financière aujourd'hui, mais nous pourrions nous rejoindre sur la nécessité de la territorialisation de l'impôt local, et sur ses effets, qu'il s'agisse d'accueillir de nouveaux habitants ou de nouvelles entreprises. En ce qui concerne précisément la suppression de la taxe d'habitation, il y a des cas particuliers, des disparités entre collectivités sur les conséquences de cette suppression de la taxe d'habitation. Prenons la ville de Reims : 37 % de propriétaires, bien en deçà de la moyenne nationale et 43 % de logements sociaux. Une majorité de citoyens ne paieront donc plus du tout d'impôts locaux, et je ne parle pas de l'exonération de la taxe foncière dont bénéficient les bailleurs sociaux. De l'histoire et de l'offre de logements de nos territoires résultent des disparités que nous devons prendre en compte.

L'étalement des charges, qui a été mentionné, c'est non pas de l'argent frais pour les collectivités mais un moyen de lisser l'impact de la crise sur les finances. C'est utile sur un plan budgétaire, mais c'est beaucoup plus compliqué en termes financiers, notamment dans la perspective pluriannuelle de l'investissement.

Qu'en est-il de l'utilité des sous-préfets à la relance ? Dans le département de la Marne, je ne sais pas s'il s'en trouve un ; en tout cas, je ne l'ai pas encore rencontré. Mes interlocuteurs restent le préfet de la Marne et le sous-préfet de Reims.

Le plan de relance, ce sont des aides potentielles à l'investissement, le premier qui répond étant le mieux servi, mais cela ne nous aide pas à restaurer le taux d'épargne brute de nos collectivités. C'est pourtant cela qui importe, pour que nous puissions investir dans les prochaines années.

Ce plan de relance existe. Nous avons eu l'opportunité d'échanger avec le préfet et le sous-préfet sur le sujet. Soyons clairs, nous arrivons avec une liste de courses. Il faut cependant avoir à l'esprit qu'il y a parfois des transferts de projets ou d'aides à l'investissement qui passent d'un plan à un autre, des contrats de plan État-région au plan de relance.

Force est de reconnaître que ce plan de relance sera utile pour un grand nombre de communes, notamment pour les entreprises locales, par exemple dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

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Nathalie Brodin, responsable finances et fiscalité locales de l'AMF

Je reviens sur deux points soulignés par Philippe Laurent.

Premièrement, il faudra se pencher davantage sur les chiffres qui ont été communiqués et qui, bien souvent, ne reflètent pas la réalité locale et agrègent ceux des communes et des intercommunalités. Nous continuons à demander le montant des pertes brutes enregistrées par les collectivités locales, que nous n'avons toujours pas. Cela permettrait de donner des indications sur ces pertes, plus localisées, par strate et par catégorie de collectivités.

Deuxièmement, le bloc communal est le premier investisseur public local et il est très efficace pour relancer l'investissement. L'investissement ne se fera pas sans le bloc communal. Plutôt qu'une DSIL fléchée sur les priorités déterminées par l'État, l'AMF demande que ce supplément de dotation soit fléché sur le fonctionnement de manière à permettre une bien meilleure réactivité en matière d'investissement. Ce procédé aurait eu pour avantage de restaurer la confiance envers les élus locaux. Ainsi, ils auraient été à même de décider de leurs investissements prioritaires, probablement les mêmes que ceux déterminés par l'État, mais cela aurait permis une mobilisation rapide et plus d'efficacité. Par ailleurs, cela aurait permis d'éviter une concurrence entre les différentes collectivités locales à l'intérieur du bloc communal.

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Je veux remercier les quatre associations d'élus présentes. Elles ont fait part, avec beaucoup de clarté, à la fois de leurs inquiétudes et de leurs espoirs. Nous sommes à la croisée des chemins – je sais qu'on le dit tout le temps, mais c'est particulièrement vrai aujourd'hui : les chemins des collectivités, qui sont parties intégrantes de notre pays, se croisent.

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Nous partageons tous la même passion pour les territoires, les collectivités et l'intérêt général. Dans un mois, les chiffres seront incontestables. Il faudra s'appuyer sur eux pour savoir comment enclencher les investissements le plus rapidement possible. C'est l'objectif de tous. Je rappelle en outre qu'il n'y a pas que les appels à projet : les crédits en matière de rénovation énergétique qui atteignent un milliard d'euros peuvent être engagés directement. Et regardons objectivement 2021 et 2022, sans continuer à nous faire peur : 80 % des recettes de la base fiscale locale augmenteront dans les prochaines années quoi qu'il arrive.

Merci pour la qualité des dialogues que nous avons en permanence. Le Parlement est à votre disposition pour continuer cette discussion.

La réunion s'est achevée à 11 heures 30.

Membres présents ou excusés

Présents. – M. Thibault Bazin, M. Jean-René Cazeneuve, Mme Marie-Christine Dalloz, Mme Stella Dupont, M. Christophe Jerretie, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Patricia Lemoine, Mme Monique Limon, M. Didier Martin, M. Bernard Perrut, Mme Christine Pires Beaune, M. Rémy Rebeyrotte.

Excusés. – Mme Anne Blanc, Mme Laurianne Rossi.