Je souscris bien sûr aux propos de mes collègues, particulièrement ceux de François Rebsamen. Il est vrai que les chiffres avancés par Bercy nous surprennent. Je reprendrai l'étude de France urbaine, à laquelle ont participé 78 collectivités, communes aussi bien qu'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Selon cette étude, la crise sanitaire aura eu pour effet, en 2020, de ponctionner un quart de l'épargne brute et 4 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités adhérentes. Cet écart par rapport aux chiffres de Bercy peut s'expliquer par une disparité entre les grandes villes et les autres communes. Je mets d'ailleurs régulièrement en avant la question des charges de centralité des grandes villes, dont il faut tenir compte car elles bénéficient non pas uniquement aux habitants des grandes villes mais à des territoires dans leur ensemble. En outre, je ne sais pas si les chiffres de Bercy tiennent compte des budgets annexes.
Je ne reviendrai pas sur la question des AOM. Certes, des avances remboursables, c'est mieux que rien, mais il demeure une inégalité de traitement entre collectivités.
Quant à la taxe d'habitation et aux impôts économiques, je voudrais revenir sur la notion de lien entre les habitants et la collectivité. Pas un habitant ni un chef d'entreprise n'est venu me demander une baisse des impôts de production. Les organisations patronales, notamment le Medef, l'ont demandée, mais ce n'était pas la priorité des chefs d'entreprises sur le terrain, et nous savons quelles conséquences ces mesures peuvent avoir sur l'investissement des collectivités en faveur de l'accueil d'entreprises.
Sur la taxe d'habitation, nos concitoyens demandent – c'est normal – de plus en plus aux collectivités et aux communes, en particulier en période de crise. Nous sommes là pour les accompagner et les entendre, et nous sommes la courroie de transmission entre eux et l'État, mais ils deviennent aujourd'hui consommateurs plutôt qu'acteurs de la collectivité. En ne payant plus la taxe d'habitation dans la collectivité où l'on habite, on perd la notion de l'utilisation de ses impôts pour le fonctionnement de la collectivité, le financement des dépenses d'éducation, la propreté, la politique culturelle, la politique sportive, la voirie… C'est une vraie difficulté : il nous faudra faire œuvre de pédagogie auprès de nos concitoyens sur le long terme.
Les collectivités se gèrent, d'une certaine manière, comme des entreprises ; nous en gérons le budget comme un budget familial. Si nous voulons participer au plan de relance et assumer nos missions, nous devons avoir des recettes. À l'évidence, nous ne pourrons pas dépenser des recettes que nous n'avons plus et cela entraînera des choix politiques. Certaines collectivités qui étaient déjà dans des situations compliquées avant la crise n'auront pas d'autre choix que d'augmenter certains impôts, notamment les impôts fonciers.
Nous tirons la sonnette d'alarme car nous avons besoin de participer au plan de relance. Les collectivités représentent 70 % de l'investissement public civil. Nous sommes des acteurs essentiels et des partenaires de l'État. Nous ne sommes pas là pour opposer les collectivités à l'État, que ce soit dans la politique économique ou la politique sanitaire. Au contraire, nous tendons la main à l'État et au Gouvernement pour travailler ensemble au service de nos concitoyens. Pour y parvenir, il faut rétablir la confiance. Malheureusement, nous avons l'impression que ce lien de confiance se distend un peu plus chaque jour.
Nous avions l'espoir, à la fin de l'année 2020 et au tout début de cette année 2021, d'être entendus par le Gouvernement sur la situation financière et budgétaire de nos collectivités. En tout état de cause, les comptes administratifs de celles-ci seront, au mois de mars prochain, le juge de paix : ils fourniront une vue exacte de la situation financière et budgétaire de nos collectivités et indiqueront donc l'impact de la crise sur leurs finances. Il faudra cependant regarder au‑delà, car cet impact se fera également sentir en 2022, notamment avec la baisse des impôts économiques.
Nous sommes donc vigilants, et nous voulons continuer à travailler et à dialoguer avec le Gouvernement, mais aussi avec les parlementaires : il est important que députés et sénateurs puissent nous écouter et que nous ayons un dialogue constructif avec eux. Dans notre démocratie, le rôle du Parlement est aussi celui d'une courroie de transmission entre les collectivités et l'État.
Nous avons une petite différence avec l'AdCF sur la question de l'autonomie fiscale et de l'autonomie financière. J'ai bien compris que l'autonomie financière était importante pour l'AdCF. France urbaine privilégie plutôt l'autonomie fiscale.