La lutte contre l'artificialisation des sols est un sujet sur lequel je travaille depuis mon arrivée au Gouvernement. Avec Julien Denormandie, et lorsque j'étais secrétaire d'État à l'écologie, nous avions créé un premier groupe de travail avec des parlementaires pour essayer de dégager une vision, des outils, des objectifs et une stratégie commune.
C'est un sujet important mais aussi complexe car on artificialise l'équivalent d'un département de la taille du Vaucluse tous les dix ans et, paradoxalement, ce phénomène n'est pas corrélé à l'évolution démographique des territoires puisqu'il intervient aussi sur les territoires qui perdent le plus d'habitants.
Les travaux menés par les citoyens de la Convention citoyenne pour le climat ont montré qu'il fallait s'emparer du sujet de la désartificialisation car il est lié à la stratégie de décarbonation.
L'objectif du projet de loi est de diviser par deux le rythme de l'artificialisation. Nous avons longuement échangé, tant dans le groupe de travail que nous avions créé que dans le cadre de la Convention citoyenne pour le climat, sur la date à laquelle il faudra arriver au « zéro artificialisation nette ». Plutôt que de travailler sur la totalité de la trajectoire, nous avons fait le choix politique de nous concentrer sur une partie de celle-ci. Nous savons que les grandes trajectoires à trente, quarante ou cinquante ans sont difficiles à tenir ; c'est pourquoi nous préférons proposer une étape significative en divisant par deux le rythme de l'artificialisation en dix ans.
Par ailleurs, cette trajectoire se définira à l'échelle régionale. Une échelle plus petite aurait conduit à une réduction identique partout, quelle que soit la taille de la collectivité. Or, compte tenu de la diversité du territoire, ce n'est pas réaliste ; l'échelle de la région paraît la plus adaptée.
L'objectif est que la trajectoire soit discutée dans la stratégie régionale lors de l'élaboration des SRADDET. La mise en cohérence des documents d'urbanisme de type SCOT, PLUI et PLU avec les SRADDET permettra ensuite de la faire entrer en vigueur. Cet objectif de moins 50 % d'artificialisation ne sera pas nécessairement matérialisé dans chaque SCOT et PLU : une stratégie régionale différenciée pourra être envisagée, même si cela ne sera pas facile.
Le projet de loi prévoit une mesure de transparence avec l'obligation faite à chaque commune ou à chaque intercommunalité de présenter un rapport annuel sur la trajectoire de lutte contre l'artificialisation.
La deuxième mesure, la plus emblématique et celle qui sera le plus discutée, concerne les nouvelles surfaces commerciales. Le projet de loi propose d'interdire, et c'est une demande très forte des citoyens, la construction de nouvelles surfaces commerciales qui artificialisent. Le seuil est porté à 10 000 mètres carrés : au-dessus de ce seuil, cette interdiction ne souffre aucune exception ; en dessous, des dérogations sont possibles. Les conditions devront être précisées ; il sera notamment nécessaire de compenser si l'on est amené à artificialiser, par exemple lorsqu'il existe un réel besoin de surfaces commerciales en périphérie.
Nous proposons que les zones d'activités économiques devenues des zones de déqualification urbaine, à l'urbanisme anarchique, soient inventoriées par les intercommunalités afin de les traiter et d'engager la requalification.
Enfin, nous demandons que les maîtres d'ouvrage évaluent le potentiel de réversibilité des bâtiments, au stade de la construction et avant la démolition, afin d'avoir une alternative entre construction ou destruction, d'une part, et requalification, d'autre part.
Certaines mesures du plan de relance, bien que convergeant vers nos objectifs de désartificialisation, ne figurent pas dans le projet de loi climat et résilience. Il s'agit notamment du fonds que nous avons créé pour la requalification des friches. C'est un point important car si l'on artificialise moins, il faudra construire davantage sur des terrains déjà artificialisés. Il peut s'agir de friches industrielles, commerciales ou urbaines. Souvent les porteurs de projets d'aménagement ne parviennent pas à boucler des opérations qui nécessitent de la dépollution, de la déconstruction-reconstruction, de l'excavation ou de la réalisation de fondations car il manque plusieurs millions. C'est à cela que servira ce fonds friches de 300 millions d'euros. L'Agence de la transition écologique (ADEME) conserve 40 millions d'euros au niveau national pour des appels à projets. Le reste est contractualisé avec les régions, dans le cadre des contrats de plan État-Région (CPER) qui peuvent aussi intégrer des crédits communautaires. En effet, certaines régions, comme les Hauts-de-France, souhaitent aller chercher des fonds communautaires tels le Fonds européen de développement régional (FEDER). Le fonds friches fait une vraie différence et permet, comme j'ai pu le constater en Île-de-France, de boucler des projets.
Enfin, le financement des équipements en faveur des communes qui acceptent une densité sur leur territoire devra être précisé. Il existe déjà une aide dédiée aux maires densificateurs dans le plan de relance : dotée de 350 millions d'euros, elle est versée automatiquement, sans demande préalable, au fur et à mesure de l'octroi des permis de construire. Cela permet de cofinancer les équipements. Toutefois, la question du modèle économique du point de vue des collectivités locales, de la construction, de la réhabilitation, de la construction de la ville sur la ville doit être reposée. Cela permet de s'assurer que des incohérences économiques ne bloquent pas la volonté de faire.