Intervention de Emmanuelle Wargon

Réunion du mercredi 17 février 2021 à 15h00
Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation

Emmanuelle Wargon, ministre déléguée :

La compensation diffère entre les zones commerciales et les territoires d'industrie. Dans le premier cas, il y a une interdiction qui n'existe pas dans le second. Pour les zones commerciales, nous assumons une interdiction d'installation au-dessus de 10 000 m2 et une interdiction de principe pour les surfaces inférieures, avec toutefois la possibilité d'une dérogation soumise à compensation. Pour le reste, l'activité industrielle en particulier mais aussi les infrastructures, l'idée est de consommer le moins de nouvelles terres possible et, quand on en consomme, de les compenser ailleurs. Cela redonne de la marge de manœuvre sur la trajectoire d'artificialisation, à l'échelle locale et régionale. Cependant, la loi ne prévoit pas d'interdire l'installation de nouvelles zones industrielles qui artificialisent. L'interdiction concerne uniquement les zones commerciales. Pour les autres activités, l'objectif est de réduire l'artificialisation et de parvenir à la sobriété foncière en implantant sur des terres déjà artificialisées. Quand cela n'est pas possible, l'artificialisation doit être compensée afin de parvenir à la diviser par deux.

La différenciation à l'échelle régionale sera délicate, mais importante. Réduire l'artificialisation de 50 % dans chaque région en dix ans ne signifie pas moins 50 % dans chaque document d'urbanisme, SCOT ou PLUI. Ces 50 % sont attendus à l'échelle de la région. Une méthodologie devra être élaborée avec les parlementaires et les associations d'élus locaux. Certaines régions ont commencé à travailler sur des visions et des stratégies. À ma connaissance, les PLUI comportent eux-mêmes un objectif d'économie et de sobriété foncière, même s'il n'est pas quantifié. Les préfets veillent désormais, dans les processus d'adoption des PLUI, à la nécessaire limitation de l'artificialisation lors de la définition des zones à aménager et des zones constructibles. Dans chaque région, les collectivités devront préciser comment elles parviennent à diviser de moitié l'artificialisation. Cela s'inscrit plus largement dans une volonté d'aménagement du territoire, qui nous amène à identifier les forces stratégiques. Certaines activités consomment de l'espace, comme la Cosmetic Valley, la Plastics Vallée ou encore l'aéronautique. On doit s'interroger sur la meilleure façon de faire, déterminer la meilleure localisation, veiller à consommer le moins d'espace possible, évaluer où se situent les marges de manœuvre. Cela tient davantage du pilotage et de l'animation que du prescriptif, mais les visions locales doivent être mises en cohérence avec la vision régionale. C'est ce que nous devons apprendre à faire, même si c'est compliqué.

Nous souhaitons évidemment éviter une crise du logement. Nous essaierons de trouver le bon équilibre, à la fois sur l'artificialisation et sur la rénovation. Sur ce dernier point, nous proposons des mesures incitatives, notamment l'amélioration des aides et des parcours usagers, le diagnostic de performance énergétique et le renforcement du service public de l'efficacité énergétique. En 2028, il sera interdit d'octroyer des allocations aux propriétaires de passoire thermique. Mon objectif, c'est de ne sortir aucune passoire du marché et de faire en sorte qu'elles soient toutes rénovées d'ici là. Cela nécessitera un travail de prospection et d'accompagnement exhaustif à l'échelle des EPCI, avec le soutien des régions, de l'État et des départements pour identifier les propriétaires concernés et leur proposer les aides existantes pour les travaux. Une crise du logement n'est donc pas une fatalité. En revanche, ce qui est sûr, c'est qu'il faut travailler les mesures d'accompagnement pour l'éviter.

Concernant, les baux ruraux, j'ignore quelles incitations et mesures coercitives pourraient inciter les propriétaires à céder des dents creuses. Toutefois, la pression va augmenter sur eux, et peut-être aussi le prix du terrain. Il est donc possible que l'équation économique s'améliore.

Nous devons nous pencher sur le sujet des zones grises situées sur des plans de prévention des risques d'inondation (PPRI). Nous avons connu trop de drames causés par des constructions en zones inondables. Je reste donc prudente sur la possibilité de réinstaller des logements et des commerces dans de telles zones : cela doit faire l'objet d'un travail complémentaire.

Je suis favorable à une différenciation car imposer une réduction de 50 % à tout le monde n'aurait pas de sens. À l'échelle de chaque région, on doit parvenir à définir une stratégie territoriale. Cela nous contraint à refaire de l'aménagement du territoire, comme lors de la grande période de la délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Comment imagine-t-on les lieux de vie, de travail et de production dans la France de demain, région par région ? Cette réflexion est indispensable, sinon le grignotage des terres naturelles et agricoles se poursuivra.

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