Intervention de Bruno Lina

Réunion du mercredi 29 avril 2020 à 17h15
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Bruno Lina, professeur au CHU de Lyon et chef d'équipe au centre international de recherche en infectiologie (CIRI) :

En ce qui concerne la contagiosité, nous savons que la transmission s'effectue, pour reprendre le jargon hospitalier, par manuportage, c'est-à-dire par de grosses gouttelettes émises quand on tousse, parle ou éternue, et qui véhiculent le virus, lequel est ensuite respiré par la personne qui se trouve à côté de vous, ou à qui vous l'avez transmis par la main.

Une question demeure non résolue s'agissant de la possibilité d'une transmission strictement aérienne, qui se ferait par aérosol, et qui pourrait être plus lointaine que la transmission par gouttelettes. Cette dernière, normalement, ne dépasse pas un mètre cinquante. C'est pour cette raison que nous recommandons l'instauration de distances entre les personnes, car, si jamais quelqu'un qui ne porte pas de masque éternue ou tousse, celles qui seront au-delà d'un mètre cinquante ou de deux mètres ne risquent pas d'être contaminées.

S'agissant de la contagiosité en fonction du statut, il est clair que c'est juste avant le début des symptômes et juste après leur apparition qu'on est le plus contagieux ; cela a été modélisé et étudié. C'est probablement pour cette raison que des chaînes de transmission s'installent de manière relativement silencieuse : des personnes infectées mais pas encore symptomatiques peuvent être contaminantes pour d'autres.

Il existe, par ailleurs, des personnes asymptomatiques et leur niveau de contagiosité constitue une question importante. Un certain nombre d'études montrent en effet que la même quantité de virus se situe dans les voies respiratoires supérieures des personnes asymptomatiques que des personnes symptomatiques. Or, si la transmission s'effectue essentiellement quand on tousse ou quand on éternue, les asymptomatiques, eux, ne toussent pas et n'éternuent pas. Cependant, ils parlent et sont capables d'émettre des postillons : une contamination est donc certainement possible par les asymptomatiques.

Concernant le portage sain, et cela répondra en partie à la question relative aux modèles animaux, on se sert de ceux-ci pour comprendre la biologie de ce virus, car il semble – c'est encore une hypothèse – pouvoir être porté un peu plus longtemps que les virus respiratoires classiques. Nous sommes en effet capables de détecter le virus jusqu'à trois, quatre, voire cinq semaines chez des personnes traitées et souvent guéries. En procédant à un prélèvement respiratoire, nous pouvons trouver de petites quantités – j'insiste sur le mot « petites » – dans l'arbre respiratoire des personnes. Ces quantités sont probablement insuffisantes pour être transmissibles, car la dose infectante générée est trop faible, mais cela signifie qu'il y a peut-être, comme chez les animaux qui ont des infections à coronavirus, la possibilité d'une forme de portage silencieux. D'autres virus, comme l'adénovirus respiratoire chez l'enfant, peuvent être portés silencieusement : c'est un problème pour le porteur, mais pas pour son entourage, car le virus n'est pas transmissible.

Par conséquent, il est difficile de définir très clairement un seuil au-delà duquel on considère qu'une personne est guérie, car nous ne connaissons pas la dose qu'il faut administrer à quelqu'un pour l'infecter. Nous la connaissons pour d'autres virus, mais pas pour celui-ci. Nous installons donc ce que nous appelons des indicateurs de proximité, qui nous incitent à dire qu'à cette concentration de virus détecté dans l'arbre respiratoire d'un individu il est très probable – vous retiendrez la sémantique – qu'il ne soit pas contagieux et qu'il soit ainsi guéri et non infectant. Notons que nous ne pouvons faire des tests PCR à tout le monde chaque semaine jusqu'à ce qu'ils soient négatifs ; nous sommes contraints de retenir cette hypothèse de non-contagiosité. C'est pour cette raison que les hôpitaux considèrent que la contagiosité est de quinze jours et qu'ils font ensuite revenir les patients avec un masque chirurgical : il n'y a plus de transmission possible.

Quant à la question de l'isolement des malades dans des hôtels, cette possibilité est proposée sur un mode volontaire et peut être très utile. Elle avait déjà été imaginée dans le plan pandémique Influenza.

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