Je partage tout ce que vous avez dit, madame Buffet, d'abord sur l'engagement des élus pour la réouverture des écoles. C'est d'ailleurs pour cette raison que j'en appelle à une forme de consensus national car, en dépit des divergences établies, j'entends que presque tous ceux qui sont intervenus aujourd'hui sont favorables à la réouverture. Dans la mesure où il y aura une grande souplesse, nous devrions donc parvenir à ce qu'elle se déroule selon des conditions pouvant faire l'objet d'une adaptation locale.
Vous avez raison de pointer le risque que des mères de famille défavorisées qui ne travaillent pas gardent leurs enfants, alors même que ceux-ci pourraient bénéficier de l'école. Un travail a été mené en ce sens pendant la période de confinement, lequel a porté ses fruits, certes de manière insuffisante. Il continuera à être mené, par les conseillers principaux d'éducation dans le second degré, ne serait-ce que pour ramener des élèves vers l'enseignement à distance, et par l'ensemble de l'institution éducation nationale, en collaboration avec les élus locaux et le monde associatif. Nous avons beaucoup parlé de cette question avec Julien Denormandie, et nous voyons bien que les cités éducatives que nous avons créées – il y en a plusieurs en Seine-Saint-Denis, mais également ailleurs en France – sont très utiles en ce qu'elles ont déjà permis d'établir un travail coopératif et du lien avec les familles, lesquels contribuent à la lutte contre le décrochage. Mais, comme vous l'avez dit, c'est bien à la mobilisation générale de la société pour faire venir ces enfants à l'école que l'on peut en appeler.
Quant à la prochaine rentrée scolaire, notamment des classes de CE1 et de sixième, il y aura bien une aide, au travers de l'accompagnement éducatif. À court terme, je l'ai dit, cela prendra la forme d'un soutien scolaire gratuit, qui sera très abondamment proposé, et ce avec une certaine insistance auprès des enfants qui en ont le plus besoin, pendant la dernière semaine du mois d'août et éventuellement à d'autres moments des vacances d'été. Cet accompagnement aura également lieu au cours de l'année 2020-2021, telle que nous l'adapterons grâce au travail qui sera effectué dans les prochaines semaines.
La question de M. Saint-Martin est de bon sens. Nous avons besoin de cette vision d'équipe, au sein de laquelle coopèrent les élus locaux, l'éducation nationale, le monde associatif, la société civile et différentes institutions, pour ramener les élèves à l'école. Nous avons également besoin d'une vision souple : certains personnels du second degré prêteront main-forte à ceux du premier degré pour le travail à accomplir la semaine prochaine. De la même manière, le fait qu'il y ait encore beaucoup de travail à distance – qui, je le rappelle, ne sera pas effectué par les enseignants présents dans les établissements – favorisera la logique que vous appelez de vos vœux, à savoir la mise en correspondance d'élèves et de professeurs qui, parfois, ne seront pas du même territoire. Il s'agira d'une des modalités de la souplesse que vous souhaitez et j'en appelle aux recteurs pour l'appliquer à leur territoire.
Pourquoi n'avons-nous pas organisé de service minimum – ce que l'on appelle parfois le service minimum d'accueil. Votre intervention n'est pas cohérente avec celle du président de votre groupe, M. Abad, qui a demandé que le retour à l'école soit obligatoire pour tous. De deux choses l'une : soit la présence est obligatoire pour tous ; soit nous organisons un service minimum pour des publics prioritaires. Les critiques que l'on nous adresse sont parfois antinomiques…
Nous répondrons en partie, mais en partie seulement, à votre souhait. Il y aura effectivement des publics prioritaires. En même temps, nous ne voulons pas que l'école soit une garderie : en mai et juin, il se passera des choses importantes sur le plan éducatif, et donc social, même si cela ne prendra guère les formes habituelles. Les petits groupes sont d'ailleurs très pertinents du point de vue pédagogique.
La logique que vous appelez de vos vœux sera bien à l'œuvre : nous serons attentifs à ceux qui ont le plus besoin de l'école. Mais nous agirons dans un cadre pertinent sur le plan éducatif et pédagogique, afin de faire progresser les enfants, en mobilisant la dimension psychologique, voire la dimension affective pour les plus petits, et nous tâcherons d'accueillir tous les élèves.
Il y a des publics prioritaires, mais notre souhait, je le répète, est que tous les enfants, quels que soient leur territoire et leur classe sociale, reprennent physiquement contact avec l'école à un moment ou un autre. Il ne sera pas facile d'y parvenir complètement, mais nous devons nous fixer cet objectif. Certains élèves reviendront avant les autres ou en feront plus que les autres, parce qu'ils font partie des publics prioritaires, mais il faut prendre en considération tous les enfants de France et rétablir le lien avec tous.
Nous menons un travail de terrain pour faire correspondre les capacités aux effectifs. Vous avez relevé vous-même, madame Bonnivard, que de nombreuses familles n'enverraient pas leurs enfants à l'école. Ce phénomène existera bel et bien au début, mais se réduira au fil du temps, à mesure que la confiance reviendra, quand les familles constateront que les choses se passent bien pour d'autres enfants.
Nous devons aussi faire de l'éducation à la santé. La présentation qui est faite des enjeux sanitaires est parfois caricaturale, et nous devons remettre les choses en perspective. C'est pourquoi des vidéos sont projetées aux élèves comme aux professeurs, dans le cadre de leur formation continue, afin de bien faire connaître les gestes barrières, mais aussi de faire prévaloir une approche scientifique du virus ainsi que des enjeux sociaux et sociétaux.
Monsieur Vallaud, vous avez davantage formulé des appréciations – qui sont les vôtres – que des questions. L'enjeu est effectivement la progressivité : il s'agit de rouvrir les écoles « quand on est prêt », comme l'a dit le Président de la République, et ces termes ne me paraissent nullement problématiques. D'où la souplesse de la pré-rentrée, que j'ai évoquée tout à l'heure. Nous assumons pleinement que tout ne se fasse pas tout de suite ; nous procédons de manière pragmatique. Si nous faisions le contraire, vous nous le reprocheriez.
Dans certains cas, il y aura des retards, liés aux circonstances locales. Mais il est évidemment souhaitable de ne pas rouvrir les écoles trop lentement non plus, dans l'intérêt des élèves, et parce que cela pourrait frustrer certaines familles. Nous devons aller au bon rythme, ni trop lent ni trop rapide.