Monsieur Becht, vous soulevez la question très importante des violences intrafamiliales et, plus généralement, des problèmes vécus dans certains cas par les enfants en milieu confiné. Vous avez raison, quand l'école ferme, c'est un vecteur fondamental de signalement qui disparaît.
Nous avons identifié immédiatement cette difficulté très grave. Adrien Taquet, secrétaire d'État auprès du ministre des solidarités et de la santé, a été très actif sur cette question. Nous avons fait ensemble la promotion du 119 et diffusé l'information dans le système éducatif. Sur la plateforme « Ma classe à la maison », il est affiché qu'il est possible aux élèves ou aux proches d'utiliser le 119 pour signaler un problème. L'activité de ce service s'est d'ailleurs beaucoup accrue – malheureusement – pendant la période de confinement. Adrien Taquet présentera certainement un bilan le moment venu.
Nous avons agi avec les administrations sociales compétentes, et c'est précisément parce que le confinement imposait des limites à nos capacités de diagnostic et d'action qu'il est apparu particulièrement urgent de procéder au déconfinement scolaire. Je le redis : un enfant battu est encore plus dans une situation d'impuissance lorsqu'il a l'âge de fréquenter l'école primaire que lorsqu'il est au collège ou au lycée. C'est l'une des raisons qui a déterminé les choix que nous avons faits.
La progressivité et la souplesse vaudront particulièrement pour les territoires d'outre-mer, car la situation géographique et sanitaire de chacun d'entre eux est spécifique. En Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et à Saint-Pierre-et-Miquelon, l'école a déjà repris, car les circonstances locales le permettaient. À La Réunion et à Mayotte, la réouverture des écoles est prévue le 18 mai, sachant qu'elle sera là aussi progressive, notamment à Mayotte, où il reste des problèmes à résoudre.
J'ai évidemment suivi la situation de chacun de ces territoires, notamment de la Guadeloupe. Les problèmes que vous mentionnez, Monsieur Serva, existent bel et bien. L'absence de point d'eau est un problème qu'il convient de résoudre si l'on veut respecter le protocole sanitaire. Je fais évidemment toute confiance au recteur pour trouver des solutions, en lien avec les élus.
J'ai l'impression qu'il sera difficile de rouvrir toutes les écoles en Guadeloupe, mais ce n'est pas une raison pour n'en rouvrir aucune. L'école a été interrompue pour d'autres raisons au cours de l'année scolaire, et il serait dommage que l'année soit perdue pour de nombreux élèves. Le droit à l'éducation doit être notre point de repère pour toutes nos décisions. Si nous prenons toutes ces mesures, c'est pour garantir ce droit à nos enfants.
C'est vraiment le dialogue conduit localement, à l'échelle non seulement de la Guadeloupe mais aussi de chaque commune, qui doit permettre d'apporter des solutions, afin d'organiser une rentrée progressive, de manière pragmatique. Si nous devions reporter à septembre la réouverture de toutes les écoles, ce ne serait guère une réussite collective, alors même que nous faisons preuve d'un grand volontarisme dans l'ensemble du pays pour éviter qu'une trop longue privation d'école ne crée un problème éducatif et social.
La question des masques est importante mais je rappelle la doctrine sanitaire : il ne faut pas imposer le port du masque aux enfants dans les écoles maternelles – ce serait totalement contre-productif – et il n'est pas souhaitable non plus de le faire dans les écoles élémentaires, sauf pour une raison particulière, par exemple si un enfant présente des symptômes. C'est pourquoi il nous a paru important de mettre des masques à disposition. Il s'agira, dans un premier temps, de masques jetables en papier dits pédiatriques, de taille six à douze ans, puis de masques réutilisables de taille XS ou S. Nous nous sommes mis en situation d'acquérir ces masques grand public et de les diffuser dans le système éducatif, leur disponibilité étant, vous le savez, l'une des conditions pour l'ouverture effective d'une école.
Dans le primaire, il n'est pas recommandé aux élèves de porter un masque, mais personne ne pourra dire que c'est parce que nous n'avons pas de masques, puisqu'il y en aura, par principe. Au collège, le port du masque sera obligatoire, et il y aura des masques.
Le Président de la République et moi nous sommes rendus hier, je l'ai dit, dans une école de Poissy qui a assuré l'accueil d'enfants de soignants. Dans cette école, les professeurs portent un masque, mais non les élèves, et le fonctionnement est fluide. Au cours de la période, aucun élève ni aucun professeur n'a été malade. Cette expérience est de nature à rassurer. Quelque 30 000 élèves ont connu une situation analogue pendant les deux derniers mois et, à ce stade nous ne notons pas de phénomène particulier.