Intervention de Jean Castex

Réunion du mardi 12 mai 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean Castex :

Je le redis : ne pas envisager la réversibilité du déconfinement ne serait pas sérieux. Aucun pays ne s'y risque. Il était normal que je l'évoque et il est normal que les pouvoirs publics s'y préparent. Je vous renvoie aux explications précises que j'ai données sur les critères qui justifieraient le coup de frein, global ou localisé, au déconfinement. Je rappelle qu'une demi-page seulement de mon rapport qui en compte soixante-huit traite de cette question ; ce n'est pas l'alpha et l'oméga de mes propositions. Plusieurs questions ont porté sur ce qui se passera après le 2 juin. Il est indispensable d'anticiper des situations plus difficiles. Voyez nos voisins allemands : ils ont quelques jours d'avance sur nous en matière de déconfinement et ils sont inquiets de voir le taux de reproduction de base (R zéro) de l'infection augmenter à nouveau. Nous devons rester mobilisés et dire la vérité aux Français : si les dispositifs que nous avons envisagés s'appliquent mal, si chacun de nous ne prend pas les mesures de précaution qui s'imposent, si le virus nous joue des tours pour des raisons inexpliquées, comme en Corée du Sud où il est réapparu sans que les scientifiques comprennent pourquoi, un coup de frein au déconfinement est possible, et il est de notre devoir d'anticiper toutes les hypothèses.

Il faut aussi, et c'est notre objectif premier, envisager l'indispensable redémarrage économique de notre pays, question centrale, M. Woerth l'a dit, parce que crise économique, baisse de la croissance, explosion de la dette et du déficit signifient que le nombre de chômeurs explose et que le pouvoir d'achat baisse. Il y a des conséquences sociales à une crise économique, et il ne faudrait pas qu'aux difficultés sanitaires actuelles succèdent d'autres difficultés peut-être plus graves encore. Aussi devons-nous, tous, nous comporter de manière responsable. Puisque nous ne serons débarrassés de ce virus que lorsque des vaccins et des médicaments efficaces auront été mis au point, nous devons nous discipliner pour faire repartir l'économie. Pour cette raison, on ne peut, hélas, envisager un redémarrage puissant des transports publics, en France non plus qu'ailleurs, avec des usagers en très grand nombre collés les uns contre les autres et susceptibles de se transmettre le virus.

Les questions relatives au plan de relance et aux conditions du redémarrage économique doivent être posées au ministre chargé de l'économie, qui y travaille. Je rappelle seulement que le soutien massif apporté par l'État et par les régions aux secteurs affectés par le confinement, soutien qui se poursuivra pendant la première phase du déconfinement puisque toutes les entreprises ne vont pas réouvrir immédiatement, a permis d'éviter un effondrement. Il s'agit maintenant de déterminer comment faire repartir l'économie dans les meilleures conditions possibles sans mettre en péril la sécurité de nos concitoyens.

C'est pourquoi, monsieur Pancher, je me garderais bien de dire que le virus ne circule plus dans mon département, pourtant classé « vert » et où les indicateurs sont bons. Je m'en garderais d'autant plus que l'on déconfine ; c'est une excellente chose, mais ce ne peut être fait à tous crins. Cela étant, nous faisons confiance aux acteurs locaux dans cette première phase de sortie du confinement.

Monsieur Lescure, nous avons mis au point des protocoles de reprise du travail ; certains les jugent trop contraignants, mais s'ils ne sont pas précis ils n'ont pas l'aval de l'autorité sanitaire, et l'on me dit alors que l'on refuse d'engager la reprise par peur de voir sa responsabilité pénale mise en cause. Ces deux arguments sont parfaitement recevables, et c'est le sel de ce plan de déconfinement : essayer de tout faire coïncider pour trouver la voie de passage. C'est ce qu'ont fait les ministres du travail et des affaires économiques en établissant ces protocoles. Sauf dans certains secteurs, le travail n'avait jamais complétement cessé, mais la comparaison internationale sur ce point n'est pas à notre avantage, en particulier dans le bâtiment et les travaux publics. L'économie française s'est un peu plus arrêtée que les autres pendant le confinement. Il a fallu comprendre les raisons de cette situation pour lever les obstacles, de manière à redémarrer tout en assurant la sécurité due aux salariés. Il appartient à l'État de fixer la doctrine sanitaire, mais les partenaires sociaux doivent reprendre la main pour assurer les conditions de la reprise la plus vigoureuse possible, et elle le sera d'autant plus que la sécurité et les conditions de travail des salariés seront bonnes.

La question de la quarantaine lors de l'entrée en France sera précisée. À ma connaissance, les arbitrages, qui relèvent du pouvoir politique, ne sont pas rendus, mais je pense que le Gouvernement les annoncera sans délais.

Mme Auconie, la peur, légitime, doit être un stimulant raisonnable de notre sens des responsabilités, non une entrave à l'action. Si l'on donne des informations cohérentes, réalistes et mesurées ; si l'on explique aux gens que l'on s'est assuré que les règles de protection sanitaire sont respectées ; si, j'y insiste, eux-mêmes s'impliquent dans le respect de ces règles, on peut aller de l'avant. Je ne saurais dire si je fais de l'équilibrisme, mais la situation est exceptionnelle et nous ne pourrons surmonter cette épreuve que tous ensemble.

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