Intervention de Dominique Dhumeaux

Réunion du mercredi 13 mai 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Dominique Dhumeaux, vice-président de l'Association des maires ruraux de France :

Comment les choses se sont-elles passées dans nos villages pendant les deux mois de confinement ? Chaque élu a pris en compte la situation de crise. La première difficulté a été de gérer toutes les circulaires de l'État, nombreuses, souvent très longues et lourdes à mettre en œuvre, censées s'appliquer tout aussi bien à la ville de Paris et à la métropole de Lyon qu'à des communes de 600 habitants. Face à des documents aussi complexes, certains maires ruraux ont eu du mal à comprendre ce qu'on attendait d'eux. Ce devrait être la leçon à retenir de cette première période : si l'on veut que les élus s'emparent des enjeux et fassent au fur et à mesure ce que l'État leur demande dans de telles situations, il faut simplifier les circulaires pour les rendre plus accessibles à chacun, et surtout distinguer les strates de collectivités. Le protocole relatif à la réouverture des écoles a en grande partie contribué à démobiliser les. Qui plus est, le personnel communal étant lui aussi confiné, les maires se sont souvent retrouvés seuls pour analyser ces documents… Il faut donc simplifier la communication pour que tout le monde s'en empare le plus rapidement possible.

On s'est également rendu compte que, du fait de décisions prises par les gouvernements successifs, les maires avaient oublié que leur rôle était, en période de crise, de maintenir la sécurité, ou encore de venir en aide aux personnes en détresse. Il est indispensable que chaque élu ait conscience qu'il se doit, en période de crise, d'accompagner ses concitoyens. Si cela s'est très bien passé dans l'ensemble, certains maires ont oublié de jouer ce rôle, si bien que la crise a été encore plus mal vécue par leurs administrés. D'autant que nous étions dans une période de transition : certains élus, qui souhaitaient arrêter, devaient par la force des choses poursuivre leur mandat. Il serait intéressant de communiquer sur ce sujet.

L'accès au numérique a été un réel souci pour les communes rurales qui n'ont ni la fibre ni une 4G de qualité. Cela a imposé aux maires de trouver des palliatifs, pour que le temps scolaire se passe au mieux et que les cours arrivent jusqu'aux enfants, dans des familles dépourvues d'ordinateurs, de smartphones, d'imprimantes, de cartouches d'encre… Bon nombre d'entre eux se seraient retrouvés isolés sans le relais de la municipalité. L'État doit accélérer le développement de la 4G et de la fibre dans l'ensemble du territoire.

Beaucoup de villages n'ayant pas de commerces, l'accès aux services au public, déjà problématique, était encore plus compliqué. Les maires ont dû s'organiser pour apporter à leurs administrés les plus âgés et les plus fragiles de quoi manger et des médicaments si besoin, grâce à des bénévoles et en mobilisant le personnel communal, qui la plupart du temps a joué le jeu.

L'accès aux soins a également représenté une vraie difficulté. Heureusement, les départements en totale déshérence sur le plan médical ont été peu touchés par le virus, sans quoi la catastrophe sanitaire aurait été bien plus grave.

L'intercommunalité, souvent présentée comme la solution pour les services de proximité, a été très peu présente dans la gestion de crise, du fait de sa structuration et de son organisation, mais aussi parce qu'elle est gérée par des maires qui eux-mêmes étaient au charbon dans leur village. Il est intéressant de garder ce fait en mémoire au moment de redéfinir les compétences de chacun à l'occasion du projet de loi « décentralisation, différenciation, déconcentration », dit 3 D.

Autre sujet crucial : la gestion des aînés. La canicule de 2003 ne nous a pas servis de leçon : la crise vient nous rappeler combien il est catastrophique de rassembler tous nos anciens dans un même lieu. Il faudrait réfléchir à une solution leur permettant, dans la mesure du possible, de rester dans nos villages : on peut songer à des béguinages, par exemple, des lieux de vie partagés. Évitons de refaire les mêmes erreurs qu'en 2003, où nous nous étions contentés d'acheter quelques rafraîchisseurs, sans nous préoccuper du cœur du sujet.

Le déconfinement à l'école nous a obligés à adapter les locaux, mobiliser les enseignants capables de reprendre l'école ainsi que le personnel communal, motiver les élus et rassurer les parents. La multiplication des interlocuteurs a compliqué la donne. Moins de 10 % des écoles n'ont pas ouvert dans les temps, pour des raisons liées aux locaux ou au personnel. Pour organiser le périscolaire, les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) nous ont communiqué une circulaire très synthétique de sept pages, dont les contraintes, proches de celles imposées à l'école, ont été assez facilement intégrées par les élus. Communiquer et mettre à disposition des outils pour les élus en période de crise sont des éléments clés qui permettent de simplifier leurs démarches.

En réalité, tout le monde joue le jeu pour que le déconfinement se passe au mieux, avec évidemment des disparités qui tiennent à la vie du village, mais également à l'implication des équipes municipales et des personnels – on ne peut y faire grand-chose, sinon prévoir, au mois de juin, un travail pédagogique à destination des nouveaux élus.

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