La relance doit effectivement être le fruit d'une coconstruction avec l'État, ce qui suppose un accord préalable sur quelques principes : répondre à une finalité sociale, favoriser la solidarité, qui est une attente forte dans nos villes, mais également aller dans le sens de la transition énergétique : les collectivités, souvent très engagées sur cette question, maîtres d'ouvrage, ne disposent pas toujours des moyens nécessaires. Cela fait des années qu'on leur promet une partie de la contribution climat énergie (CCE) et elles l'attendent toujours. Il faut construire la relance ensemble, définir des orientations communes, sélectionner les projets qui auront un effet de levier sur l'économie et, pour aller vite, privilégier les projets déjà prêts, sans lancer de nouveaux appels à projets : nous en avons plein dans les cartons.
Pour ce qui est de nos latitudes financières, nous tiendrons le choc en 2020, grâce à l'épargne de 2019 et du fait que des projets ont mécaniquement été retardés. Nous parvenons à financer des exonérations et des dépenses supplémentaires. En revanche, je crains beaucoup les années 2021 et 2022, lorsque, après les effets conjoncturels de la crise, se manifesteront les effets structurels. C'est pourquoi il est nécessaire de mettre au point dès maintenant une stratégie de suivi avec l'État. Recourir à des emplois aidés, au moins durant la période de relance, pourrait être utile et créerait du lien. S'agissant du FCTVA, nous avons eu des retours plutôt encourageants de la part du Gouvernement.
Cette crise a révélé à quel point l'ARS devait être réformée. Je ne veux pas être trop critique, les ARS ont au fond réagi avec la culture qui était la leur : on ne leur avait jamais demandé d'être réactives face à des situations de crise ou de gérer des questions logistiques, mais de définir des stratégies de long terme et de délivrer des autorisations administratives. Les ARS n'étaient à l'évidence pas l'outil adéquat, et qui plus est n'ont pratiquement aucun lien avec les maires et les présidents d'intercommunalités urbaines, dont le rôle n'est pourtant pas nul en matière de santé. Nous sommes nombreux à présider le conseil de surveillance d'un centre hospitalier universitaire (CHU) – rôle essentiellement honorifique, certes, mais qui nous permet d'avoir une vue d'ensemble sur les questions de santé publique qui se posent sur notre territoire. Si nous repensons la stratégie de santé de la France, ce que je crois utile, il faudra sans doute renforcer le rôle des élus locaux.
Le problème de la désertification médicale en milieu rural se pose depuis longtemps et les intercommunalités rurales, les départements et les régions ont pris, souvent en lien avec l'État, des initiatives pour y remédier. On parle moins de la désertification médicale en milieu urbain, alors que ce phénomène, qui est apparu dans les quartiers de la politique de la ville, est en train de se généraliser. De toutes les grandes villes françaises, Toulouse, dont je suis le maire, est celle qui a connu la plus forte croissance démographique depuis vingt ans. Malgré cela, on voit des cabinets médicaux fermer et des médecins généralistes partir à la retraite sans être remplacés. Aujourd'hui, 10 % des généralistes ont quarante ans et 42 % ont soixante ans : imaginez ce qui va se passer dans dix ou quinze ans ! Alors que les maires voient le problème arriver, ils n'ont aucun moyen d'action : il est urgent de redéfinir leur rôle en matière de santé publique.
J'ajoute que les ARS ont, par définition, une action régionale et que leur représentant au niveau du département ne joue pas un grand rôle. Dans la mesure où nous défendons un renforcement des moyens de l'État sur le terrain, par l'intermédiaire des préfets, il faudrait aussi veiller, au moment de réformer cet outil, à cette dimension départementale : les ARS y ont souvent été perçues comme des empêcheuses de projets du fait de leur comportement particulièrement tatillon.
Peut-on organiser des élections en juin, alors que nous serons en état d'urgence sanitaire jusqu'au 10 juillet ? Je n'ai pas à me prononcer sur l'opportunité de modifier cette date, mais je pense qu'il existe des solutions pour permettre à nos concitoyens qui craindraient de s'exposer au virus parce qu'ils sont âgés, malades ou en situation de handicap, de voter. Il y a bien sûr les procurations, mais ce système est archaïque, lourd et contraignant pour la police nationale, qui aura fort à faire en ce moment avec le déconfinement. Combien de fois voyons-nous arriver les procurations le lundi matin, une fois le scrutin passé ! Il faudrait déployer des moyens électroniques.