Le rôle du préfet est de s'assurer, dans le respect des compétences de chacun, que tous les acteurs sont bien prêts et qu'il n'y a pas d'incompréhensions ou de non-dits entre les différentes équipes chargées chacune d'une partie de la mission. J'ai déjà présidé à deux reprises un comité de pilotage des actions de dépistage, traçage et isolement et, ce faisant, j'ai veillé à ce que les actions de dépistage et de traçage soient prêtes et disponibles sept jours sur sept, et à ce que tous les acteurs soient bien conscients de leur mission et aient les moyens de l'accomplir. Jusqu'à présent, je n'ai aucune raison d'en douter, notamment grâce à l'implication de la médecine de ville, mais aussi de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM), qui met à disposition des équipes suffisamment fournies pour appeler les cas contacts et les envoyer vers un dépistage et une solution d'isolement. Je précise que seul l'isolement proprement dit incombe aux préfectures et que j'ai pour cela passé une convention avec deux hôtels et une association de protection civile.
En ce qui concerne le pouvoir de police administrative, je vous ai rappelé le contexte particulier du Haut-Rhin, qui m'inspire une grande réticence à ouvrir davantage l'accès à certaines zones par dérogation. Dans la mesure où nous sommes dans un département rouge, où le virus n'a pas été éradiqué, je n'ai pas l'intention d'ouvrir les lacs et les étangs. M. Cattin m'a déjà posé la question par plusieurs canaux différents, et je lui ai déjà répondu que, si le déversement d'alevins dans les étangs de pêche, qui relève de la pisciculture, me semblait tout à fait possible, la pêche en eau douce ne pouvait en revanche être autorisée avant début juin.
Pour ce qui est des marchés, j'ai procédé un peu différemment de mon collègue du Nord. L'examen de la situation sanitaire locale, effectué en concertation avec le bureau de l'association des maires, nous a conduits à un compromis qui me semble raisonnable : seuls les marchés de produits alimentaires ou périssables sont ouverts, les marchés de vêtements et les brocantes devant rester fermés. En effet, les produits alimentaires sont servis par les vendeurs aux clients sans que ceux-ci aient à les toucher, alors que pour les vêtements et la brocante, les clients touchent beaucoup les objets avant de les acheter – ou même de ne pas les acheter. Cela dit, même les marchés alimentaires ne disposent pas d'une liberté totale : ils doivent respecter un protocole établi entre la chambre d'agriculture et l'association des maires, qui reproduit les gestes barrières et prévoit des mesures de signalisation et de marquage au sol.
On trouve une autre illustration de la territorialisation dans ce que nous avons préparé avec les autorités académiques pour les écoles. Le Gouvernement a demandé que les écoles puissent reprendre dès le 11 mai, mais dans le Haut-Rhin, une grande partie des maires a souhaité une organisation plus progressive, ce que nous avons fait avec la rectrice en prolongeant et en développant le système d'accueil des enfants des personnels soignants pendant une à trois semaines. Chaque école peut ainsi reprendre à son rythme, en fonction de l'organisation des locaux, de la motivation des personnels et de l'attente des parents : certains établissements ont repris ce matin, d'autres reprendront le 18 mai, le 25 mai ou le 2 juin. Cette reprise progressive témoigne bien du dialogue avec les maires, auquel je suis très attaché.
M. Becht nous a demandé ce qu'il faudrait changer dans l'organisation sanitaire. Je crois que l'ARS a plutôt une culture de gestion comptable et financière de l'ensemble du système de santé, et qu'elle était assez peu préparée à la gestion d'une crise de cette ampleur. J'ai parfois eu du mal à savoir quelles étaient ses connaissances, son degré de préparation et son organisation, alors que cela m'aurait aidé de disposer d'une vision précise de son fonctionnement interne dans la gestion de la crise. Peut-être pourrait-il être envisagé que, durant la période de crise, les préfets puissent disposer de moyens plus efficaces pour coordonner l'ensemble des acteurs de la gestion de crise, y compris cet organisme de l'État un peu à part qu'est l'ARS – un élément tout à fait essentiel mais qui a parfois eu du mal à embrayer aussi vite qu'on l'aurait voulu.