Intervention de Geoffroy Roux de Bézieux

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF :

Compenser la réduction des aides à l'activité partielle par une baisse des charges patronales est une bonne idée. Il faut comparer le coût du maintien d'un salarié au chômage partiel à celui de son retour au travail, avec un chiffre d'affaires moindre. La transition ne doit pas être trop brutale : si nous devons supporter 150 % du coût – salaire et charges comprises – avec seulement 50 % du chiffre d'affaires, nous serons tous en exploitation négative.

Nous avons proposé un plan pour l'apprentissage car des mesures urgentes s'imposent, mais ce sont aussi 700 000 jeunes qui vont arriver sur un marché du travail très atone – les nouvelles embauches au mois de septembre seront rares.

Je ne désespère pas que les discussions en cours à l'OCDE sur l'harmonisation de la fiscalité internationale, bloquées par les États-Unis, débouchent. Selon les calculs, les pays à fiscalité normale ou forte – comme la France – en sortiraient gagnants, les paradis fiscaux perdants. Par ailleurs, l'Union européenne a réalisé des efforts significatifs sur la transparence fiscale et les entreprises françaises n'ont pas à rougir de leur comportement.

Avec les autres organisations patronales et trois organisations syndicales, nous avons publié l'an dernier un rapport passé inaperçu sur le partage de la valeur ajoutée. Il fait apparaître que sa répartition entre travail et capital est restée stable au cours des dix dernières années, les seules modifications étant dues au poids des prélèvements obligatoires. Quant à savoir où se situe le bon niveau de partage, le débat est presque philosophique. Les entreprises françaises sont en pointe, devant leurs concurrentes européennes, et plus encore américaines. C'est l'effet du mécanisme de participation, qui induit mathématiquement un plus grand partage de la valeur créée, et qui n'existe nulle part ailleurs.

Je suis prêt à rouvrir la discussion à ce sujet, qui nous a longuement occupés lors des débats sur le projet de loi PACTE. Nous pouvons imaginer de partager la richesse produite grâce à un renforcement du dispositif d'intéressement et de participation, ou à une prime défiscalisée dans les TPE. Mais rappelons que pour partager de la richesse, il faut pouvoir en créer. Je ne suis pas sûr qu'il y ait beaucoup à partager en 2020.

Le montant moyen du PGE est de 160 000 euros, on peut donc estimer que le chiffre d'affaires moyen des entreprises qui ont demandé à en bénéficier est de moins d'un million d'euros. Les PGE seront remboursés en quatre ans, après la première année, il sera donc demandé aux entreprises de rembourser annuellement 6 % de leur chiffre d'affaires. Or l'excédent de trésorerie des TPE en France avant la crise était inférieur à 5 %.

Nous avons un an pour travailler à la création d'un dispositif de quasi-fonds propres, animé par la Caisse des dépôts, qui remplacerait les prêts des banques par des obligations de long terme. Ces obligations devront avoir un rendement raisonnable, qui n'assèche pas les entreprises et leur ôte toute capacité d'investissement. Mais avec un taux d'intérêt de 1,5 %, toujours plus avantageux que la rémunération du livret A ou du fonds en euros, il ne serait pas absurde d'y diriger l'épargne des Français.

Par un courrier, probablement maladroit, nous avons demandé un délai de six mois pour appliquer douze des deux cents décrets de la loi sur l'économie circulaire, car nous avons le sentiment que certaines entreprises ne pourront pas s'y conformer. Ainsi, il ne sera pas simple, compte tenu de la situation, d'appliquer la responsabilité élargie du producteur dans la restauration à compter du 1er janvier 2021. La ministre de la transition écologique et solidaire a rejeté cette demande, nous en prenons acte.

Les entreprises peuvent être réparties en trois catégories selon leur rapport à la transition écologique.

Les premières ont un intérêt économique à accélérer la transition écologique, car il sert leur modèle d'entreprise.

Pour d'autres, la transition écologique est une contrainte, rendue impérieuse par les exigences de leurs clients, leurs salariés et l'ensemble des parties prenantes. Par exemple, les clients des constructeurs automobiles se détournent des véhicules diesels. Pour ces entreprises, produire décarboné entraîne un coût supplémentaire. Nous devons accepter que la transition écologique ait des conséquences sur les prix de revient, donc sur les prix de vente.

Mais il ne faut pas laisser s'installer une concurrence déloyale au-delà des frontières françaises. Nous nous battons pour convaincre l'ensemble du patronat français et européen de la nécessité d'un mécanisme d'ajustement intégrant le bilan carbone des procédés de fabrication des produits. Sans cela, nous serons perdants sur toute la ligne : nous ne produirons pas de manière à sauver la planète, et nous perdrons des emplois.

Prenons l'exemple du ciment, l'un des secteurs qui émet le plus de CO2. Les technologies pour produire de manière plus vertueuse existent, mais coûtent significativement plus cher. Si les cimentiers européens les adoptent, les frontières européennes ne doivent pas rester ouvertes à du ciment produit en consommant beaucoup d'énergies fossiles. Le MEDEF soutient l'instauration d'une taxe carbone aux frontières, afin de recréer une concurrence loyale en compensant le surcoût de production lié aux quotas carbone. Cette compensation doit également se faire au sein de l'Union européenne, car nous n'avons pas la même trajectoire carbone que certains voisins, notamment d'Europe de l'est. Nous avons besoin des élus pour appuyer cette réforme.

La troisième catégorie d'entreprises regroupe les petites entreprises dont l'activité est historique. Il n'est pas possible de leur tenir le discours schumpétérien selon lequel leur modèle étant dépassé, elles doivent disparaître. Il faut les aider, car elles perdront en rentabilité tout en devant investir pour changer de modèle. Les sous-traitants qui produisent les composants des moteurs diesels sont ainsi dans une situation très difficile, et ils ne peuvent changer de modèle en un claquement de doigts.

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