Intervention de François Asselin

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

François Asselin, président de la CPME :

Le coût du travail est un vrai problème. Les accords de branche ou d'entreprise permettent de travailler bien plus de trente-cinq heures par semaine, mais le coût de la trente-sixième heure est rédhibitoire. L'exonération de charges sur les heures supplémentaires a été un énorme succès car le pouvoir d'achat du salarié ne baisse pas, tandis que le coût du travail n'augmente pas de manière inconsidérée.

Il faut prendre des mesures incitatives à l'embauche des jeunes. On sait ce qui fonctionne. Toutefois, les entreprises recrutent principalement en fonction des perspectives, c'est-à-dire du carnet de commandes. La relance doit donc aller de pair avec les mesures de soutien.

Nous travaillons actuellement sur les trois sujets qu'a évoqués Jean-Christophe Lagarde. Nous réfléchissons aux moyens de transformer tout ou partie du PGE, au moment où il doit être remboursé, en quasi-fonds propres. Il pourrait être envisagé de transférer la gouvernance aux régions qui, pour certaines, ont déjà recours à ce type de véhicules d'investissement. Pour aider les entreprises, par exemple celles situées en zone rurale, l'échelon régional apparaît en effet le plus pertinent. Cela étant, nous souhaiterions connaître les modalités de remboursement du prêt.

Il serait de bon sens que l'État renonce à être créancier prioritaire. À quoi sert de contraindre une entreprise à déposer son bilan parce qu'elle ne parvient pas à payer ses charges ? Quant aux 3 millions de travailleurs indépendants, ils assument des dettes personnelles et peuvent être sommés de les acquitter plusieurs mois ou plusieurs années après le dépôt de bilan, ce qui est souvent dramatique – l'Urssaf n'est pas tendre à leur égard. Beaucoup de travailleurs non salariés risquent de connaître ce triste sort : nous demandons donc que ces dettes soient rattachées à la personne morale.

La transition vers le monde d'après sera longue et difficile. Cela étant, on peut accompagner la transformation, comme le propose la CPME avec son plan de relance en trois volets. Il ne faut toutefois pas pécher par naïveté : les pratiques actuelles, marquées par la financiarisation de l'économie, ne disparaîtront pas du jour au lendemain.

Il ne me paraît pas absurde de conditionner l'aide de l'État à la relocalisation à moyen et long terme. Cela étant, l'industrie française a plus délocalisé au cours des vingt dernières années que d'autres pays européens.

Nous ne sommes absolument pas favorables à la décroissance, qui a un caractère désespérant. Toutefois, la croissance peut s'accompagner d'une certaine sobriété. Ainsi, les capitaux qui ne sont pas distribués par l'entreprise pourraient être exonérés fiscalement – par exemple de l'impôt sur les sociétés (IS) –, ce qui lui permettrait de consolider ses fonds propres. Nous faisons cette proposition depuis de nombreuses années. Face aux difficultés, les entreprises qui se sont comportées en écureuil, en privilégiant la pérennité, s'en sortent le moins mal.

Par ailleurs, on ne récompense absolument pas les comportements vertueux. Nombre d'entreprises, parmi lesquelles des PME, se sont engagées en faveur de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE), ce qui laisse malheureusement tout le monde indifférent. L'employeur voit que c'est un outil merveilleux de management, une source de progrès économique et social pour son entreprise, mais les fournisseurs y sont peu sensibles, et les clients encore moins. Quant à l'État, il ignore la démarche. Quand bien même on est labellisé RSE, les agents vont vérifier, en cas de contrôle, qu'on a rempli le bon formulaire au bon moment, sous peine d'être ponctionné d'un pourcentage de la masse salariale, ou de se voir infliger une amende !

La CPME a signé un accord en 2018 avec l'ensemble des organisations syndicales pour encourager les comportements vertueux. L'engagement en faveur de la RSE doit rester volontaire, sous peine de tuer cette démarche. Il faut que la RSE soit expérimentale, car il n'y a pas d'avantages acquis : notre environnement évolue. Les partenaires sociaux ont accepté que l'accord puisse être réévalué tous les trois ou cinq ans, cela semble indispensable. Les entreprises qui s'engagent ne doivent plus être contrôlées deux fois sur des composantes de la RSE, tel un plan sur l'égalité hommes femmes, validé par l'organisme certificateur de la RSE, ou un plan seniors, qui a donné lieu à des entretiens individuels. Par ailleurs, si un crédit d'impôt était accordé à la TPE ou à la PME qui s'engage dans cette démarche, il s'appliquerait à isocoût. Petit à petit, on élèverait la chaîne de valeur. Les donneurs d'ordres publics pourraient attribuer une note technique majorée aux entreprises labellisées RSE.

Depuis vingt-sept ans que je dirige mon entreprise, dont le modèle repose sur l'apprentissage et qui est labellisée Charpente 21 et Menuiserie 21, aucun client ne m'a demandé quel était mon taux de formation ou si mon bois était écocertifié – ou du moins, on n'est jamais venu le vérifier. En revanche, on m'a souvent dit que j'étais trop cher. Je ne regrette pas mes choix, car mon entreprise est toujours vivante, et je pense qu'elle le sera encore demain.

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