Intervention de Alain Griset

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Alain Griset, président de l'U2P :

S'agissant du second volet du fonds de solidarité, je ne mets pas en cause les régions, qui instruisent les dossiers, mais je regrette que l'État conditionne son bénéfice au refus de l'octroi du PGE. Nous avons salué l'initiative de l'État tout en déplorant qu'elle ait été ainsi gâchée. On exige du travailleur indépendant qu'il s'acquitte de ses charges fixes bien qu'il ne gagne rien parce qu'on lui a interdit de travailler. Il conviendrait de supprimer cette clause ridicule.

Par ailleurs, nos collègues ont très mal vécu la différence de traitement entre la grande distribution et les indépendants. À titre d'exemple, les jardineries, la grande distribution, les boulangers pouvaient vendre du muguet, mais non les fleuristes. Cela a paru incompréhensible. De même, les parfumeurs de centre-ville devaient rester fermés, tandis que la grande distribution pouvait vendre des cosmétiques. Le risque sanitaire n'était à mon avis pas plus élevé dans les magasins de centre-ville. Un autre exemple concerne les métiers liés à l'animal. Les éleveurs, les dresseurs n'ont pas le droit de livrer un animal ou de recevoir un client si celui-ci réside à plus de 100 kilomètres, alors que c'est parfaitement possible à la SPA. Pourquoi ce traitement différencié ? On a le sentiment que les indépendants sont marqués au fer. Il est de mon devoir de vous dire qu'à côté de mesures louables, des décisions incompréhensibles ont été prises – lesquelles, en l'occurrence, ne sont pas le fait du Parlement.

La situation des hôtels, cafés, restaurants est un crève-cœur : on a l'air de penser qu'il serait normal que 20 ou 30 % de ces établissements ferment. C'est inacceptable. On parle d'hommes et de femmes qui ont mis tous leurs biens, toute leur énergie dans leur commerce. S'il faut respecter un espace de quatre mètres carrés par client, on sait très bien que le chiffre d'affaires sera divisé par deux ou trois, que la rentabilité sera réduite à néant et que les dépôts de bilan surviendront très vite. Soit les établissements sont accompagnés financièrement dans la durée, ce qui n'est pas le modèle économique que nous souhaitons, soit on leur permet de travailler dans des conditions garantissant la rentabilité. Il n'y a pas de solution intermédiaire. On ne peut pas demander à une entreprise, même de très petite taille, de travailler en perdant de l'argent : c'est contraire à tous les principes économiques. Les hôtels pourront sans doute reprendre plus vite, mais ce sera très difficile pour les cafés, et dramatique pour les restaurants. Les garanties sanitaires sont nécessaires, mais on peut mettre en doute la logique des quatre mètres carrés, surtout en comparaison avec ce que l'on voit par ailleurs.

Un grand plan d'investissement pourra être lancé d'ici quelque temps, mais la relance doit être rapide, car les déficits de nos entreprises s'accroissent jour après jour. Les économies de 60 milliards réalisées par les Français offrent l'occasion de les inciter à consommer, tout en veillant au risque inflationniste. Parmi les initiatives récentes, citons l'idée lancée en Région Sud d'émettre des chèques tourisme, ou encore l'élévation du plafond de paiement en grande surface par ticket-restaurant, porté à 95 euros.

On ne peut évidemment limiter l'exonération de charges aux entreprises qui ont fait l'objet d'une fermeture administrative, car certaines sociétés, à l'activité connexe, ont eu un chiffre d'affaires nul, tandis que d'autres l'ont vu diminuer d'au moins 50 % – ces dernières peuvent être aisément identifiées car elles bénéficient du fonds de solidarité. On pourrait raisonnablement envisager une baisse de cotisations sociales proportionnelle à la diminution du chiffre d'affaires. En tout état de cause, il faut nous dire très vite quelles cotisations seront concernées. En l'occurrence, on a créé de l'espoir, avant que le doute s'insinue.

Les agents généraux d'assurances, qui sont adhérents à l'U2P, par le biais de l'Union nationale des professions libérales (UNAPL), ne sont pas en cause aujourd'hui. Bien au contraire, ils doivent gérer le mécontentement de leurs clients, du fait de décisions des grands groupes d'assurance qui ne sont pas comprises par nos entreprises. Beaucoup de nos collègues pensaient, peut-être à tort, être couverts au titre de la perte d'exploitation. Certains contrats s'appliquent, mais ils demeurent rares. Les assureurs répondent qu'ils ne peuvent prendre en charge ces pertes, car cela leur coûterait 60 milliards d'euros. On aurait toutefois apprécié qu'ils manifestent un peu de solidarité. La somme de 400 millions qu'ils ont apportée au fonds de solidarité est loin d'être suffisante au regard de leurs capacités. Nous avons été témoins de nombreux gestes de solidarité. En l'occurrence, les assureurs n'ont pas été solidaires des entreprises. La déception engendrée risque de peser dans la relation quotidienne qu'ils entretiennent avec leurs clients, pour l'assurance de leurs véhicules, de leur maison, de leurs économies. Les assureurs auraient pu, par exemple, renoncer à trois ou quatre mois d'échéance sur l'assurance – hors vol et incendie – des véhicules professionnels, qui ont peu ou pas roulé. Ne pas avoir pensé à cette mesure, qui aurait été très appréciée des entreprises sans mettre les assureurs à plat, relève presque de la maladresse. Je ne désespère pas qu'ils rectifient le tir.

Enfin, moi qui suis du Nord, monsieur Habib, je pense aussi qu'il faudrait revenir sur une certaine vision parisianiste des choses.

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