Intervention de François Asselin

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

François Asselin, président de la CPME :

Je rejoins les propos d'Alain Griset sur l'accompagnement des hôtels, cafés et restaurants. Les normes fixées font peser une lourde menace sur la rentabilité de l'activité et suscitent une profonde inquiétude. De nombreux professionnels ont contribué à l'élaboration des guides de bonnes pratiques. Puis, à la veille du déconfinement, des normes de niveau supérieur ont été définies, qui contredisaient parfois les précédentes ou s'ajoutaient à elles, suscitant du découragement chez beaucoup de chefs d'entreprise. Ces règles n'ont pas fait l'objet de la moindre concertation. Si ces contraintes devaient durer, il conviendrait d'inclure les corps intermédiaires dans la réflexion.

J'ai demandé, dès la mi-mars, dans une lettre adressée à la Fédération française de l'assurance (FFA), comment seraient prises en charge les pertes d'exploitation. Il y va, ici, de la responsabilité des compagnies d'assurances. Malgré plusieurs relances, j'ai attendu six semaines l'appel de la présidente de la FFA, qui m'a indiqué que les assureurs apportaient beaucoup d'argent au fonds de solidarité. Je lui ai répondu qu'ils auraient dû avoir pour priorité de s'adresser, non au Gouvernement, mais à leurs clients. S'ils avaient fait cette démarche, cela ne leur aurait sans doute pas coûté plus cher que ce que l'État va leur demander et ce qu'ils devront débourser pour se racheter une conduite vis-à-vis de leurs clients.

Cela étant, de nombreuses compagnies d'assurances ont proposé spontanément à leurs clients de les exonérer de certaines primes, tout en maintenant le bénéfice des garanties : cela a été le cas, par exemple, pour les flottes de véhicules. Par ailleurs, on s'est aperçu que des contrats couvraient le champ épidémique, ce qui explique que certaines compagnies soient revenues vers leurs clients pour leur proposer un dédommagement forfaitaire – en cas de recours, elles auraient dû couvrir les pertes d'exploitation. Je regrette que certaines compagnies aient couvert ailleurs ces pertes pour les hôteliers restaurateurs, comme en Allemagne, mais qu'elles ne l'aient pas fait en France. Si elles revenaient sur leur décision, cela rassurerait beaucoup d'entreprises qui ne savent pas comment redémarrer : l'exploitation perdue ne sera en effet jamais récupérée.

Quant au dialogue social, il n'a jamais été aussi dense au sein des entreprises. Si nous n'avions pas dialogué quotidiennement avec nos salariés, pas un seul d'entre eux ne serait revenu travailler. Du fait de toutes ces difficultés, jamais le ménage n'a autant été fait, et la propreté des sanitaires sur les chantiers correspond enfin à ce qu'on est en droit d'attendre. Je souhaite que ce niveau d'hygiène soit maintenu, car les conditions de travail en sont grandement améliorées.

Certes, toutes ces mesures sont un peu pénibles mais une discipline individuelle et collective se met en place. Elles représentent toutefois un surcoût important, direct et indirect. J'ai fait le calcul pour mon entreprise : en tant que menuisiers charpentiers, mes salariés et moi sommes obligés d'utiliser des masques FFP2 à cause de la poussière. Pour chaque salarié, cet équipement coûte 10 euros hors taxe par jour, soit 2 000 euros par mois pour dix salariés travaillant vingt jours ouvrables. Sur les chantiers, le surcoût indirect généré par les gestes barrières varie de 7 à 20 %. En d'autres termes, si je n'arrive pas à m'entendre avec les clients, publics ou privés, concernant les contrats signés avant l'épidémie, mon entreprise est condamnée.

Cet exemple vous donne une idée des enjeux auxquels nous, entrepreneurs, sommes confrontés. Il faudrait concevoir un dispositif automatique pour apaiser les tensions entre maître d'ouvrage et entrepreneur, notamment dans le cadre de la commande publique, par exemple en établissant un partage des coûts des équipements de protection.

S'agissant du plan de relance, sa priorité doit être bien évidemment le soutien aux plus fragiles, c'est-à-dire les petites et très petites entreprises. Elles doivent être assurées que la poursuite d'activité ne les mènera pas au dépôt de bilan, qu'elles pourront remplir leur carnet de commandes. Malheureusement, on ne maîtrise pas le comportement des consommateurs, mais l'objectif est bien d'agir en matière de pouvoir d'achat et d'investissement pour orienter la consommation et l'épargne des Français vers les entreprises.

Il me semble que le moyen le plus efficace pour relancer l'économie est de remettre tout le monde au travail. J'ai été choqué que des pans entiers de notre pays s'arrêtent alors même que le télétravail aurait pu permettre une poursuite de l'activité. Dans certaines collectivités, tout s'est interrompu, notamment au sein des services d'urbanisme. Or, un permis de construire en attente de validation, c'est du travail en moins pour les entreprises qui en ont besoin.

Le service public doit continuer d'être au service du public. À cet égard, je tiens à saluer l'action remarquable des agents administratifs qui ont continué à notifier les marchés, à envoyer des ordres de service, évitant ainsi la mise en chômage partiel de salariés d'entreprises ; j'en ai d'ailleurs fait part à l'exécutif, car j'aurais aimé que ce soit une maladie contagieuse.

De la même manière, je regrette qu'on ait des difficultés à faire revenir les enseignant leurs établissements, même si ce qui leur est demandé est compliqué à mettre en œuvre, car cela a des répercussions économiques : de nombreux salariés doivent rester à leur à domicile pour garder leurs enfants.

Ce constat montre la nécessité d'une réflexion de fond, car nous avons réellement besoin d'un service public efficace.

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