Intervention de Geoffroy Roux de Bézieux

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF :

Je vois deux priorités pour la relance : la souveraineté et la transition écologique.

Le terme de souveraineté, revenu récemment en grâce, n'était pas si usité lorsque j'ai créé à mon arrivée au MEDEF en juillet 2018 le comité souveraineté et sécurité économiques des entreprises. Il s'agissait alors de prendre acte du fait que l'éclatement des chaînes de valeurs avait atteint un niveau critique, aux plans macroéconomique et microéconomique, ce qui a pu entraîner durant la crise des pénuries et une désorganisation de la production. Si la mondialisation a créé des richesses, bénéficiant notamment aux pays émergents, il faut toutefois revenir partiellement sur cette fragmentation.

Une telle réorganisation ne saurait être menée par une politique dirigiste. Elle nécessite une prise de conscience et une action au moyen d'incitations, de signaux par les prix et par la fiscalité. En tous les cas, la souveraineté n'est plus un gros mot au MEDEF.

Si l'industrie a été délocalisée, c'est d'ailleurs parce qu'elle a été trop lourdement taxée, en particulier par les impôts de production, qui sont beaucoup moins élevés en Allemagne, par exemple. Pour relocaliser, il faut donc aborder le sujet de la fiscalité locale, même si la baisse attendue de l'assiette fiscale des régions, des départements et des communes risque d'amputer leurs ressources.

Prenons le cas des masques : alors que l'on n'en fabriquait plus, près de 300 entreprises françaises se sont converties dans l'urgence et vendent aujourd'hui des pièces lavables en tissu à un prix qui leur permet de couvrir leurs coûts de production. Mais ne nous y trompons pas : dans six mois, lorsqu'il n'y aura plus de pénurie et que les marchandises circuleront de nouveau, le prix mondial des masques baissera et nos coûts de production seront toujours dix fois plus élevés que ceux des pays émergents.

Il convient donc de définir quelles sont les productions stratégiques, et de s'interroger sur le niveau de nos coûts de production, donc des impôts qui pèsent sur celle-ci. L'objectif n'est pas de faire concurrence aux pays à faible coût de main-d'œuvre mais d'encourager notre industrie grâce à une fiscalité idoine et à des signaux prix.

La deuxième priorité de la relance est l'accélération de la transition écologique, que nos concitoyens appellent de leurs vœux. À nouveau, pour s'engager dans des investissements coûteux, il faut envoyer le bon signal prix. Or, à 30 dollars le baril, le prix du pétrole est un mauvais signal : les investissements dans des énergies renouvelables ou la migration des systèmes énergétiques ne sont pas compétitifs. C'est une des données du problème, sans que l'on sache d'ailleurs si ce niveau sera pérenne.

S'agissant du dispositif d'exonération de charges, il faut l'améliorer pour les secteurs connexes, mais le vrai problème tient au fait qu'une partie de notre économie sera durablement dans le rouge à cause des mesures sanitaires. Si celles-ci sont maintenues telles quelles pendant vingt-quatre mois, je ne vois pas comment on s'en sortira. Et personne ici ne considère qu'être payé par l'État pour perdre de l'argent soit une solution.

En revanche, nous pouvons, en concertation avec les organisations syndicales et le ministre du travail, reprendre mesure par mesure les guides sanitaires élaborés dans l'urgence par nécessité afin de les optimiser, de les assouplir pour rendre leur application moins coûteuse tout en préservant un même niveau de sécurité sanitaire. Le benchmark européen que nous avons demandé pour chaque secteur devrait nous aider dans cette tâche.

Dans l'article publié à partir de l'entretien que j'ai donné au Financial Times la semaine dernière, le journaliste a retenu pour son titre l'idée de la fin du monopole de l'Île-de-France. J'ai émis, avec beaucoup de prudence, l'hypothèse que l'une des conséquences de la pandémie serait le ralentissement, voire le renversement de la métropolisation de l'économie.

À mon arrivée au MEDEF, partant du constat que 80 % des emplois créés ces dix dernières années l'avaient été dans neuf de nos vingt-deux métropoles, j'ai créé la commission croissance et territoires. Dans tout le monde occidental, les emplois se concentrent en effet dans les grandes métropoles internationales et universitaires. Si cette polarisation peut fonctionner à Singapour, elle n'est pas acceptable socialement et démocratiquement dans un État qui compte 67 millions d'habitants et 36 000 communes. Certaines observations laissent penser que cette tendance pourrait s'inverser, même s'il faut lire ces signes avec précaution. Une partie de ma famille étant originaire de Châtellerault, je sais combien il est difficile de créer de l'emploi qualifié dans des villes moyennes qui n'ont pas d'atout particulier à faire valoir.

Il me paraît nécessaire d'ouvrir une réflexion sur les moyens d'encourager ce mouvement, et la pandémie a montré que l'État centralisateur était moins agile à prendre des initiatives que les acteurs de terrain, entreprises ou élus locaux.

Concernant l'organisation du travail, des effets positifs ont été observés, mais le télétravail a aussi laissé de côté certains salariés, dont le rôle dans l'entreprise a été minoré. Et si la période a vu le dialogue social s'intensifier, il est trop tôt pour savoir si celui-ci en sortira durablement apaisé.

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