Intervention de Geoffroy Roux de Bézieux

Réunion du mercredi 20 mai 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Geoffroy Roux de Bézieux, président du MEDEF :

La TVA à 5,5 % dans le secteur des hôtels, cafés et restaurants est probablement une bonne solution, mais Bercy semble opposé à toute mesure sur la TVA.

Le dispositif sur lequel nous avons travaillé avec l'UIMM s'adresserait plutôt aux grandes entreprises industrielles. Il s'agit d'une alternative au chômage partiel. Une entreprise exposée à une baisse de la demande pendant douze mois pourrait diminuer le temps de travail en contrepartie du maintien de l'emploi et des compétences. L'État compenserait la baisse des rémunérations.

Il peut y avoir des relocalisations stratégiques : l'État pourrait décider par exemple qu'il faut des producteurs de masques français, en garantissant des achats annuels. Mais c'est plutôt le modèle minoritaire. Il est très difficile de résumer en une minute les raisons qui expliquent les délocalisations et le fait que la France ait moins bien conservé son industrie que l'Italie ou l'Allemagne. Certes, le coût du travail joue, mais de moins en moins car son poids dans la valeur ajoutée industrielle a baissé en raison de la robotisation. Ce sont bien les impôts payés sur le chiffre d'affaires qui ont fait la différence.

Laurent Berger propose un Grenelle du développement humain. Cette méthode, très française, qui consiste à réunir tout le monde a été employée à de nombreuses reprises sous le quinquennat de François Hollande, avec peu de succès. Lors de ces réunions nationales, les discours sont assez convenus, chacun campant sur ses positions. Si les problématiques sont communes entre un artisan adhérent à l'U2P, l'Oréal et une start-up du sentier, les modèles d'organisation et les dynamiques sont différents. C'est au niveau des branches, même si on doit revoir leur périmètre, que l'on doit pouvoir imaginer des solutions. C'est d'ailleurs ce qui vient de se passer, les solutions à la reprise du travail ayant été trouvées au niveau des branches et dans les entreprises.

Il est faux de dire que l'on n'a pas tiré les leçons de la crise financière de 2008. Cette crise, comme celle de 1929, résultait d'un excès de spéculation dans les banques américaines. On constate aujourd'hui que le système financier a continué de financer l'économie. Les régulations et les systèmes d'alerte ont fonctionné ; les marchés financiers et les systèmes bancaires ont tenu et les entreprises continuent de se financer sans difficulté.

S'il y a eu quelques tensions en matière d'approvisionnements au mois de mars, ce n'est plus le cas aujourd'hui.

Les entreprises rencontraient de grandes difficultés de recrutement dans beaucoup de métiers avant la crise, ce qui explique la baisse du taux de chômage, qui était de 7,8 % à la mi-mars, au plus bas historique depuis dix ans. Malheureusement, la disponibilité de main-d'œuvre ne constituera plus un problème, même si elle peut se ressentir exceptionnellement dans certains secteurs.

Le crédit interentreprises, surveillé comme le lait sur le feu par le comité de crise, a plutôt bien tenu, contrairement à ce qui s'est passé en 2009. Il y a eu des débordements, quelques grandes entreprises ayant envoyé des lettres circulaires tout à fait condamnables, et que nous avons condamnées. Nous avons fait passer le message : si les entreprises ont obtenu le PGE, ce n'est pas pour ne pas payer leurs fournisseurs.

L'attitude des quelques compagnies qui tiennent le marché de l'assurance crédit pose problème, puisqu'elles ont rapidement dégradé les notes, y compris celles de grandes entreprises. Nous avons fait une suggestion à Bruno Le Maire, qui l'a accueillie mais ne l'a pas encore concrétisée. Comme on sait déjà que les 300 milliards de garantie de l'État ne seront pas consommés, une partie pourrait servir à garantir les échanges, en obligeant les assureurs crédit à prendre leur part de risque, y compris à l'export où le dispositif instauré est insuffisant.

J'en viens à la revalorisation des « premiers de tranchée » et des métiers de service. Vous avez raison, une économie de services à bas coûts s'est développée. Le problème est que les marges sont très faibles dans ces secteurs : pour augmenter les salaires des agents de nettoyage ou de sécurité, il faudrait pouvoir augmenter le montant des prestations. Le sujet est plus large, car nous avons tous, producteurs et consommateurs, développé une économie low cost. Je ferai le lien avec ce qui s'est passé lorsque l'on a demandé aux grandes surfaces de vendre des fruits et légumes français : le prix des fraises a augmenté de 10 % car il est plus cher de produire et de ramasser une fraise en France. Nous sommes devant des choix de société : sommes-nous prêts à payer le prix pour permettre aux agriculteurs français de vivre décemment ? Les consommateurs auront-ils changé de comportement durablement ? Comment faire pour recréer de la valeur dans une économie qui ne peut pas être qu'à bas coûts ? En disant cela, je botte en touche, mais on ne peut pas imaginer une forte revalorisation de ces salaires dans la durée sans une revalorisation des prestations.

Dans ces métiers, pour lesquels on recrute sans diplôme, l'ascenseur social et la promotion interne qui existaient dans les années quatre-vingt fonctionnent moins bien. Avec l'aide de la grande distribution et de quelques fédérations qui recrutent beaucoup de non diplômés, nous avons lancé au mois de février un baromètre de l'ascenseur social qui permet de voir, à partir de cohortes de recrutement, si ces métiers donnent lieu ou non à de la promotion interne. On sait par exemple qu'un pourcentage significatif de directeurs d'hypermarchés ont commencé en tant que chefs de rayon. Les parcours professionnels peuvent-ils être mieux valorisés, accélérés, de façon que des perspectives de carrière compensent les faibles salaires au départ ? Ce sont des choses sur lesquelles il sera difficile d'agir rapidement, mais nous devrons nous inspirer des enseignements de la pandémie.

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