S'il est une commission permanente dont les compétences se situent au cœur de la crise sanitaire, c'est bien la commission des affaires sociales, en charge notamment de la santé, de l'hébergement des personnes âgées, du travail, de l'emploi et des comptes sociaux.
Fort logiquement, la mission d'information a souhaité se saisir d'emblée de la plupart de ces thèmes et, conformément à la répartition des tâches convenue avec les commissions permanentes, elle a d'abord travaillé seule sur ces sujets. Notre commission n'a toutefois pas tardé à reprendre ses activités, consacrant sa première réunion aux témoignages des collègues médecins, infirmiers, aides-soignants, pharmaciens ou biologistes ayant « repris la blouse ». Son bureau a mis sur pied un dispositif de suivi de la crise sanitaire autour de six thématiques : sécurité sociale ; santé ; secteur médico-social ; handicap et famille ; solidarités ; travail et emploi.
Chacune d'elle a été confiée à deux référents – l'un de la majorité, l'autre de l'opposition – auxquels ont été assignées trois missions.
La première a consisté à analyser les ordonnances prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020. L'importance de la délégation consentie au pouvoir exécutif, si justifiée et indispensable qu'elle ait été, exigeait que notre commission examine de près ces dispositions de nature législative.
Pour la deuxième, il s'agissait de procéder à un tour d'horizon de la thématique au moyen d'auditions et de questionnaires. Il m'est malheureusement impossible de rendre compte dans le temps qui m'est imparti de la richesse des soixante-dix-neuf auditions complétées par plus de soixante contributions écrites.
Il y a quelque chose de frustrant à devoir évoquer si rapidement chacune des thématiques mais je m'en voudrais de ne pas les mentionner toutes, d'autant que les choix de nos référents se sont révélés pertinents alors même que la crise venait juste de commencer.
Annie Vidal et Marine Brenier, après avoir cerné les incidences de la crise sur les recettes, les dépenses et l'équilibre général de la sécurité sociale, se sont efforcées de mesurer l'impact des mesures gouvernementales destinées à soutenir les entreprises, à assurer le financement des prestations et à accompagner les besoins dans les secteurs de la maladie et du médico-social. Elles doutent fortement de l'opportunité d'une loi de financement rectificative. Les prévisions de recettes et de dépenses risquent en effet d'être très aléatoires et rapidement obsolètes, d'autant qu'il est peu probable que de meilleurs éléments de prévision soient disponibles d'ici à l'été. Enfin, elles ont posé les enjeux attachés à la prise en charge de la dette liée l'épidémie, par la seule sécurité sociale ou bien par l'État, débat que le Parlement sera prochainement appelé à trancher.
Audrey Dufeu Schubert et Gisèle Biémouret ont axé leurs travaux autour d'une question capitale : l'accès aux soins des patients atteints d'autres pathologies que le covid-19. Elles ont mis en évidence l'effondrement des consultations en ville et la baisse d'activité des établissements de santé, à la suite de l'annulation des soins programmés. Ces phénomènes trouvent leur explication dans le recentrage sur les soins urgents, la pénurie d'équipements de protection individuelle, l'absence de coopération entre la ville et l'hôpital et l'indisponibilité de certains professionnels de santé. En conséquence, le renoncement aux soins ne fait pas de doute et, malgré les mesures prises par les acteurs de la santé, des pertes de chances entraînées par les retards de diagnostic et de prise en charge sont fortement à craindre.
Monique Iborra et Caroline Fiat ont eu une tâche cruciale, puisque le secteur médico-social qui leur était dévolu incluait les EHPAD, douloureux enjeu dont la mission d'information a très tôt souhaité que nous saisissions, consciente qu'elle était de son caractère très sensible. Avec votre accord, monsieur le président, nous avons donc décidé que les membres du bureau et les référentes procéderaient à une importante série d'auditions publiques. Remarquablement éclairantes, elles ont permis d'entendre l'ensemble des acteurs – Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), départements, personnels, médecins coordonnateurs, directeurs d'EHPAD, fédérations d'établissements et agences régionales de santé (ARS). Les référentes estiment que les défauts d'approvisionnement ont généré, dans un premier temps, une pénurie de ressources, matérielles et humaines, dans les établissements médico-sociaux et que l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie à domicile s'est avéré nettement insuffisant. Elles mettent également en valeur les réponses institutionnelles et les expériences organisationnelles novatrices mises en place pour protéger les personnes âgées.
Agnès Firmin Le Bodo et Jeanine Dubié se sont penchées sur la situation des familles et des personnes handicapées et ont tracé des perspectives en matière d'accompagnement pendant la phase de sortie du confinement. Elles ont fait apparaître les difficultés spécifiques rencontrées par les familles en période de confinement : gardes des enfants, augmentation des violences intrafamiliales, organisation de la garde alternée ou des services funéraires. Les mesures se sont orientées vers la facilitation des modes de garde et l'amélioration de l'information des familles ainsi que vers un soutien monétaire et un plan d'aide alimentaire. L'épidémie a par ailleurs entraîné une dégradation de la situation des personnes handicapées et de leurs aidants que les aides financières et la mobilisation du monde associatif et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont tenté d'atténuer.
Michèle de Vaucouleurs et Pierre Dharréville ont constaté une exacerbation de la pauvreté et de la précarité consécutive au confinement. Ils ont étudié la réponse de court terme apportée par le Gouvernement comme par les associations mais aussi réfléchi à la manière de compenser les surcoûts liés à la crise et de mieux accompagner la sortie de crise. Ils se sont concentrés sur les difficultés rencontrées par l'aide sociale à l'enfance, sujet qui m'est cher. Celles-ci ne manquent pas, comme chacun a pu le constater sur son territoire : accès insuffisant aux outils numériques dans les établissements, problèmes liés aux interventions à domicile et aux droits de visite, situation des mineurs non accompagnés.
Enfin, Fadila Khattabi et Stéphane Viry ont montré comment l'activité partielle conjuguée à la mobilisation sans relâche des opérateurs ont contribué à sauver l'emploi « quoi qu'il en coûte ». Ils ont constaté que si les modalités du dialogue social ou de la négociation collective avaient été assouplies pour plus de réactivité, la dynamique était très semblable à celle observée avant la crise. Ils ont tout spécialement regretté que la médecine du travail n'ait pas semblé remplir sa mission et ont insisté sur la nécessité de sauver la formation professionnelle et l'apprentissage.
Troisième et dernière mission confiée à nos six équipes de référents : faire remonter les informations du terrain, y compris par l'intermédiaire de leurs collègues. Là aussi, chacun a joué le jeu et les contributions locales ont utilement nourri les travaux. Pour les EHPAD, bon nombre d'entre nous ont régulièrement procédé à un reporting directement auprès des établissements de leur circonscription.
En très peu de temps, la commission, grâce au travail des référents et à la mobilisation de ses membres, que je tiens à remercier, a non seulement pu poursuivre son activité mais aussi l'adapter aux contraintes et aux enjeux de la crise sanitaire. L'ensemble de ces restitutions est d'ores et déjà en ligne sur le site de l'Assemblée. Je me réjouis qu'elles puissent également contribuer aux travaux de notre mission d'information.