Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Réunion du mardi 26 mai 2020 à 17h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • confinement
  • épidémie
Répartition par groupes du travail de cette réunion de commission

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-sept heures quarante.

Présidence de M. Richard Ferrand, président de la mission d'information

La mission d'information procède à la restitution, par les co-rapporteurs des travaux des commissions permanentes sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19

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Mes chers collègues, nous allons entendre aujourd'hui les huit co-rapporteurs faire le point sur les travaux que les commissions permanentes qu'ils président ont menés.

Dans un premier temps, notre mission d'information a effectué un contrôle de l'état d'urgence sanitaire, notamment à travers le suivi hebdomadaire des mesures réglementaires restreignant les libertés publiques prises pour freiner la propagation de l'épidémie, parmi lesquelles les arrêtés préfectoraux qui ont adapté et souvent, localement, renforcé les mesures nationales.

Elle s'est ensuite intéressée directement à la gestion de la crise en métropole et outre-mer, aux réponses du système de soins ainsi qu'à la stratégie et aux modalités du déconfinement.

Les commissions permanentes ont, quant à elles, assuré le suivi de la crise et des mesures destinées à y faire face, en particulier les ordonnances prises en application des habilitations votées dans le cadre des différents projets de loi d'urgence. C'est grâce à ce travail de fond, mené en temps réel, qu'ont pu être abordées les multiples conséquences sociales, économiques, financières, environnementales sans oublier les enjeux en matière de sécurité, de libertés individuelles, d'organisation de notre dispositif de crise et de coopération internationale et européenne.

Si nous pouvons nous féliciter de certains signes rassurants de ralentissement de l'épidémie, à la suite du confinement, nous devons constater que la crise est loin d'être terminée. Des conséquences de toute nature vont se faire sentir pendant de longs mois et rendront nécessaires des mesures fortes, à l'instar de celles déjà mises en place pour venir en soutien à l'activité économique. S'ouvre la période des bilans et des projets de réforme. Après la gestion quotidienne de l'urgence vient le temps des recommandations afin de nous permettre de faire face, mieux et plus vite, à une future catastrophe sanitaire. Il convient de tirer les enseignements des réponses apportées par les pouvoirs publics en France. C'est la deuxième phase de nos travaux que nous aborderons dans les semaines à venir après la présentation du rapport d'étape de la mission.

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S'il est une commission permanente dont les compétences se situent au cœur de la crise sanitaire, c'est bien la commission des affaires sociales, en charge notamment de la santé, de l'hébergement des personnes âgées, du travail, de l'emploi et des comptes sociaux.

Fort logiquement, la mission d'information a souhaité se saisir d'emblée de la plupart de ces thèmes et, conformément à la répartition des tâches convenue avec les commissions permanentes, elle a d'abord travaillé seule sur ces sujets. Notre commission n'a toutefois pas tardé à reprendre ses activités, consacrant sa première réunion aux témoignages des collègues médecins, infirmiers, aides-soignants, pharmaciens ou biologistes ayant « repris la blouse ». Son bureau a mis sur pied un dispositif de suivi de la crise sanitaire autour de six thématiques : sécurité sociale ; santé ; secteur médico-social ; handicap et famille ; solidarités ; travail et emploi.

Chacune d'elle a été confiée à deux référents – l'un de la majorité, l'autre de l'opposition – auxquels ont été assignées trois missions.

La première a consisté à analyser les ordonnances prises sur le fondement de la loi du 23 mars 2020. L'importance de la délégation consentie au pouvoir exécutif, si justifiée et indispensable qu'elle ait été, exigeait que notre commission examine de près ces dispositions de nature législative.

Pour la deuxième, il s'agissait de procéder à un tour d'horizon de la thématique au moyen d'auditions et de questionnaires. Il m'est malheureusement impossible de rendre compte dans le temps qui m'est imparti de la richesse des soixante-dix-neuf auditions complétées par plus de soixante contributions écrites.

Il y a quelque chose de frustrant à devoir évoquer si rapidement chacune des thématiques mais je m'en voudrais de ne pas les mentionner toutes, d'autant que les choix de nos référents se sont révélés pertinents alors même que la crise venait juste de commencer.

Annie Vidal et Marine Brenier, après avoir cerné les incidences de la crise sur les recettes, les dépenses et l'équilibre général de la sécurité sociale, se sont efforcées de mesurer l'impact des mesures gouvernementales destinées à soutenir les entreprises, à assurer le financement des prestations et à accompagner les besoins dans les secteurs de la maladie et du médico-social. Elles doutent fortement de l'opportunité d'une loi de financement rectificative. Les prévisions de recettes et de dépenses risquent en effet d'être très aléatoires et rapidement obsolètes, d'autant qu'il est peu probable que de meilleurs éléments de prévision soient disponibles d'ici à l'été. Enfin, elles ont posé les enjeux attachés à la prise en charge de la dette liée l'épidémie, par la seule sécurité sociale ou bien par l'État, débat que le Parlement sera prochainement appelé à trancher.

Audrey Dufeu Schubert et Gisèle Biémouret ont axé leurs travaux autour d'une question capitale : l'accès aux soins des patients atteints d'autres pathologies que le covid-19. Elles ont mis en évidence l'effondrement des consultations en ville et la baisse d'activité des établissements de santé, à la suite de l'annulation des soins programmés. Ces phénomènes trouvent leur explication dans le recentrage sur les soins urgents, la pénurie d'équipements de protection individuelle, l'absence de coopération entre la ville et l'hôpital et l'indisponibilité de certains professionnels de santé. En conséquence, le renoncement aux soins ne fait pas de doute et, malgré les mesures prises par les acteurs de la santé, des pertes de chances entraînées par les retards de diagnostic et de prise en charge sont fortement à craindre.

Monique Iborra et Caroline Fiat ont eu une tâche cruciale, puisque le secteur médico-social qui leur était dévolu incluait les EHPAD, douloureux enjeu dont la mission d'information a très tôt souhaité que nous saisissions, consciente qu'elle était de son caractère très sensible. Avec votre accord, monsieur le président, nous avons donc décidé que les membres du bureau et les référentes procéderaient à une importante série d'auditions publiques. Remarquablement éclairantes, elles ont permis d'entendre l'ensemble des acteurs – Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), départements, personnels, médecins coordonnateurs, directeurs d'EHPAD, fédérations d'établissements et agences régionales de santé (ARS). Les référentes estiment que les défauts d'approvisionnement ont généré, dans un premier temps, une pénurie de ressources, matérielles et humaines, dans les établissements médico-sociaux et que l'accompagnement des personnes en perte d'autonomie à domicile s'est avéré nettement insuffisant. Elles mettent également en valeur les réponses institutionnelles et les expériences organisationnelles novatrices mises en place pour protéger les personnes âgées.

Agnès Firmin Le Bodo et Jeanine Dubié se sont penchées sur la situation des familles et des personnes handicapées et ont tracé des perspectives en matière d'accompagnement pendant la phase de sortie du confinement. Elles ont fait apparaître les difficultés spécifiques rencontrées par les familles en période de confinement : gardes des enfants, augmentation des violences intrafamiliales, organisation de la garde alternée ou des services funéraires. Les mesures se sont orientées vers la facilitation des modes de garde et l'amélioration de l'information des familles ainsi que vers un soutien monétaire et un plan d'aide alimentaire. L'épidémie a par ailleurs entraîné une dégradation de la situation des personnes handicapées et de leurs aidants que les aides financières et la mobilisation du monde associatif et des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ont tenté d'atténuer.

Michèle de Vaucouleurs et Pierre Dharréville ont constaté une exacerbation de la pauvreté et de la précarité consécutive au confinement. Ils ont étudié la réponse de court terme apportée par le Gouvernement comme par les associations mais aussi réfléchi à la manière de compenser les surcoûts liés à la crise et de mieux accompagner la sortie de crise. Ils se sont concentrés sur les difficultés rencontrées par l'aide sociale à l'enfance, sujet qui m'est cher. Celles-ci ne manquent pas, comme chacun a pu le constater sur son territoire : accès insuffisant aux outils numériques dans les établissements, problèmes liés aux interventions à domicile et aux droits de visite, situation des mineurs non accompagnés.

Enfin, Fadila Khattabi et Stéphane Viry ont montré comment l'activité partielle conjuguée à la mobilisation sans relâche des opérateurs ont contribué à sauver l'emploi « quoi qu'il en coûte ». Ils ont constaté que si les modalités du dialogue social ou de la négociation collective avaient été assouplies pour plus de réactivité, la dynamique était très semblable à celle observée avant la crise. Ils ont tout spécialement regretté que la médecine du travail n'ait pas semblé remplir sa mission et ont insisté sur la nécessité de sauver la formation professionnelle et l'apprentissage.

Troisième et dernière mission confiée à nos six équipes de référents : faire remonter les informations du terrain, y compris par l'intermédiaire de leurs collègues. Là aussi, chacun a joué le jeu et les contributions locales ont utilement nourri les travaux. Pour les EHPAD, bon nombre d'entre nous ont régulièrement procédé à un reporting directement auprès des établissements de leur circonscription.

En très peu de temps, la commission, grâce au travail des référents et à la mobilisation de ses membres, que je tiens à remercier, a non seulement pu poursuivre son activité mais aussi l'adapter aux contraintes et aux enjeux de la crise sanitaire. L'ensemble de ces restitutions est d'ores et déjà en ligne sur le site de l'Assemblée. Je me réjouis qu'elles puissent également contribuer aux travaux de notre mission d'information.

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C'est à la commission des lois qu'ont été renvoyés les trois textes relatifs à l'état d'urgence sanitaire adoptés pendant le confinement : les deux lois dites « d'urgence » du 23 et du 30 mars 2020 et la loi du 11 mai prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Notre commission a donc d'emblée été invitée à mesurer les conséquences de la pandémie, à appréhender les mesures qui devraient être prises pour y faire face et à expérimenter des méthodes de travail adaptées au contexte épidémiologique.

En confiant aux huit présidents de commission la fonction de co-rapporteur, la mission d'information a souhaité assurer une articulation cohérente de ses travaux avec ceux des autres organes de l'Assemblée nationale. Cela répondait à une nécessité car il n'était pas non plus concevable que les commissions baissent la garde : leurs travaux répondent aussi à des exigences démocratiques.

Les contours de l'intervention de la commission des lois ont été définis par son bureau, réuni le jeudi 2 avril. Notre travail s'est déployé, en visioconférence, tout au long du mois d'avril et dans la première partie du mois de mai autour de cinq séquences thématiques qui n'ont été interrompues que pour mener à bien des activités législatives. Alimentées par l'audition d'une trentaine de personnalités, elles ont porté successivement sur l'utilisation des innovations numériques pour lutter contre l'épidémie, les risques en milieu carcéral, les enjeux de la sécurité, le rôle des collectivités territoriales et le fonctionnement de la justice. Chacune a donné lieu à une synthèse restituée aux membres de la commission des lois et à la mission d'information.

Je vais revenir, de façon nécessairement synthétique, sur leurs conclusions qui ont fait apparaître – c'est le propre du contrôle – des points positifs, et d'autres qui l'étaient moins. Mais je voudrais dire que cette présentation n'épuise pas le champ du travail accompli puisque, conformément aux décisions du 2 avril, a également été mis en place un dispositif de suivi des vingt ordonnances prises en application de la loi du 23 mars 2020 qui touchent aux compétences de la commission des lois et un recensement des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC) dont le régime a été modifié par la loi organique du même jour. Y correspondent deux fascicules annexés à la synthèse écrite.

Quand nous nous sommes penchés sur l'utilisation des innovations numériques pour lutter contre l'épidémie, nous avons longuement débattu de l'opportunité de développer l'application StopCovid, pour le tracing des personnes ayant été en contact avec une personne contaminée. La problématique centrale est celle du respect des libertés individuelles au regard des impératifs sanitaires. La présidente de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) a présenté le cadre européen et national, un épidémiologiste est intervenu sur l'opportunité de remonter les chaînes de contamination, dans le cas d'une épidémie. Nous avons été convaincus qu'on ne pouvait plus se battre contre la propagation des virus dans les populations humaines comme on le faisait jadis. Explorer cette voie est donc un point positif.

Le secrétaire d'État chargé du numérique, après avoir exprimé ses doutes et ses interrogations, nous a présenté le cadre protecteur auquel il entendait soumettre l'utilisation de ces technologies. L'enjeu n'est pas négligeable, ni sur le plan sanitaire, ni sur le plan des libertés. C'est la raison pour laquelle nous nous réjouissons de prendre toute notre part au débat suivi d'un vote qui aura lieu demain en séance publique.

Engagée depuis le début de la législature sur la question de la détention, la commission des lois a fait le choix de lui consacrer deux séquences de travail de huit heures au total. Le milieu carcéral, appelé par vocation à réunir un grand nombre de personnes dans des conditions de proximité et de promiscuité, a été d'emblée identifié comme un environnement à risque épidémiologique, d'autant que l'accompagnement médical des détenus n'est pas dimensionné pour la prise en charge d'une épidémie.

Le directeur de l'administration pénitentiaire a dressé un tableau général de l'action des pouvoirs publics. Nous avons également auditionné le directeur de la maison d'arrêt de Fresnes afin d'avoir un éclairage plus proche du terrain. L'action résolue des magistrats, procureurs et juges d'application des peines a permis l'abaissement du taux d'occupation de l'ensemble des établissements pénitentiaires, ce qui a évidemment joué un rôle important dans la maîtrise de la situation sanitaire en leur sein. Au total, il y a eu 13 500 personnes écrouées en moins. Bien évidemment, les autorités ont exercé la plus grande vigilance lors de l'examen de chaque dossier.

La commission des lois souhaite que soit garanti de façon pérenne ce taux d'occupation inférieur à 100 % des établissements pénitentiaires, seul à même de permettre à l'administration pénitentiaire d'assurer l'ensemble de ses missions.

Par ailleurs, au cours de cette séquence, a été abordée avec circonspection la décision prise par ordonnance d'autoriser la prolongation sans débat des détentions provisoires. Nos travaux ont pesé sur le libellé de l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 et depuis cette même date ces prolongations requièrent de nouveau une décision de la juridiction compétente après débat contradictoire, je m'en réjouis. La Cour de cassation vient de rendre aujourd'hui deux arrêts qui rappellent l'importance de l'intervention du juge judiciaire dès lors qu'il est question de privation de liberté. Le Conseil constitutionnel aura également à se prononcer sur les QPC qui lui ont été transmises.

Sur les enjeux de la sécurité, disons-le, le confinement a été globalement bien respecté. La police et la gendarmerie se sont mobilisées de façon exceptionnelle pour faire respecter le confinement, et avec discernement ont géré plus de 20 millions de contrôles, qui ont donné lieu à 1,1 million de contraventions.

Une réserve néanmoins, évoquée au fil des auditions : les violences intrafamiliales, dont la recrudescence n'a pu manquer de nous interpeller. Les acteurs concernés sont restés mobilisés pour faire face à cette forme de délinquance inadmissible et, dans sa circulaire du 5 mai 2020 consacrée à la reprise des activités juridictionnelles, la ministre de la justice, entendue bien sûr par la commission, a fait opportunément figurer ces violences parmi les affaires prioritaires.

Par ailleurs, les intervenants ont souligné l'importance de la coopération entre tous les acteurs de la sécurité. Les représentants des polices municipales et de la sécurité privée auraient souhaité être davantage associés à la mise en œuvre du confinement. La commission des lois est très attachée au continuum de sécurité, qui fait l'objet du livre blanc de la sécurité intérieure en cours de finalisation. Il conviendra de veiller davantage encore à l'articulation des actions mises en œuvre par tous ceux qui œuvrent dans le domaine de la sécurité et de la sûreté.

Avec l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité, avec l'Assemblée des départements de France, avec Régions de France, nous avons évoqué la situation des collectivités locales et leur implication dans la gestion de la crise sanitaire. Je soulignerai seulement que dans une telle période, il est plus que jamais nécessaire que les collectivités territoriales et l'État articulent leurs actions avec le plus de cohésion et de cohérence possibles. Rappelons qu'au début de l'état d'urgence sanitaire, des points de friction ont été identifiés : absence de concertation préalable ; initiatives de certains maires dans l'exercice de leurs pouvoirs de police en contradiction avec les instructions données au niveau national ; « guerre des masques », etc.

Enfin, la situation de la justice devait être évaluée, toute la justice, car là aussi nous pourrions parler de continuum ! En avril 2020, le nombre de dossiers enregistrés par les huissiers de justice ne représentait que 10 % d'un mois normal ; 41 % des avocats individuels ont totalement arrêté leurs activités depuis le début du confinement et 80 % ont connu une baisse de leur chiffre d'affaires de plus de 50 % ; pour les notaires, le nombre d'actes établis a diminué de 80 %. Je remercie la présidente du Conseil national des barreaux, le président du Conseil supérieur du notariat et le président de la Chambre nationale des commissaires de justice pour leurs explications, comme je remercie le président du tribunal judiciaire de Paris et le procureur de la République qui nous ont aidés à apprécier le travail des magistrats.

La reprise de l'activité des juridictions doit aujourd'hui être favorisée. Alors que le confinement a conduit au report de nombreuses audiences pénales, le Gouvernement a fait adopter, dans le cadre du projet de loi, en cours d'examen, relatif à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, la possibilité pour le président du tribunal judiciaire de renvoyer une procédure engagée avant la publication de la loi et pour laquelle l'audience sur le fond n'est pas encore intervenue au ministère public afin que celui-ci apprécie à nouveau la suite à lui donner. C'est une bonne chose : il est opportun de faire confiance aux magistrats !

Il ressort cependant de nos travaux que des progrès considérables sont encore possibles en ce qui concerne l'équipement informatique. Les greffes, notamment, qui étaient confinés, ne disposaient pas suffisamment d'ordinateurs ultra-portables, et les applications informatiques de l'institution judiciaire ne sont pas toujours consultables à distance. C'est un vrai sujet de préoccupation car cela a provoqué une situation de tension. Les greffiers ont à résorber le stock des décisions rendues, tâche dont nous aurions pu faire l'économie s'il n'y avait pas eu un écart aussi important entre la situation des magistrats qui ont pu travailler à leur domicile et celle des fonctionnaires de justice qui n'ont pas été en mesure de télétravailler pour la plupart.

Tous ces sujets ont donc été abordés et au fil des auditions les membres de la commission n'ont pas manqué de rendre hommage, de façon unanime, à l'engagement de ceux qui se sont investis pour assurer la continuité de la vie de la nation. Je pense, en particulier, aux forces de l'ordre, aux personnels de l'administration pénitentiaire, aux acteurs de la justice.

Par cet hommage ainsi réitéré s'achève, pour la commission des lois, une restitution qui intervient au moment où s'organise la reprise progressive de l'activité parlementaire. Un retour à la normale qui est bien sûr lié, dans ses modalités, à une atténuation de la menace épidémiologique, et qui est donc, pour des raisons sanitaires et démocratiques, infiniment souhaitable.

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La commission des finances a fait partie des commissions permanentes qui, au cœur du confinement, ont eu à examiner des textes législatifs déposés et examinés dans des délais particulièrement brefs, afin d'apporter une réponse rapide à l'ampleur de la crise, d'abord sanitaire, puis économique.

Les deux projets de loi de finances rectificative (PLFR) ont chacun retracé une dégradation brutale des finances publiques, résultant de la combinaison d'une hausse des dépenses et d'une révision à la baisse des recettes. Les prévisions du premier PLFR étaient manifestement trop optimistes par rapport à la situation qui prévalait au moment de leur élaboration. Si le deuxième PLFR a été plus réaliste, il n'est pas exclu qu'une nouvelle révision ne se fonde sur des évaluations encore plus inquiétantes du déficit public ou du niveau de l'endettement public, qui devrait dépasser à la fin de l'année 115 % du PIB.

Ces collectifs ont permis de prendre des mesures d'urgence majeures : financement d'un dispositif de chômage partiel élargi, pour 24 milliards d'euros ; création d'un fonds de solidarité pour les très petites entreprises, pour 7 milliards d'euros ; instauration d'une garantie de l'État sur des prêts de trésorerie aux entreprises ; versement de 20 milliards d'euros afin de permettre à l'État d'intervenir au capital de sociétés dont la situation financière le nécessiterait.

Pour certaines mesures, le Gouvernement n'est pas passé par la voie législative. Citons les remboursements accélérés de créances fiscales, les reports d'impositions dues par les entreprises, pour 7 milliards d'euros, et les reports de charges sociales, pour 22 milliards d'euros, montants particulièrement élevés. Si ces mesures sont transitoires, on ne peut toutefois exclure qu'assez rapidement se posera la difficile question de leur mise en extinction, d'autant plus difficile à trancher si la reprise économique est lente ou faible. Les ministres ont d'ores et déjà annoncé des annulations portant sur les mesures relatives aux cotisations sociales mais pas aux impositions pour lesquelles un étalement sur plusieurs années a été retenu.

Plusieurs des apports proposés par les membres de la commission des finances ont été intégrés aux lois de finances rectificatives. Je pense à l'instauration d'un comité de suivi des dispositifs de soutien à l'économie, dont les documents, avons-nous précisé, devront être transmis aux commissions des finances des deux assemblées. Il s'agit là d'un instrument fondamental de suivi et de contrôle des dépenses engagées pour lutter contre la crise, dont la présidence a été confiée à Benoît Cœuré.

À côté de ce travail législatif, habituel mais accompli dans des conditions extraordinaires, la commission a décidé dès le 2 avril de conduire un programme d'auditions : principaux responsables politiques et administratifs en matière de finances publiques, afin de suivre la conjoncture, la mise en œuvre des mesures votées et la gestion de la crise par les administrations ; régulateurs et représentants du secteur financier – banques, assurances, Autorité des marchés financiers (AMF), Banque de France – afin d'évoquer leur action et d'apprécier la résistance de notre système financier, fondamentale dans le contexte actuel.

Les personnes auditionnées s'accordent pour dire que les conséquences économiques de la crise sanitaire ont été brutales et d'une ampleur considérable et que les solutions d'urgence mises en place, tant à l'échelle nationale qu'à l'échelle européenne, dès le mois de mars, ont joué un rôle fondamental d'amortisseur. Certaines de ces solutions ont dû être complétées ou corrigées, notamment à l'occasion de l'examen du deuxième collectif budgétaire, afin de mieux répondre à la réalité des enjeux.

Le secteur financier, marqué par une forte résilience, a pris des mesures efficaces pour contribuer au soutien de l'économie. À côté de la mise en œuvre du prêt garanti par l'État (PGE), pour lequel les demandes ont dépassé, à la mi-mai, les 100 milliards d'euros sur une enveloppe totale de 300 milliards, signe d'un rythme soutenu, les banques ont accepté d'appliquer un moratoire de six mois sur le remboursement des prêts en cours des entreprises en faisant la demande. Les données de la médiation du crédit présentées par le gouverneur de la Banque de France, M. François Villeroy de Galhau, attestent que les banques appliquent le moratoire sur les crédits en cours et distribuent largement le PGE, dans la majorité des cas au bénéfice des TPE et PME. Le niveau de l'épargne des ménages, a-t-il également souligné, a considérablement augmenté ; son utilisation reste une inconnue.

M. Frédéric Oudéa, président de la Fédération bancaire française (FBF), nous a indiqué que les banques pourront contribuer à la sortie de crise en élaborant de nouveaux produits de financement sous forme, non de prêts pour ne pas saturer les capacités d'endettement des entreprises, mais de renforcement des fonds propres, sous réserve qu'elles ne soient pas exposées à une transposition trop contraignante de l'accord dit de Bâle III qui renchérirait le coût des apports en capital.

La Fédération française de l'assurance (FFA) a souligné que le risque pandémique était un risque systémique qui ne saurait être couvert par les assureurs. Elle a défendu la thèse des compagnies d'assurance selon laquelle les pertes d'exploitation résultant des mesures de confinement ne pourraient être prises en charge, même dans le cadre d'une assurance contre les pertes d'exploitation. Les assureurs, de façon un peu dispersée, se sont toutefois engagés à abonder le fonds de solidarité en faveur des petites entreprises à hauteur de 400 millions d'euros, ainsi qu'à aménager certaines clauses des contrats d'assurance des entreprises et des particuliers pendant la période de confinement. A également été confirmé le fait que le secteur travaille avec le Gouvernement à l'élaboration d'un nouveau régime d'« assurance pandémie », qui pourrait être similaire à celui existant pour les catastrophes naturelles.

L'accroissement brutal du besoin de financement public résultant de la crise et des dépenses engagées en urgence pour y répondre, de l'ordre de 90 milliards d'euros, n'a pas empêché l'Agence France Trésor de garantir la continuité du financement de l'État. La durée de vie moyenne de la dette a été légèrement raccourcie et la part du financement de court terme de celle-ci accrue. Le directeur général de l'Agence France Trésor a souligné que cette augmentation du financement de court terme avait été rendue possible par la reconstitution de marges de manœuvre, après la précédente période de crise, les émissions de court terme ayant atteint, avant que ne débute la crise actuelle, leur plus bas niveau, avec 5 % de l'encours total. Les conditions de taux sont demeurées extrêmement favorables et devraient le rester. Toutefois, l'enjeu à moyen terme serait de maîtriser la trajectoire d'endettement et de la replacer sur une pente descendante, afin de conserver la confiance des investisseurs.

Il convient également d'évoquer brièvement les risques qui pèsent sur l'équilibre des finances locales. Gérald Darmanin et Olivier Dussopt ont signalé que, si les finances des collectivités sont moins dégradées que celles de l'État par la crise, les recettes des départements, des communes touristiques et des communes ultramarines sont cependant fragilisées par la conjoncture. En outre, il est possible qu'un effet retard conduise à une baisse sensible des recettes locales en 2021, notamment pour les impôts de production. La solidité des collectivités locales et leurs capacités d'investissement jouent bien évidemment un rôle majeur dans la reprise de l'activité.

Cette question des effets retard doit appeler notre attention sur l'évolution de la situation à relativement court terme aussi bien qu'à moyen terme. Les statisticiens de l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), de la Banque de France et de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) nous ont alertés sur la difficulté de l'exercice de prévision.

La question majeure qui se pose désormais est celle des conditions dans lesquelles peut s'opérer une reprise économique efficace et de la manière dont devra être mis en œuvre un plan de relance pour soutenir celle-ci, non seulement à l'échelle européenne, comme M. Bruno Le Maire a eu l'occasion de l'exposer devant nous, mais aussi à l'échelle nationale.

La commission des finances poursuit son travail d'évaluation et de contrôle de la crise économique que nous traversons, de deux manières : d'une part, les rapporteurs spéciaux ont réorienté leurs travaux dans le cadre du Printemps de l'évaluation pour étudier l'impact de la crise en termes de mobilisation des crédits budgétaires et de déploiement des politiques publiques ; d'autre part, nous poursuivons nos auditions.

Activité législative, travaux d'évaluation et de contrôle ont donc été menés de front par notre commission en cette période particulière où les déficits publics et la récession n‘ont jamais été aussi élevés et les menaces économiques et sociales aussi réelles. Notre activité ne faiblira pas au mois de juin, où nous aurons très probablement à nous pencher sur un troisième projet de loi de finances rectificative.

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La commission des affaires économiques, consciente qu'une crise économique d'ampleur exceptionnelle se profilait, s'est réunie dès le début du mois d'avril en poursuivant trois objectifs principaux : s'assurer du bon fonctionnement des dispositifs d'urgence ; suggérer des correctifs à partir des constats remontés du terrain ; commencer à préparer l'avenir en contribuant à la réflexion sur les plans d'urgence sectoriels et plus largement sur le plan de relance.

Son activité a reposé sur deux axes : d'une part, l'organisation d'auditions des acteurs essentiels de la gestion du volet économique de cette crise, qu'il s'agisse des ministres – Bruno Le Maire, Élisabeth Borne, Didier Guillaume, Julien Denormandie, Agnès Pannier-Runacher, Jean-Baptiste Lemoyne, Cédric O – ou d'acteurs économiques – La Poste, Banque publique d'investissement, France Industrie, partenaires sociaux ; d'autre part, un suivi sectoriel de la crise par six groupes de travail mis en place dès le 3 avril – agriculture, alimentation et pêche ; communications électroniques, postes et économie numérique ; énergie ; entreprises ; logement ; tourisme. Pour préserver une certaine souplesse, nous avons retenu un format resserré et veillé à ce que tous les groupes politiques soient représentés en conservant la faculté d'associer d'autres commissaires soucieux de s'investir. Ces groupes ont été chargés de centraliser les informations, les bonnes pratiques ainsi que les demandes et critiques transmises par les membres de la commission dans chacun des secteurs concernés pour les faire remonter à l'exécutif en vue d'aménager le cas échéant les dispositifs. Ils ont procédé à cent deux auditions, présenté quarante-six notes hebdomadaires, d'ores et déjà disponibles dans un rapport de synthèse, et émis soixante-trois recommandations

Une diminution du PIB de plus de 8 % est prévue pour l'année 2020. L'économie française a tourné à mi-régime au mois de mars et d'avril et il y a eu un fort recours aux dispositifs d'urgence. Le fonds de solidarité mis en place pour aider les petites entreprises a déjà attribué 2,4 millions d'aides pour un montant de 3,4 milliards d'euros. Quelque 100 milliards d'euros de prêts garantis par l'État ont été demandés par plus de 500 000 entreprises. Le chômage partiel concernait, à la mi-mai, 1 million d'entreprises et plus de 8 millions de salariés, à comparer aux 40 millions de salariés à l'échelle européenne. À partir du 17 mars, 93 % des chantiers de construction ont été interrompus. Les premières mesures visant à soutenir l'emploi et la trésorerie des entreprises ont donc bien rempli leur office même s'il a fallu procéder à des adaptations, notamment pour le tourisme et les seuils d'éligibilité du fonds de solidarité. Nous avons, comme la commission des finances, alerté l'exécutif sur l'insuffisante mobilisation des assurances en faveur des entreprises, qui ont eu l'impression d'être assurées contre la pluie mais seulement par beau temps.

Nous avons commencé à formuler des recommandations, dont voici les plus importantes.

Le groupe de travail « Entreprises » s'est prononcé sur le principe, énoncé assez tôt dans la crise par Bruno Le Maire, selon lequel à une baisse des revenus doit correspondre une baisse proportionnelle des charges pour les entreprises. Il propose d'effacer les charges fiscales et les cotisations sociales pour les entreprises les plus en difficulté et non pas uniquement pour les TPE ayant fait l'objet d'une fermeture administrative pendant le confinement. Il suggère de rendre les renégociations des marchés publics plus systématiques de manière que les entreprises de travaux publics puissent intégrer dans leurs tarifs l'augmentation des coûts engendrée par les mesures sanitaires. Une autre préconisation porte sur le plafonnement du taux d'intérêt du PGE à 0,5 %. À titre personnel, j'ajouterai qu'il serait souhaitable de ne plus conditionner l'accès au « deuxième étage » du fonds de solidarité au refus d'un prêt de trésorerie par les banques.

Autre recommandation, que je ne partage pas car j'ai des doutes sur son rapport coûts-bénéfices : faire passer le taux réduit de TVA sur l'hôtellerie et la restauration de 10 à 5,5 %.

Citons encore la mise en place d'un plan de soutien spécifique pour les filières agricoles les plus pénalisées par la crise, malheureusement nombreuses, ou l'instauration d'un mécanisme de péréquation destiné à faire contribuer davantage aux efforts de solidarité nationale certains secteurs moins affectés par la crise – « GAFAM » – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, grande distribution, grandes foncières et groupes pharmaceutiques.

Nombre de recommandations visent à préparer l'avenir et le bureau a décidé que les groupes continueraient à travailler au sein de la commission cet été pour aider le Gouvernement à préparer un plan de relance ambitieux, ce qui nous conduira sans doute à mettre de côté quelques missions d'information lancées avant la crise. Nous proposons d'accélérer la reprise du secteur de la rénovation énergétique, de réfléchir à un projet de relance de la construction, ciblé sur des publics phares, en particulier le logement social et le logement étudiant, de préparer l'avenir dans l'agriculture en veillant à l'installation des jeunes agriculteurs, et de soutenir la reprise rapide des déploiements fixe et mobile pour respecter les engagements pris dans le cadre du plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile.

Comme la future commission d'enquête aura probablement à revenir sur la gestion de la crise, les commissions permanentes pourront davantage se projeter vers l'avenir en contribuant au plan de relance économique qui devra être extrêmement bien calibré pour ne point trop inquiéter le président de la commission des finances sur l'évolution de la dette.

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Durant ces deux mois, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a souhaité écouter les acteurs de terrain et analyser la réponse des pouvoirs publics dans les secteurs relevant de sa compétence. Pour ce faire, elle a choisi une démarche collective associant l'ensemble des commissaires et organisé de nombreuses auditions, seule ou en lien avec la commission des affaires économiques et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Nous nous sommes concentrés sur la gestion de crise et l'analyse de ses conséquences immédiates, mais avons aussi souhaité comprendre comment on en était arrivé là. L'audition de chercheurs du CNRS et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) a confirmé les liens de causalité entre atteintes humaines aux écosystèmes – la déforestation, notamment –, zoonoses et épidémies. J'y insiste, car cela devra nous guider pour penser l'après-crise.

Notre commission s'est assurée, premièrement, que les services indispensables à la vie de la nation et entrant dans son champ de compétences continuaient d'être accessibles et qu'ils l'étaient de la même manière dans tout le territoire.

Nous avons entendu la ministre de la transition écologique et solidaire, Mme Élisabeth Borne, et de nombreux représentants d'élus locaux : Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), Association des maires ruraux de France (AMRF), Régions de France, Assemblée des départements de France (ADF), Assemblée des communautés de France (AdCF). Ces auditions nous ont montré que les services publics de l'assainissement, de la fourniture d'eau potable, de la collecte et du traitement des déchets ont globalement bien tenu, en particulier grâce aux élus locaux et aux agents du service public, qui doivent être salués. La fermeture, en période de confinement, de nombreux centres de tri et de déchetteries a, dans un premier temps, pénalisé le tri sélectif, mais la situation s'est largement améliorée.

Le secteur des transports a été particulièrement exposé à la crise, comme l'a confirmé le secrétaire d'État, M. Jean-Baptiste Djebbari. Dès la reprise de nos travaux, nous avons souhaité entendre des représentants du transport routier de marchandises. Il en ressort que les pouvoirs publics ont su prendre des mesures pour adapter les conditions d'activité et assurer le maintien de chaînes logistiques profondément bouleversées. Mais les plus petites entreprises ont évidemment souffert de la baisse de leur activité.

L'arrêt presque complet du transport aérien de voyageurs a causé des pertes importantes pour les compagnies aériennes. Nous avons décidé, en PLFR, d'un soutien public à Air France, assorti de contreparties environnementales : la division par deux des émissions par passager et par kilomètre en 2030 par rapport à 2005, la diminution par deux des émissions des vols métropolitains d'ici la fin de l'année 2024. Le Gouvernement a aussi annoncé qu'il faudrait renoncer aux trajets de moins de deux heures trente, lorsqu'une desserte ferroviaire existe. Notre commission veillera au respect de ces exigences. La crise sanitaire ne doit pas faire oublier l'urgence climatique : il ne faut pas baisser la garde.

L'audition du PDG de la SNCF, M. Jean-Pierre Farandou, a permis de mesurer l'impact économique subi par l'opérateur – ses pertes sont estimées à 2 milliards. Les mesures sanitaires en vigueur, qui limitent l'occupation des trains et le nombre de TGV en circulation, continuent de fragiliser la SNCF. Il faudra donc revoir sa trajectoire financière : la question d'un soutien de l'État est désormais posée. Nous devrons veiller au maintien des investissements dans les petites lignes, cruciales pour les transports du quotidien, et soutenir le fret ferroviaire, essentiel pour la transition écologique du transport de marchandises.

En matière d'aménagement du territoire, l'audition des représentants des élus locaux a montré que les territoires ne sont pas égaux face à la crise et la Fédération française des télécoms a reconnu que la crise avait aggravé la fracture numérique. Les avancées évidentes que représentent le développement du télétravail, les cours en ligne ou la télémédecine ne doivent pas faire oublier que de nombreux foyers ont encore des problèmes de connexion ou un débit trop faible. Parce que cette période a amplifié les inégalités d'accès au numérique, nous devons accélérer le déploiement de la 4G et de la fibre optique, d'autant plus que la situation sanitaire a freiné les chantiers.

Il faut saluer l'engagement des élus locaux qui ont dû faire face, durant le confinement, à une double nécessité : assurer la continuité des services publics et exercer des missions régaliennes comme la tenue des registres d'état civil ou la participation au contrôle du respect du confinement grâce à la police municipale. Les associations d'élus ont elles-mêmes pris des initiatives très utiles, en diffusant les bonnes pratiques et les initiatives locales efficaces pour lutter contre la crise.

L'appui des préfets a dans l'ensemble été apprécié par les maires, gestionnaires directs de la crise au quotidien, mais la résorption des inégalités entre territoires est un enjeu pressant. Sur le plan financier, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu ont confirmé que les années 2020 et 2021 s'annoncent difficiles pour les collectivités, puisque la crise a dégradé leurs recettes – versement mobilité, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) – et qu'elle va alourdir leurs dépenses. Cette question devra à l'évidence être traitée dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Notre commission a veillé, deuxièmement, à ce que les adaptations et les assouplissements apportés aux procédures environnementales demeurent strictement proportionnés. L'audition de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de la Direction générale de la prévention des risques a montré qu'un minimum de contrôle a pu avoir lieu dans les installations classées et les installations nucléaires qui représentaient le plus de risque.

S'agissant des activités nucléaires, le choix a été fait de mettre à l'arrêt et de placer dans un état sûr les installations dont le fonctionnement n'était pas indispensable à la production d'électricité : installations de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), opérations de démantèlement en cours, centres de stockage des déchets. Les contrôles de l'ASN se sont concentrés sur un nombre restreint d'installations, principalement les centres nucléaires de production d'électricité, et généralement à distance.

Nous avons été alertés sur les conditions de travail des sous-traitants. La sûreté des installations qui redémarrent est un enjeu important et nous veillerons à ce que les contrôles qui ont dû être repoussés aient lieu rapidement. Lors de son audition, l'ASN a évoqué une « reprogrammation substantielle des arrêts » à venir chez EDF, rendue indispensable par les reports et les retards cumulés des arrêts de tranche du fait de la crise sanitaire. Notre commission veillera à ce que ce programme assure à la fois la sécurité de l'alimentation électrique et la sûreté des installations.

Enfin, l'audition de l'Autorité environnementale nous a alertés sur les assouplissements, en période d'état d'urgence sanitaire, des règles de consultation et de participation du public pour les projets ayant une incidence sur l'environnement. Ne cédons pas à la facilité ! Il est certain que l'action publique doit être réactive en temps de crise, mais la démocratie environnementale n'est pas un luxe inutile : elle détermine l'acceptabilité des décisions publiques, qui est essentielle à la cohésion de notre société, en particulier en période de crise. Déroger à certaines procédures jugées chronophages n'est pas le meilleur choix sur le moyen et le long termes.

N'oublions pas que cette crise sanitaire est liée à la crise écologique. Notre commission a entendu M. Pascal Canfin, président de la commission chargée de l'environnement au Parlement européen : les institutions européennes ont, elles aussi, cette préoccupation à l'esprit. C'est donc sur les modalités d'une relance verte que notre commission va désormais axer ses travaux, pour contribuer à la réflexion commune sur notre modèle d'après-crise.

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Je suis heureux de rendre compte des travaux que la commission des affaires culturelles et de l'éducation a menés sur les effets de la crise sanitaire dans les secteurs relevant de sa compétence, à savoir l'enseignement scolaire, l'enseignement supérieur, la recherche, la culture, les médias et les industries culturelles, le sport et la vie associative.

Tous ces secteurs ont été violemment touchés par la crise sanitaire et par la mesure générale de confinement. Mais ils se sont aussi pleinement impliqués dans la lutte contre le covid-19 – je pense à la mobilisation exceptionnelle de la recherche française – et contre ses effets sur la société française – saluons les acteurs de l'éducation, de la culture, des médias ou du monde associatif. Au total, cent vingt auditions et tables rondes ont été réalisées en groupe de travail et en commission en un mois afin d'identifier, pour chacun de ces secteurs, l'impact et les conséquences de la crise sanitaire, les mesures pour y faire face et les difficultés persistantes et à venir. Je remercie tous les collègues qui y ont pris part, ainsi que les administrateurs qui, dans des conditions parfois délicates, ont assuré la continuité de notre mission. Je vous renvoie, sur les deux premiers points, à la synthèse mise en ligne sur la page de la commission.

Je salue la réactivité des acteurs et des opérateurs publics des différents secteurs, ainsi que l'efficacité des mesures de soutien générales et sectorielles extrêmement volontaristes décidées par l'État et les collectivités territoriales. Même s'ils n'ont pas réglé toutes les difficultés individuelles, ces dispositifs ont permis de répondre aux urgences et d'éviter de nombreux drames économiques et sociaux.

La crise sanitaire, ainsi que le confinement destiné à l'endiguer, ont créé des difficultés, mais aussi révélé des fragilités : ce sont autant de points sur lesquels nous devrons nous montrer vigilants.

S'agissant de l'enseignement scolaire – sur lequel M. Alexandre Freschi et Mme Béatrice Descamps ont particulièrement travaillé – la rentrée 2020 constitue un premier défi. Nous ne savons pas ce que sera la situation sanitaire au mois de septembre et nous risquons de rencontrer les mêmes difficultés qu'aujourd'hui, avec la reprise progressive et partielle des cours – dont je me réjouis.

Comment faire respecter les consignes sanitaires et les gestes barrières dans des locaux inadaptés, par des élèves trop petits ou des adolescents rétifs aux consignes, avec des personnels en nombre insuffisant et des transports scolaires en difficulté ? Comment garantir la santé des élèves et des enseignants, alors que la médecine scolaire et la médecine de prévention des personnels de l'éducation nationale sont structurellement insuffisantes ? Comment préparer les emplois du temps et les répartitions de services, alors que les candidats aux concours internes, pour la plupart contractuels de l'éducation nationale, passeront leurs oraux en septembre ou en octobre ?

Le deuxième défi est lui aussi de taille : malgré l'engagement et la créativité des équipes enseignantes, la continuité pédagogique n'a pas pu être assurée partout ni pour tous les élèves. Les décrocheurs, qui représentent 5 à 8 % d'entre eux, ne sont pas également présents dans tous les territoires, ni dans toutes les filières. Nous avons besoin de données statistiques précises et d'une cartographie nationale du décrochage pour envisager l'avenir de l'enseignement à distance, qui nécessitera également une formation adaptée des enseignants. Cette situation démontre en tout cas le caractère irremplaçable de l'enseignement « en présentiel », qui seul permet une interaction sensible entre l'enseignant et ses élèves, particulièrement les plus fragiles.

Le troisième défi, c'est l'introduction d'un numérique éducatif véritablement national, garant d'une égalité entre tous les élèves. La continuité pédagogique s'est heurtée aux insuffisances d'équipement informatique et de connexion des élèves mais aussi, pour de nombreuses familles, à une fracture numérique qui dépasse les seuls problèmes matériels. Quant aux enseignants, l'urgence de la crise les a souvent conduits, pour pallier les manques et les insuffisances des espaces numériques de travail (ENT) mis à leur disposition, à utiliser des modes de communication dérivés et des outils commerciaux mal sécurisés, essentiellement anglo-saxons, pour communiquer avec les élèves et leurs familles. Il me semble primordial que la structure sur laquelle s'appuiera la stratégie nationale du numérique éducatif soit pensée et organisée par la République : c'est une question de souveraineté.

Toutes ces remarques valent également pour l'enseignement supérieur – sur lequel ont travaillé M. Pierre Henriet et Mme Muriel Ressiguier.

L'impact de la crise sanitaire a été particulièrement violent pour les étudiants les plus fragiles et ses effets vont se prolonger, à la fois sur le plan économique – avec la quasi disparition des jobs d'été et des stages –, mais aussi sur la poursuite de leurs études – le décrochage existe également à l'université – ou leur insertion sur le marché du travail. J'appelle votre attention sur plusieurs points : la situation budgétaire du réseau des CROUS, qui a été très sollicité depuis la fermeture des établissements ; le maquis des aides et des dispositifs de soutien, dans lequel les étudiants peinent à se retrouver et à exercer leurs droits ; la situation particulière des étudiants ultramarins, enfin, qui souffrent d'un grand isolement et souvent de précarité.

S'agissant de la recherche – sur laquelle ont travaillé M. Philippe Berta et Mme Sandrine Josso – et dans la perspective de la loi de programmation pluriannuelle qui s'impose plus que jamais, deux enjeux primordiaux doivent retenir notre attention.

Il importe, premièrement, d'inscrire la recherche sur les virus dans le temps long pour mieux anticiper et être capable de réagir plus rapidement lors de la survenue d'une épidémie. Il est impératif de mettre en place des dispositifs de soutien aux laboratoires de recherche sanitaire et scientifique et de les faire travailler de manière coordonnée sous l'autorité de leurs tutelles. Notre pays doit consolider son pilotage stratégique de la lutte contre les maladies infectieuses, notamment virales, comme il a su le faire pour le sida.

Il convient, deuxièmement, de valoriser la recherche fondamentale et de conforter son articulation avec l'industrie pharmaceutique. Malgré une recherche de qualité exceptionnelle, la France ne participe pas à la production de médicaments antiviraux. C'est un enjeu économique, mais aussi de souveraineté, puisqu'il y va de notre accès aux médicaments et, plus largement, aux produits de santé.

La culture, à laquelle se sont intéressées Mmes Aurore Bergé et Constance Le Grip, est l'un des secteurs les plus touchés par la crise sanitaire, à côté des hôtels et des restaurants, puisque les musées et lieux de spectacle sont fermés depuis la mi-mars.

La situation des auteurs est particulièrement difficile car ils ne bénéficient pas, à la différence des intermittents du spectacle, d'une assurance chômage – dont le régime a été adapté à la situation de crise. Leurs ressources sont liées aux droits qu'ils perçoivent, et donc à la production de leurs œuvres. La piste d'un statut des artistes-auteurs, proposée par M. Bruno Racine dans le rapport qu'il a remis au ministre de la Culture, reste donc à creuser.

Les structures les plus menacées sont celles qui se financent principalement par des ressources propres – billetterie et mécénat –, à savoir les festivals, les théâtres, les grands musées et les monuments. L'ensemble du secteur culturel souffre de l'incertitude qui plane, tant sur la date que sur les conditions de la reprise de l'activité. Je salue, à cet égard, les annonces faites aujourd'hui par le ministre sur la réouverture des salles de spectacle.

Au-delà des mesures de soutien à la trésorerie et des dispositifs de relance, cette crise pourrait être l'occasion de clarifier la politique publique de soutien au spectacle vivant. Le modèle économique des grands musées et expositions, qui s'appuie sur l'affluence du public, en grande partie étranger, pourrait également être repensé dans une perspective de long terme.

Sur les médias et les industries culturelles, Mmes Florence Provendier et Elsa Faucillon ont mené un grand nombre d'auditions, qui ont mis au jour la situation paradoxale de ce secteur. Si ses pertes économiques sont très importantes, c'est aussi un secteur vers lequel les Français se sont massivement tournés dès le début du confinement, mais en modifiant leurs modes de consommation. Le Président de la République a d'ailleurs souligné le risque de voir arriver des prédateurs, susceptibles de mettre à mal notre exception culturelle – notamment les plateformes américaines. Comme pour les acteurs de la culture, la principale difficulté du secteur réside dans l'incertitude de la date de reprise des activités de production et d'exploitation.

Nous devrons être vigilants sur plusieurs points. La santé de l'ensemble de la filière audiovisuelle et cinématographique, du fait des mécanismes de contribution financière des diffuseurs, est suspendue au retour des annonceurs publicitaires, pour le moment très attentistes. La situation financière du Centre national de la musique, nouvellement créé et très sollicité depuis le début de la crise, devra faire l'objet d'une attention particulière. La situation des librairies, structurellement fragilisées par le développement des GAFA, devenus quasi hégémoniques, pourrait justifier un accompagnement spécifique. Il permettrait aux plus fragiles de traverser la crise et soutiendrait la demande de livres, qu'elle émane des particuliers ou des acheteurs publics que sont les collectivités territoriales.

L'avenir de la distribution de la presse, enfin, reste suspendu à celui de Presstalis. Déjà en grande difficulté financière avant le début de la crise, la société est désormais en cessation de paiement : il est plus urgent que jamais de trouver une solution réaliste et durable pour l'avenir de la filière.

S'agissant du sport et de la vie associative, sur lesquels se sont penchés Mme Fabienne Colboc et M. Régis Juanico, la reprise de l'activité des associations dépendra des consignes sanitaires à appliquer, des moyens matériels dont elles disposeront pour les faire respecter et du retour des bénévoles, dont les effectifs, qui comptent de nombreuses personnes de plus de 60 ans, ont fondu depuis le mois de mars.

Les conséquences de la crise sanitaire dans le domaine éducatif devraient nous inciter à porter une attention particulière, d'une part au secteur de l'éducation populaire et de l'accueil des jeunes en séjour collectif de loisir, d'autre part, à l'intervention des associations dans le cadre des activités scolaires dites « 2S2C » (Sport, santé, culture et civisme) et du temps périscolaire. Les établissements scolaires ne peuvent pas rester fermés cent cinquante jours par an.

Concernant le sport professionnel, la clôture de la saison sportive 2019-2020, fortement contestée, aura des effets importants sur le plan sportif – qualifications dans les compétitions internationales, accès aux divisions supérieures ou relégation – mais également des conséquences économiques sur les clubs, sur les fédérations et, indirectement, sur les médias, qui mériteraient une analyse à moyen terme. N'oublions pas qu'une partie des recettes que les chaînes tirent de la retransmission des matchs de football finance le cinéma et les séries de l'audiovisuel français.

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L'épidémie est mondiale. La crise qu'elle a entraînée est globale. Ses conséquences sur l'équilibre du monde sont considérables.

Le 13 janvier, le premier cas de covid-19, détecté hors de Chine, en Thaïlande, était signalé à l'OMS. Le 11 mars, l'OMS qualifiait officiellement le phénomène de pandémie. Depuis, le virus n'a cessé de se diffuser, gagnant progressivement tous les continents, chacun en devenant, à tour de rôle, l'épicentre.

Cette crise est globale. Elle aura des conséquences majeures dans tous les secteurs : pas seulement sanitaire, mais aussi économique, social et, enfin, géopolitique. Cette crise a d'emblée mis à l'épreuve la solidarité et la coopération, à l'échelle internationale et à l'échelon européen. Elle aura une portée géopolitique considérable, que la France et l'Union européenne ne doivent pas sous-estimer. C'est autour de ces constats que la commission des affaires étrangères a orienté ses travaux depuis le début de l'état d'urgence sanitaire. Je vous en ferai parvenir demain un état des lieux exhaustif : si vous pouvez le joindre à votre rapport d'étape du 3 juin, ce sera très bien pour les parlementaires de cette commission, et pour nous tous.

En deux mois, notre commission a auditionné près d'une centaine de personnalités et adressé des questionnaires à différents organismes, parmi lesquels l'OMS, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI), l'Union africaine, la Commission européenne et ses différentes directions, de nombreux postes diplomatiques, des groupes d'experts internationaux, ou encore des organisations non gouvernementales.

Afin d'assurer un suivi de l'action menée par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères durant cette période de crise, nous avons créé trois groupes de travail thématiques : le premier sur le réseau diplomatique consulaire et d'influence, le deuxième sur l'aide publique au développement, le troisième sur l'action économique extérieure. Sur chacun de ces thèmes, notre commission a déjà fait et continuera de faire des recommandations au ministère, avec un principe simple : les politiques publiques conduites doivent prendre en compte les situations nouvelles créées par la crise et tenter de répondre aux difficultés qui préexistaient.

Cette crise est mondiale, mais elle a suscité des réactions très variées. C'est pourquoi il nous a semblé important d'intégrer dans nos travaux une dimension comparative, nationale et régionale, afin de mieux prendre la mesure de ce qui a bien fonctionné et de ce qui, au contraire, a révélé nos limites. Dans l'ensemble, les pays asiatiques, forts de leurs expériences passées face à de semblables épidémies, ont su se montrer réactifs. L'Asie a elle-même compté plusieurs modèles de gestion de la crise, qu'il convient de distinguer. Des États aux systèmes politiques aussi différents que le Vietnam et la Corée du Sud ont su apporter des réponses satisfaisantes à l'épidémie de covid-19.

Par contraste, l'Europe, les États-Unis, et d'une façon plus générale, les pays occidentaux, ont fait montre d'un manque d'anticipation que nous devrons décrypter, avant d'en tirer des leçons pour l'avenir. Pourquoi nos sociétés ne sont-elles pas mieux préparées au risque ? Pourquoi leurs capacités d'anticipation sont-elles aussi faibles ? Pourquoi la prise en compte du long terme leur est-elle étrangère ? Autant de questions auxquelles nous devrons répondre pour changer ce qui doit l'être.

Notre pays a fait l'expérience de la difficulté à prévoir et à préparer la société à ce type de risques. Mais il n'est pas le seul : les États-Unis, les pays d'Amérique latine et de nombreux pays européens ont fait la même expérience. C'est la structure même d'un certain nombre de nos sociétés et leur mode de fonctionnement que nous devons interroger.

En Europe, après une difficulté à réagir collectivement en début de crise, une forme de solidarité s'est progressivement installée. Je pense aux transferts de patients d'un État à l'autre, aux dons d'équipement et de matériel médicaux, au plan adopté par l'Eurogroupe, à hauteur de 540 milliards, et à l'activation du Mécanisme européen de protection civile pour organiser le retour des ressortissants européens bloqués à l'étranger. La crise a posé deux questions à l'Europe : celle de sa vocation, avec la nécessité de créer une véritable solidarité européenne, et celle de son autonomie stratégique, qui devra servir de ligne directrice à notre engagement.

L'annonce d'orientations nouvelles exprimées lors du sommet franco-allemand constitue de ce point de vue une étape essentielle. L'émergence d'une véritable autonomie stratégique européenne, qui ne devra pas se limiter au seul domaine de la santé, la capacité d'emprunt de la Commission mise au service d'investissements d'avenir, l'adaptation nécessaire du droit européen de la concurrence, la nécessité d'un nouveau cahier des charges pour le commerce international, la construction d'une nouvelle politique de voisinage, en particulier avec les pays de la Méditerranée, l'affirmation de notre unité politique sur les grands enjeux de politique étrangère : ce sont autant de pistes qui, sans être exclusives, nous permettront de faire enfin de l'Europe une puissance respectée. Dans un contexte qui voit s'exacerber la rivalité stratégique entre la Chine et les États-Unis, c'est bien la capacité de l'Europe à constituer une voie d'équilibre qui est attendue.

Cette solidarité, nous devons aussi en faire preuve avec les pays les plus vulnérables. Dans les zones de crise, de conflit, mais aussi dans les États dont les systèmes sanitaires sont fragiles, la pandémie est de nature à aggraver les crises préexistantes. La France a été en première ligne sur ces sujets, puisqu'elle a rapidement pris la décision de réorienter une partie de son aide publique au développement vers la lutte contre l'épidémie de covid-19.

Le continent africain a fait l'objet d'une attention particulière de la part de notre commission. Si l'Afrique reste relativement épargnée à ce stade d'un point de vue sanitaire, elle n'en est pas moins un sujet d'inquiétudes du fait de la fragilité de ses systèmes de santé et des conséquences inévitables qu'aura la crise sanitaire sur son économie, avec à la clef une augmentation de la pauvreté et des inégalités. Notre pays a contribué à obtenir un moratoire sur les dettes africaines et a plaidé pour que l'aide bilatérale européenne bénéficie en priorité à l'Afrique. D'autres zones vulnérables doivent faire l'objet d'une attention particulière, à commencer par les zones de conflit, où les besoins humanitaires sont très importants.

Enfin, la pandémie de covid-19 a mis à l'épreuve le multilatéralisme tel que nous le connaissons. À plusieurs égards, elle en a même accentué les fragilités. Je pense au Conseil de sécurité des Nations unies, qui n'a pas été en mesure, jusqu'à présent, d'adopter une résolution sur la pandémie. Au-delà, l'ensemble du système multilatéral est concerné. L'exemple le plus frappant est celui de la gouvernance sanitaire internationale, à commencer par l'Organisation mondiale de la santé. L'OMS a déjà connu des réformes à la suite des dernières crises sanitaires mondiales – le SRAS en 2003 et Ebola en 2014-2016 – et l'épreuve de la pandémie de covid-19 ne devra pas faire exception. La France devra être au rendez-vous de cette réforme. Notre commission fera un certain nombre de propositions pour renforcer l'indépendance et les pouvoirs d'investigation de l'OMS.

En matière de coopération internationale, la France a participé au lancement de l'initiative « ACT-A » (Acces to COVID-19 Tools Accelerator) pour accélérer la lutte contre le covid-19. Une levée de fonds organisée par la Commission européenne a permis de recueillir plus de 7 milliards de promesses de dons. Nous devrons veiller – c'est un objectif essentiel – à ce que tout traitement ou tout vaccin qui serait mis au point puisse être utilisé et distribué équitablement dans le monde, à commencer par les pays les plus vulnérables.

Le monde de demain doit être celui d'un nouveau multilatéralisme, appuyé sur une exigence renouvelée de coopération et de solidarité et sur la préservation des biens communs : la santé, mais aussi l'environnement, qui sont étroitement liés, nous le savons tous. Il s'agit d'une exigence absolument vitale, que nous devons préparer dès aujourd'hui. Tous les travaux menés par la commission des affaires étrangères, tant pour approfondir l'état des lieux d'une crise qui n'est pas terminée, que pour enrichir ses propositions sur ce que devrait être le « monde d'après » seront bien sûr poursuivis et feront l'objet d'une publication d'ici la fin de l'année.

Chers collègues, je crois que les crises majeures doivent être l'occasion d'une prise de conscience collective. Elles doivent aussi être une occasion de prendre de nouvelles orientations et d'adopter de nouvelles perspectives.

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Avant l'intervention de notre collègue Françoise Dumas, je veux souligner la richesse du travail effectué par l'ensemble des commissions, malgré la situation exceptionnelle. On a le sentiment que l'Assemblée nationale n'a pas été confinée ! Les députés, en tout cas, n'ont pas baissé la garde

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Sur la mission d'information, j'ai une critique et trois regrets. Ma critique, d'abord : les personnes auditionnées ont toutes fait des exposés très, trop longs – parfois jusqu'à une heure –, ce qui a réduit le temps de la discussion.

J'en viens aux regrets. Premièrement, compte tenu de l'impact financier considérable de cette crise, il aurait été souhaitable que notre mission d'information auditionne le ministre de l'action et des comptes publics, afin qu'il nous indique le tribut que représente cette crise pour la sécurité sociale. Deuxièmement, le monde sportif ayant été totalement chamboulé, dans son organisation comme dans son financement, au niveau national comme au niveau local, peut-être aurions-nous pu recevoir la ministre des sports. Je pense enfin, comme Mme Marielle de Sarnez, que nous aurions dû auditionner un représentant de l'OMS, comme nous l'avions fait dans le cadre de la mission d'information sur la grippe aviaire, dont j'étais le rapporteur.

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Je partage totalement votre première observation et je crois que le fonctionnement par visioconférence n'a pas facilité les choses.

J'entends vos regrets, mais nous avions souhaité que les commissions permanentes contribuent aussi aux travaux de la mission, en évitant les doublons. Il nous a semblé que c'était le moyen d'associer le plus grand nombre de députés – puisque la mission ne comptait que trente-neuf membres. Le ministre de l'action et des comptes publics a passé presque tout le mois d'avril à l'Assemblée nationale, puisqu'il a été auditionné à plusieurs reprises et qu'il a pris part à l'examen des deux projets de loi de finances rectificative. J'ajoute, enfin, que nos travaux ne sont pas terminés et que les regrets que vous formulez, au sujet des sports ou de l'OMS, par exemple, peuvent devenir des désirs partagés.

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Je voudrais ajouter que dès le début de la crise, j'ai invité un représentant de l'OMS à venir s'exprimer devant la commission. Dans un premier temps l'OMS a donné son assentiment, puis, après deux à trois semaines, m'a transmis une réponse écrite indiquant qu'ils ne pouvaient être entendus. En tout état de cause, j'ai fait parvenir un questionnaire très détaillé à l'OMS et attends avec intérêt leurs réponses.

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Au cours des deux derniers mois, la commission de la défense nationale et des forces armées a procédé à près de quinze auditions, entendant la ministre des armées et sa secrétaire d'État à plusieurs reprises, les principaux responsables civils et militaires du ministère, ainsi que les représentants de la base industrielle et technologique de défense (BITD), au travers des groupements industriels. J'ai moi-même eu de très nombreux entretiens bilatéraux avec ces mêmes personnes et les dirigeants des principales entreprises industrielles, car il me semblait primordial de suivre l'évolution de la situation afin, d'une part, d'apprécier la capacité de ces entreprises à remplir leurs engagements à l'égard des armées, d'autre part, d'identifier leurs besoins pour qu'elles soient en capacité d'honorer ces engagements.

Tous ces travaux seront synthétisés dans un rapport spécifique de la commission consacré à la crise du covid-19. Aussi mon propos de ce jour se limitera-t-il à en rappeler les principales conclusions.

Premièrement, les armées ont été fortement mobilisées dans la lutte contre l'épidémie, et ce dès avant le lancement de l'opération Résilience, annoncé par le Président de la République le 25 mars, puisqu'elles avaient déjà rapatrié près de deux cents de nos compatriotes depuis Wuhan. Elles ont continué, depuis lors, à apporter une aide importante à la lutte contre le coronavirus, notamment dans le cadre du volet sanitaire de l'opération Résilience.

Les différentes armées ont mené des opérations de transferts de patients pour soulager les régions particulièrement touchées : 90 patients ont ainsi été évacués par voie aérienne pour soulager la région Grand Est. Le déploiement d'un élément militaire de réanimation (EMR) auprès de l'hôpital de Mulhouse a augmenté de 50 % la capacité de ce centre hospitalier et 47 patients y ont reçu des soins de réanimation. La mobilisation des six hôpitaux d'instruction des armées dotés d'éléments de réanimation a permis de tripler leur capacité, qui est passée, au total, de 57 à 166 lits de réanimation. Enfin, la mobilisation des unités NRBC (nucléaire, radiologique, biologique, chimique) a permis de procéder à la décontamination de nombreux bâtiments, notamment du Palais-Bourbon.

La contribution tous azimuts des armées à la lutte contre l'épidémie, en métropole comme outre-mer – puisqu'il ne faut pas oublier les volets « logistique » et « protection » de l'opération Résilience – a mis en lumière, premièrement, l'expertise du service de santé des armées (SSA), largement méconnu. S'il a été affaibli par une période de déflation, qui lui a fait perdre 10 % de ses effectifs en quatre ans, l'actuelle loi de programmation militaire prévoit une remontée de ses personnels. Cette tendance doit être confortée.

Elle a mis en lumière, ensuite, la pertinence de l'organisation territoriale interarmées de défense. Chacun a pu mesurer la robustesse et l'efficacité de cette chaîne qui concilie la centralisation des directives et la déconcentration de leurs applications. Il demeure important de maintenir et d'approfondir ce dialogue entre autorités militaires et civiles, à tous les niveaux.

Elle a également mis en lumière l'apport opérationnel des moyens exceptionnels dont disposent nos forces, à l'instar des porte-hélicoptères amphibies, des A400M ou des A330 MRTT Phénix, et enfin, l'extrême réactivité et inventivité des armées. Dans le même temps, l'opération Résilience a conforté la nécessité d'une remontée en puissance du modèle national d'armée et celle d'un modèle suffisamment complet pour être à même d'absorber la mobilisation des moyens en cas de crise ultime.

Le succès de Résilience a également reposé sur l'engagement des acteurs industriels, en lien avec la direction générale de l'armement et l'Agence de l'innovation de défense.

Deuxième point d'attention, les armées ont été elles-mêmes touchées par l'épidémie. D'abord, de nombreux militaires sont tombés malades. Au-delà du cas emblématique du Charles de Gaulle, des personnels ont été atteints par le virus, en opérations extérieures comme sur le territoire. Au total, selon les informations données par la ministre devant la commission, le 11 mai, 1 771 cas de militaires atteints du covid-19 avaient été confirmés, dont plus de la moitié sur le groupe aéronaval, et 5 400 cas de contamination étaient jugés probables.

En outre, les mesures de confinement et de protection sanitaire ont eu des conséquences sur l'organisation des armées. Je pense en particulier aux quatorzaines en amont et en aval d'un engagement opérationnel, ou au décalage des relèves.

Les incertitudes quant à l'évolution de la situation épidémique suscitent une certaine inquiétude à laquelle il est nécessaire de répondre à l'approche du plan annuel de mutation, alors qu'environ 24 000 militaires vont devoir déménager.

Troisièmement, la crise épidémique n'a pas interrompu les opérations en cours. Les armées ont maintenu et maintiennent leur engagement au quotidien, tant sur le territoire national, notamment dans Sentinelle, qu'en opérations extérieures, essentiellement au Sahel et au Levant. La continuité de l'engagement des forces est un gage de crédibilité : les menaces n'ont pas disparu malgré la crise, et la situation stratégique est particulièrement mouvante.

L'activité des dernières semaines a d'ailleurs été très intense. Un seul exemple : les 14 et 15 mai, la force Barkhane a conduit une opération d'ampleur contre des combattants de l'État islamique au grand Sahara, dans le sud du Gourma malien, mobilisant un drone Reaper, deux Mirage 2000D, trois hélicoptères Tigre, ainsi qu'un sous-groupement tactique désert.

Pour être en mesure d'intervenir à l'avenir, il faudra continuer à recruter et à former les jeunes, conserver un niveau de préparation opérationnelle et de maintien en condition opérationnelle des matériels satisfaisant. Durant ces deux mois, les armées ont dû constamment se maintenir sur une ligne de crête : protéger les soldats contre le virus et continuer de préparer les opérations.

En outre, les mesures de confinement ont mis en pause les recrutements et limité les possibilités d'entraînement et de formation, contribuant à creuser la dette organique des armées. À titre d'exemple, pour l'armée de terre, chaque mois qui passe sans recrutement, c'est un régiment qui manque à l'appel. Aujourd'hui, heureusement, les recrutements et les formations reprennent progressivement.

Quatrième observation : la défense doit être au cœur du futur plan de relance. C'est d'abord une question de sécurité de la France et des Français. Ensuite, la préservation de la base industrielle et technologique de défense (BITD) est l'une des conditions du maintien de l'autonomie stratégique de la France et de l'Europe. Les appétits des puissances étrangères, dont certaines font figure d'alliés, imposent de la vigilance face aux tentatives d'accaparement d'acteurs stratégiques.

Enfin, pour la période de récession qui s'annonce, l'industrie française de la défense constitue un outil précieux pour relancer l'économie, non seulement parce que la défense est l'un des secteurs dans lesquels un euro investi par l'État rapporte le plus d'activités et d'emplois sur le territoire national, en raison de l'implantation de cette industrie en France, mais aussi parce que ces investissements contribuent à l'innovation et à la technologie de pointe qui irriguent par la suite l'ensemble de l'économie. Les efforts engagés par la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025 devront donc être confortés.

La vigueur du lien entre la nation et son armée doit être réaffirmée. Les mesures de confinement et la limitation des contacts physiques ont conduit à réduire l'ampleur des commémorations mémorielles ; nous l'avons vu à l'occasion du 75e anniversaire du 8 mai 1945 ou encore des événements en l'honneur du général de Gaulle. Les journées de défense et de citoyenneté ont été suspendues et le calendrier de l'expérimentation du service national universel bouleversé.

Je voudrais, pour terminer, faire un gros plan sur deux auditions, un peu en marge de l'activité de nos armées.

Celle de la secrétaire générale de la défense et de la sécurité nationale, tout d'abord, a permis notamment de faire un point sur le document publié en 2013 par le secrétariat général relatif à la « nouvelle doctrine de protection des travailleurs face aux maladies hautement pathogènes à transmission respiratoire ». La secrétaire générale a expliqué que ce document avait vocation à affirmer, à la suite d'un avis du Haut conseil de la santé publique de 2011, un nouvel usage du masque FFP2 par rapport au masque chirurgical, le premier protégeant son porteur des virus, le second l'empêchant de projeter des gouttelettes sur les autres, mais qu'il ne constituait en aucun cas une rupture d'appréciation du dimensionnement des stocks stratégiques de produits de santé. C'est à prendre en considération, dans la suite de nos travaux.

L'audition du directeur général de la gendarmerie nationale a quant à elle permis de dresser un premier bilan très positif et unanimement salué de l'opération « Répondre présent » visant à assurer une action de proximité, notamment auprès des personnes les plus vulnérables, en lien avec les collectivités territoriales, les associations et les services déconcentrés de l'État.

Pour conclure, je retiens de l'ensemble de nos travaux que le retour d'expérience de la crise implique de s'interroger sur les concepts de résilience, de souveraineté, d'autonomie stratégique, et sur la relocalisation sur le sol national des certaines capacités productives. Ce sont ces sujets qui doivent, me semble-t-il, constituer les axes prioritaires de nos futurs travaux.

Et je ne voudrais pas terminer sans rendre hommage aux quatre soldats morts en opérations ou à l'entraînement durant la période de confinement. Cet hommage ne retire bien sûr rien à celui, légitime, dû également à nos personnels soignants ainsi qu'à tous ceux qui ont assuré des missions de service public.

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La Conférence des présidents du 17 mars qui a créé la mission d'information sur l'épidémie de covid-19 avait décidé que celle-ci, le moment venu, demanderait à se doter des prérogatives d'une commission d'enquête.

J'ai été saisi en ce sens d'une demande du président du groupe Les républicains Damien Abad, à qui je cède la parole pour la présenter.

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Je souhaite en effet vous faire part du souhait de notre groupe de transformer cette mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences de l'épidémie de covid-19 en commission d'enquête, au titre de l'article 5 ter de l'ordonnance de 1958.

Il nous paraît en effet essentiel de doter dès que possible cette mission d'information des prérogatives d'une commission d'enquête. Il appartient, en effet, aux parlementaires de mettre en place les moyens d'investigation nécessaires pour contrôler les mesures prises par le gouvernement dans cette période de crise et d'en tirer toutes les conséquences. Cette commission d'enquête devra notamment nous éclairer sur la protection apportée aux Français, avec par exemple la question des masques. Elle devra également se pencher sur la stratégie du gouvernement en matière de dépistage ainsi que sur la gestion de l'épidémie dans les EHPAD, qui a révélé des failles importantes.

C'est pourquoi, selon l'article 145-1 du Règlement de l'Assemblée nationale, le groupe LR propose que la mission dispose des prérogatives commission d'enquête afin de mener des investigations dans le périmètre suivant :

– la stratégie de prévention, avec tout ce qui concerne le système de surveillance épidémiologique, la gestion des stocks stratégiques, le calendrier de la réaction des pouvoirs publics ;

– la gestion de la crise sanitaire pendant le confinement, avec la question des équipements de protection individuelle, dont les masques pour les personnels de santé et le grand public, la disponibilité des médicaments et des produits de réanimation, la stratégie de dépistages et de tests, l'appel aux différents laboratoires, les traitements, vaccins et soutiens à la recherche, les contours et l'efficacité des mesures d'ordre public contre la propagation de l'épidémie, ou encore le bilan des réquisitions ;

– la réponse du système de soins et sa réorganisation pour faire face à l'épidémie, la mise en œuvre du plan blanc, la réorganisation de la prise en charge hospitalière publique et privée par l'augmentation des capacités en réanimation et le transfert de patients, les renforts hospitaliers par les ARS, la réserve sanitaire, les réquisitions de personnel soignant, l'activité de la médecine de ville, les EHPAD et les établissements médico-sociaux, ou encore le besoin des hôpitaux ;

– l'organisation territoriale et la gestion de crise, avec le rôle et les pouvoirs des élus locaux, les capacités de réaction des préfets et services déconcentrés, l'organisation régionale de la santé, le rôle et les moyens des ARS ;

– la situation en outre-mer, avec une chronologie différente de l'épidémie, des fragilités particulières et la réponse sanitaire qui a été apportée dans ces territoires.

– la stratégie de déconfinement, avec les questions du calendrier, de la méthode et des indicateurs retenus, des capacités de dépistage, du suivi des personnes infectées, des dispositifs de traçage des cas de contact, la question également des écoles, des transports collectifs et de la protection des salariés.

– et enfin, les conséquences économiques et budgétaires de la crise sanitaire, avec l'évaluation des mesures budgétaires, législatives et réglementaires, l'impact du covid-19 sur la croissance et les comptes publics, et l'influence du confinement sur l'emploi.

Nous avons une responsabilité collective. L'objectif de cette commission d'enquête est aussi de tirer ensemble les leçons de cette crise inédite en faisant des préconisations claires et précises pour que notre pays ne se retrouve plus jamais dans une telle situation.

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Sur la crise que nous venons de traverser, il existe, au-delà du contrôle par notre assemblée de l'exécutif, qui n'est pas satisfaisant selon nous, un accord entre nous pour qu'une commission d'enquête permette à la fois à notre assemblée et au pays de comprendre ce qui s'est passé, de savoir ce qui a bien et moins bien fonctionné, ce qui aurait pu ou dû être anticipé, ce qui ne l'a pas été, bref d'armer notre pays par l'investigation et la compréhension pour en tirer toutes les conclusions.

C'est la raison pour laquelle notre groupe a, dès le 8 avril, fait valoir son droit de tirage pour créer une commission d'enquête sur un périmètre semblable à celui énoncé à l'instant par M. Damien Abad. Le 14 avril, la Conférence des présidents déclarait notre résolution recevable. Celle-ci a été adressée à la garde des sceaux, qui nous a répondu en précisant, comme c'est l'usage pour les commissions d'enquête, elle n'y voyait pas d'opposition en dehors des objets de poursuites judiciaires. Aussi, notre demande est à l'ordre du jour de la réunion de la commission des affaires sociales de demain matin.

Pourquoi, dès lors, deux commissions d'enquête ? Car je confirme notre souhait de voir notre demande aboutir. C'est le droit de tirage de notre groupe, un droit constitutionnel pour les groupes parlementaires.

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Je voudrais simplement observer que votre question vaut toutes les réponses : « pourquoi deux ? », alors que, précisément, ainsi que je l'ai indiqué, le 17 mars, il avait été décidé à l'unanimité de la Conférence des présidents, après que nos collègues du groupe Les Républicains aient envisagé la création d'une commission d'enquête pour plus tard, car nous étions alors en plein pic épidémique que, d'une part, on créerait la présente mission d'information et que, d'autre part, lorsque le groupe Les Républicains demanderait de voir la mission d'information se doter des prérogatives d'une commission d'enquête, il serait fait droit à cette demande. Il avait aussi été entendu que le rapporteur à venir émanerait des rangs du groupe Les Républicains. L'accord étant unanime, il faut l'appliquer. Pour le reste, la commission des affaires sociales nommera un rapporteur sur la recevabilité de votre demande et répondra à votre question « pourquoi deux ? ».

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Cette commission d'enquête demandée par le groupe Les Républicains s'inscrit-elle dans le cadre du droit de tirage de ce groupe ?

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Non. Une mission d'information peut décider, à tout moment, de se doter des pouvoirs d'une commission d'enquête. En amont de la demande du groupe GDR, à l'initiative de la Conférence des présidents, il avait été décidé de ne pas ouvrir immédiatement un processus de constitution de commission d'enquête, pour des raisons évidentes, mais il était convenu que la mission d'information servirait de socle à ce travail d'enquête lorsque le groupe Les Républicains le demanderait.

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Je voudrais saluer la qualité des travaux menés par notre mission d'information depuis le 1er avril. Dans ce premier temps, nous avons bien atteint l'objectif que nous nous étions fixé d'assurer un contrôle des mesures prises au titre de l'état d'urgence sanitaire. Nous avons procédé à de très nombreuses auditions, qui ont été fort éclairantes.

Je salue, monsieur le président, le climat apaisé et constructif que vous avez su instaurer, à l'instar des autres personnes qui ont présidé cette mission, mais également votre infinie patience dans les conditions que vous avez rappelées.

Les restitutions des travaux des commissions qui nous sont aujourd'hui présentées montrent que les commissions permanentes ont pleinement joué leur rôle, chacune dans son dans son champ de compétences. Je salue notamment les travaux de la commission des affaires étrangères, à laquelle j'appartiens.

À l'issue du premier rapport d'étape de la mission, nous pourrons désormais entrer dans une seconde phase, dans une cohérence et une logique de continuité qui n'auront échappé à personne. Comme cela avait envisagé dès le départ, il est temps d'élargir les travaux de la mission à l'évaluation de la crise, l'analyse de ses fondements, l'étude de ses conséquences. Nous pouvons à présent envisager que notre mission se voie confier comme prévu les prérogatives d'une commission d'enquête, en vue de disposer des informations dont nous avons besoin, sous tous les aspects qu'a rappelés le président Damien Abad.

Notre mission d'information demeure selon nous le bon périmètre. L'esprit de responsabilité doit perdurer, nul besoin de créer une nouvelle commission d'enquête pour mener ce travail d'évaluation, nous disposons déjà de l'outil adéquat pour mettre en évidence les enseignements à tirer pour l'avenir, et je crois que nos concitoyens l'attendent.

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Comme un consensus semble se dégager sur la transformation de notre mission d'information en commission d'enquête, je vous adresserai, monsieur le président, à titre non pas de président de la mission mais de président de l'Assemblée nationale, et en ma qualité de vice-président de notre mission d'information, une demande officielle émanant de notre mission, conformément à ce que la Conférence des présidents avait convenu et que vous avez rappelé, afin de lui reconnaître pour une durée de six mois les prérogatives d'une commission d'enquête conformément à l'article 5 ter de l'ordonnance du 17 novembre 1958.

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Je remercie à mon tour les quatre vice-présidents de la mission d'information, Éric Ciotti ici présent, Boris Vallaud, Patrick Mignola et Gilles Legendre, qui ont tour à tour présidé les différentes auditions de la mission.

Je vais à présent mettre aux voix la demande tendant à ce que la mission se voit attribuer les prérogatives d'une commission d'enquête dans les conditions et limites prévues par l'article 6 de l'ordonnance 58-1100 du 17 novembre 1958 en vue de disposer des informations que la mission jugera nécessaire sur la crise liée à l'épidémie de covid-19 en ce qui concerne la prévention sanitaire, la gestion de la crise sanitaire et l'adaptation du système de soins, l'organisation territoriale face à la crise, la stratégie de déconfinement, les réponses apportées dans les territoires, en métropole et outre-mer, et les conséquences économiques et budgétaires de la crise.

Les membres de la mission d'information donnent un avis favorable à la demande.

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Conformément à l'article 145-3 du Règlement, cette demande sera notifiée aux présidents de commission et présidents de groupe. Elle sera considérée comme adoptée si, avant la deuxième séance qui suit cette notification, aucune opposition n'a été présentée par le gouvernement, le président d'une commission ou le président d'un groupe.

La séance est levée à dix-neuf heures vingt.