Intervention de Barbara Pompili

Réunion du mardi 26 mai 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, co-rapporteure :

Durant ces deux mois, la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a souhaité écouter les acteurs de terrain et analyser la réponse des pouvoirs publics dans les secteurs relevant de sa compétence. Pour ce faire, elle a choisi une démarche collective associant l'ensemble des commissaires et organisé de nombreuses auditions, seule ou en lien avec la commission des affaires économiques et la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation.

Nous nous sommes concentrés sur la gestion de crise et l'analyse de ses conséquences immédiates, mais avons aussi souhaité comprendre comment on en était arrivé là. L'audition de chercheurs du CNRS et de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (INRAE) a confirmé les liens de causalité entre atteintes humaines aux écosystèmes – la déforestation, notamment –, zoonoses et épidémies. J'y insiste, car cela devra nous guider pour penser l'après-crise.

Notre commission s'est assurée, premièrement, que les services indispensables à la vie de la nation et entrant dans son champ de compétences continuaient d'être accessibles et qu'ils l'étaient de la même manière dans tout le territoire.

Nous avons entendu la ministre de la transition écologique et solidaire, Mme Élisabeth Borne, et de nombreux représentants d'élus locaux : Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF), Association des maires ruraux de France (AMRF), Régions de France, Assemblée des départements de France (ADF), Assemblée des communautés de France (AdCF). Ces auditions nous ont montré que les services publics de l'assainissement, de la fourniture d'eau potable, de la collecte et du traitement des déchets ont globalement bien tenu, en particulier grâce aux élus locaux et aux agents du service public, qui doivent être salués. La fermeture, en période de confinement, de nombreux centres de tri et de déchetteries a, dans un premier temps, pénalisé le tri sélectif, mais la situation s'est largement améliorée.

Le secteur des transports a été particulièrement exposé à la crise, comme l'a confirmé le secrétaire d'État, M. Jean-Baptiste Djebbari. Dès la reprise de nos travaux, nous avons souhaité entendre des représentants du transport routier de marchandises. Il en ressort que les pouvoirs publics ont su prendre des mesures pour adapter les conditions d'activité et assurer le maintien de chaînes logistiques profondément bouleversées. Mais les plus petites entreprises ont évidemment souffert de la baisse de leur activité.

L'arrêt presque complet du transport aérien de voyageurs a causé des pertes importantes pour les compagnies aériennes. Nous avons décidé, en PLFR, d'un soutien public à Air France, assorti de contreparties environnementales : la division par deux des émissions par passager et par kilomètre en 2030 par rapport à 2005, la diminution par deux des émissions des vols métropolitains d'ici la fin de l'année 2024. Le Gouvernement a aussi annoncé qu'il faudrait renoncer aux trajets de moins de deux heures trente, lorsqu'une desserte ferroviaire existe. Notre commission veillera au respect de ces exigences. La crise sanitaire ne doit pas faire oublier l'urgence climatique : il ne faut pas baisser la garde.

L'audition du PDG de la SNCF, M. Jean-Pierre Farandou, a permis de mesurer l'impact économique subi par l'opérateur – ses pertes sont estimées à 2 milliards. Les mesures sanitaires en vigueur, qui limitent l'occupation des trains et le nombre de TGV en circulation, continuent de fragiliser la SNCF. Il faudra donc revoir sa trajectoire financière : la question d'un soutien de l'État est désormais posée. Nous devrons veiller au maintien des investissements dans les petites lignes, cruciales pour les transports du quotidien, et soutenir le fret ferroviaire, essentiel pour la transition écologique du transport de marchandises.

En matière d'aménagement du territoire, l'audition des représentants des élus locaux a montré que les territoires ne sont pas égaux face à la crise et la Fédération française des télécoms a reconnu que la crise avait aggravé la fracture numérique. Les avancées évidentes que représentent le développement du télétravail, les cours en ligne ou la télémédecine ne doivent pas faire oublier que de nombreux foyers ont encore des problèmes de connexion ou un débit trop faible. Parce que cette période a amplifié les inégalités d'accès au numérique, nous devons accélérer le déploiement de la 4G et de la fibre optique, d'autant plus que la situation sanitaire a freiné les chantiers.

Il faut saluer l'engagement des élus locaux qui ont dû faire face, durant le confinement, à une double nécessité : assurer la continuité des services publics et exercer des missions régaliennes comme la tenue des registres d'état civil ou la participation au contrôle du respect du confinement grâce à la police municipale. Les associations d'élus ont elles-mêmes pris des initiatives très utiles, en diffusant les bonnes pratiques et les initiatives locales efficaces pour lutter contre la crise.

L'appui des préfets a dans l'ensemble été apprécié par les maires, gestionnaires directs de la crise au quotidien, mais la résorption des inégalités entre territoires est un enjeu pressant. Sur le plan financier, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu ont confirmé que les années 2020 et 2021 s'annoncent difficiles pour les collectivités, puisque la crise a dégradé leurs recettes – versement mobilité, droits de mutation à titre onéreux (DMTO) – et qu'elle va alourdir leurs dépenses. Cette question devra à l'évidence être traitée dans le cadre du prochain projet de loi de finances.

Notre commission a veillé, deuxièmement, à ce que les adaptations et les assouplissements apportés aux procédures environnementales demeurent strictement proportionnés. L'audition de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et de la Direction générale de la prévention des risques a montré qu'un minimum de contrôle a pu avoir lieu dans les installations classées et les installations nucléaires qui représentaient le plus de risque.

S'agissant des activités nucléaires, le choix a été fait de mettre à l'arrêt et de placer dans un état sûr les installations dont le fonctionnement n'était pas indispensable à la production d'électricité : installations de recherche du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), opérations de démantèlement en cours, centres de stockage des déchets. Les contrôles de l'ASN se sont concentrés sur un nombre restreint d'installations, principalement les centres nucléaires de production d'électricité, et généralement à distance.

Nous avons été alertés sur les conditions de travail des sous-traitants. La sûreté des installations qui redémarrent est un enjeu important et nous veillerons à ce que les contrôles qui ont dû être repoussés aient lieu rapidement. Lors de son audition, l'ASN a évoqué une « reprogrammation substantielle des arrêts » à venir chez EDF, rendue indispensable par les reports et les retards cumulés des arrêts de tranche du fait de la crise sanitaire. Notre commission veillera à ce que ce programme assure à la fois la sécurité de l'alimentation électrique et la sûreté des installations.

Enfin, l'audition de l'Autorité environnementale nous a alertés sur les assouplissements, en période d'état d'urgence sanitaire, des règles de consultation et de participation du public pour les projets ayant une incidence sur l'environnement. Ne cédons pas à la facilité ! Il est certain que l'action publique doit être réactive en temps de crise, mais la démocratie environnementale n'est pas un luxe inutile : elle détermine l'acceptabilité des décisions publiques, qui est essentielle à la cohésion de notre société, en particulier en période de crise. Déroger à certaines procédures jugées chronophages n'est pas le meilleur choix sur le moyen et le long termes.

N'oublions pas que cette crise sanitaire est liée à la crise écologique. Notre commission a entendu M. Pascal Canfin, président de la commission chargée de l'environnement au Parlement européen : les institutions européennes ont, elles aussi, cette préoccupation à l'esprit. C'est donc sur les modalités d'une relance verte que notre commission va désormais axer ses travaux, pour contribuer à la réflexion commune sur notre modèle d'après-crise.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.