Intervention de Roland Lescure

Réunion du mardi 26 mai 2020 à 17h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRoland Lescure, président de la commission des affaires économiques, co-rapporteur :

La commission des affaires économiques, consciente qu'une crise économique d'ampleur exceptionnelle se profilait, s'est réunie dès le début du mois d'avril en poursuivant trois objectifs principaux : s'assurer du bon fonctionnement des dispositifs d'urgence ; suggérer des correctifs à partir des constats remontés du terrain ; commencer à préparer l'avenir en contribuant à la réflexion sur les plans d'urgence sectoriels et plus largement sur le plan de relance.

Son activité a reposé sur deux axes : d'une part, l'organisation d'auditions des acteurs essentiels de la gestion du volet économique de cette crise, qu'il s'agisse des ministres – Bruno Le Maire, Élisabeth Borne, Didier Guillaume, Julien Denormandie, Agnès Pannier-Runacher, Jean-Baptiste Lemoyne, Cédric O – ou d'acteurs économiques – La Poste, Banque publique d'investissement, France Industrie, partenaires sociaux ; d'autre part, un suivi sectoriel de la crise par six groupes de travail mis en place dès le 3 avril – agriculture, alimentation et pêche ; communications électroniques, postes et économie numérique ; énergie ; entreprises ; logement ; tourisme. Pour préserver une certaine souplesse, nous avons retenu un format resserré et veillé à ce que tous les groupes politiques soient représentés en conservant la faculté d'associer d'autres commissaires soucieux de s'investir. Ces groupes ont été chargés de centraliser les informations, les bonnes pratiques ainsi que les demandes et critiques transmises par les membres de la commission dans chacun des secteurs concernés pour les faire remonter à l'exécutif en vue d'aménager le cas échéant les dispositifs. Ils ont procédé à cent deux auditions, présenté quarante-six notes hebdomadaires, d'ores et déjà disponibles dans un rapport de synthèse, et émis soixante-trois recommandations

Une diminution du PIB de plus de 8 % est prévue pour l'année 2020. L'économie française a tourné à mi-régime au mois de mars et d'avril et il y a eu un fort recours aux dispositifs d'urgence. Le fonds de solidarité mis en place pour aider les petites entreprises a déjà attribué 2,4 millions d'aides pour un montant de 3,4 milliards d'euros. Quelque 100 milliards d'euros de prêts garantis par l'État ont été demandés par plus de 500 000 entreprises. Le chômage partiel concernait, à la mi-mai, 1 million d'entreprises et plus de 8 millions de salariés, à comparer aux 40 millions de salariés à l'échelle européenne. À partir du 17 mars, 93 % des chantiers de construction ont été interrompus. Les premières mesures visant à soutenir l'emploi et la trésorerie des entreprises ont donc bien rempli leur office même s'il a fallu procéder à des adaptations, notamment pour le tourisme et les seuils d'éligibilité du fonds de solidarité. Nous avons, comme la commission des finances, alerté l'exécutif sur l'insuffisante mobilisation des assurances en faveur des entreprises, qui ont eu l'impression d'être assurées contre la pluie mais seulement par beau temps.

Nous avons commencé à formuler des recommandations, dont voici les plus importantes.

Le groupe de travail « Entreprises » s'est prononcé sur le principe, énoncé assez tôt dans la crise par Bruno Le Maire, selon lequel à une baisse des revenus doit correspondre une baisse proportionnelle des charges pour les entreprises. Il propose d'effacer les charges fiscales et les cotisations sociales pour les entreprises les plus en difficulté et non pas uniquement pour les TPE ayant fait l'objet d'une fermeture administrative pendant le confinement. Il suggère de rendre les renégociations des marchés publics plus systématiques de manière que les entreprises de travaux publics puissent intégrer dans leurs tarifs l'augmentation des coûts engendrée par les mesures sanitaires. Une autre préconisation porte sur le plafonnement du taux d'intérêt du PGE à 0,5 %. À titre personnel, j'ajouterai qu'il serait souhaitable de ne plus conditionner l'accès au « deuxième étage » du fonds de solidarité au refus d'un prêt de trésorerie par les banques.

Autre recommandation, que je ne partage pas car j'ai des doutes sur son rapport coûts-bénéfices : faire passer le taux réduit de TVA sur l'hôtellerie et la restauration de 10 à 5,5 %.

Citons encore la mise en place d'un plan de soutien spécifique pour les filières agricoles les plus pénalisées par la crise, malheureusement nombreuses, ou l'instauration d'un mécanisme de péréquation destiné à faire contribuer davantage aux efforts de solidarité nationale certains secteurs moins affectés par la crise – « GAFAM » – Google, Apple, Facebook, Amazon et Microsoft –, grande distribution, grandes foncières et groupes pharmaceutiques.

Nombre de recommandations visent à préparer l'avenir et le bureau a décidé que les groupes continueraient à travailler au sein de la commission cet été pour aider le Gouvernement à préparer un plan de relance ambitieux, ce qui nous conduira sans doute à mettre de côté quelques missions d'information lancées avant la crise. Nous proposons d'accélérer la reprise du secteur de la rénovation énergétique, de réfléchir à un projet de relance de la construction, ciblé sur des publics phares, en particulier le logement social et le logement étudiant, de préparer l'avenir dans l'agriculture en veillant à l'installation des jeunes agriculteurs, et de soutenir la reprise rapide des déploiements fixe et mobile pour respecter les engagements pris dans le cadre du plan France Très Haut Débit et du New Deal mobile.

Comme la future commission d'enquête aura probablement à revenir sur la gestion de la crise, les commissions permanentes pourront davantage se projeter vers l'avenir en contribuant au plan de relance économique qui devra être extrêmement bien calibré pour ne point trop inquiéter le président de la commission des finances sur l'évolution de la dette.

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