Commençons par l'EPRUS. Était-il cohérent de l'intégrer à Santé publique France ? Ma conviction a toujours été que oui. L'EPRUS, dans ses fonctions d'établissement pharmaceutique et de réserve, est d'une grande utilité pour une agence nationale de santé publique. Je ne regrette rien dans ce domaine. Il a beaucoup progressé en ce qui concerne les réserves et les produits de santé. L'agence est toujours armée pour faire face à une pandémie, même si le problème des masques s'est posé, et s'il s'agit d'un problème difficile.
S'agissant de la sécurité sanitaire, on est passé d'une logistique sur ordre, pilotée par les préfets, et donc procédant d'une logique qui était celle du ministère de l'intérieur, à une gestion relevant d'une logique de santé publique, partant d'une évaluation des besoins. En disant cela, je prêche pour ma paroisse, mais il me semble que plus on a de sens et d'expertise, plus on est en mesure de faire les bons choix, ou en tout cas d'aider à la décision. En revanche, je pense sincèrement que, en ce qui concerne l'établissement pharmaceutique, le dimensionnement est trop faible. Par ailleurs, l'effet d'accordéon entre, d'un côté, des stocks dormants et, de l'autre, les nécessités d'un temps de crise, mérite que l'on mène une réflexion.
Par ailleurs, le contrôle par le Parlement me paraît indispensable : il faut que l'état des stocks stratégiques soit présenté tous les ans en même temps que le budget, et il faut que celui-ci soit sanctuarisé. Sinon, c'est trop facile : c'est toujours sur la prévention que l'on fait des économies. C'est probablement ce qui s'est passé lors du passage de l'ouragan Irma, et dans le domaine dont nous parlons. Chaque fois que survient une crise quelconque mettant en jeu la sécurité sanitaire – et il y en a beaucoup : Santé publique France lance 150 alertes par an –, cela a des conséquences sur la prévention, parce que celle-ci n'est pas un enjeu à court terme : la prévention, c'est pour dans dix ans. Il est donc très important que les budgets alloués à la sécurité sanitaire et à la prévention soient sanctuarisés, parce qu'en ce moment, l'agence a quasiment arrêté de fonctionner s'agissant de beaucoup de ses missions, ce qui est problématique : la politique de lutte contre le tabac et celle en faveur de la nutrition, par exemple, sont tout de même importantes.
La diminution des effectifs a-t-elle un impact sur l'agence ? J'ai perdu 60 personnes, et avant cela 60 autres postes avaient été supprimés, soit 120 au total. Les effectifs vont probablement être de nouveau augmentés. Une telle diminution, cela fait beaucoup pour une agence de niveau scientifique – car Santé publique France n'est pas une administration : c'est une agence de santé publique, employant des professionnels capables à la fois de communiquer, de mesurer et de mettre en place de nouveaux systèmes de surveillance, comme on l'a vu avec le système d'information national de dépistage (SIDEP) pour le covid-19. Dès 2003, j'ai plaidé pour l'instauration de la déclaration électronique des décès, car c'est le seul moyen, en cas de crise énorme, de décompter précisément ces décès. Je l'ai répété année après année, quand je me rendais dans les ARS. Il a fallu attendre 2019 pour l'obtenir. L'agence possède une capacité de surveillance, une connaissance du terrain exceptionnelles, du fait de ses liens avec les associations. Un peu d'air ferait beaucoup de bien aux gens qui y travaillent, car ils dépassent largement les 35 heures – ils font plutôt 50 ou 55 heures par semaine ; la maison est toujours éclairée – et ils ont un sens du service public très développé.
Santé publique France possède des représentations régionales, les cellules d'intervention en région (CIRE), installées dans les ARS. C'est un outil fondamental ; les CIRE sont la colonne vertébrale de l'agence. On y trouve des épidémiologistes, des scientifiques qui tiennent à jour le système d'information et font remonter les alertes à Santé publique France en toute indépendance. Même si l'ARS fait remonter au ministère de la santé un certain nombre d'alertes, le fait de disposer d'un système national rassemblant, dans toutes les régions, les données des urgences et de SOS Médecins et les indicateurs de mortalité, est un gage d'indépendance et permet de donner l'alerte. C'est également grâce à ce système qu'on est capable, par exemple, à travers les centres nationaux de référence, d'identifier les cas de salmonellose chez des bébés ayant ingéré du lait contaminé. Ce sont donc des mécanismes fondamentaux. Du reste, dans les ARS, on trouve davantage de professionnels de la gestion de la santé que de scientifiques. Les cellules scientifiques permettent donc de donner des éclairages pour comprendre certains signaux complexes, notamment en matière d'épidémiologie ; il est crucial que le système perdure. Bien sûr, il y a des tensions : la possession des données est un enjeu sensible, de même que la communication – il s'agit de savoir qui parle, ou qui ne doit pas parler –, mais ces difficultés sont naturelles en période de crise. Je pense qu'il ne faut surtout pas toucher à ce système de délégations régionales.
À côté de la norme AFNOR, il y a la norme européenne ; les deux ont été analysées. Bien sûr, elles ont leurs limites et, comme pour n'importe quelle norme, il existe des effets de seuil. Quoi qu'il en soit, quand les résultats des tests ne sont pas bons au regard des critères fixés pour la contamination bactérienne et la respirabilité, il paraît très compliqué de promouvoir les masques en question.
En ce qui concerne les conditions d'entreposage, je vous invite, si vous le souhaitez, à visiter le site de Marolles, qui a été construit en 2013. Il est ultramoderne, très beau, tout neuf et offre des conditions d'entreposage excellentes. Certes, une contamination a eu lieu – il m'a été dit que des champignons s'étaient développés –,…