Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, c'est en tant que médecin, professeur d'anesthésie-réanimation et ancien président de la commission médicale d'établissement du centre hospitalo-universitaire (CHU) de Lille, où j'ai exercé ma discipline jusqu'à ma nomination au ministère des affaires sociales, de la santé et du droit des femmes que je me présente à vous. La crise du covid-19 a durement touché notre pays ; mes premières pensées vont d'abord aux personnes et aux familles atteintes par le virus SARS-CoV-2 et frappées par la maladie, la souffrance et le deuil.
Dès le début de cette crise, le 16 mars, j'ai mis mes compétences d'anesthésiste‑réanimateur au service de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, et plus précisément de son directeur général Martin Hirsch, lequel m'a sollicité pour observer la réponse du Grand Est à cette situation sanitaire exceptionnelle en vue de préparer au mieux les établissements de l'Île‑de-France.
Après mise à disposition par la Cour des comptes, où j'exerce actuellement mes responsabilités, j'ai notamment pu rencontrer sur place, les 19 et 20 mars, les équipes de l'Agence Régionale de Santé et celles des services de médecine d'urgence, d'unités covid et de réanimation des hôpitaux de Strasbourg, de Colmar et de Mulhouse : je veux tout particulièrement les remercier pour l'accueil qu'elles m'ont réservé et l'aide qu'elles m'ont apportée. Ma mission a ensuite été, comme vous l'avez dit, prolongée du 10 avril au 2 juin aux côtés de Jean Castex, délégué interministériel en charge de la mission de coordination pour la stratégie nationale du déconfinement.
L'action en situation de crise et d'après-crise est ainsi redevenue mon quotidien, comme cela avait été le cas aux côtés des près de 300 agents de la direction générale de la santé (DGS) et de ses agences pour la préparation du système de santé aux situations sanitaires exceptionnelles.
De la fin 2013 au début 2018, nous avons ensemble vécu, auprès de Mme Marisol Touraine, des épidémies de maladies infectieuses émergentes – chikungunya et fièvre hémorragique Ebola en 2014, virus Zika en 2016 –, des événements saisonniers – grippes hivernales en 2014 et 2016, vagues de chaleur –, mais également les attaques terroristes massives des 7 janvier 2015, 13 novembre 2015 et 14 juillet 2016, qui ont provoqué un afflux de victimes dans les hôpitaux. Nous également avons dû faire face, en octobre 2017, avec Mme Agnès Buzyn, aux cyclones Irma et Maria qui ont touché le Nord des Antilles, où je me suis rendu sur place pendant dix jours.
Cette expérience de situations sanitaires exceptionnelles a nourri les textes de loi présentés par ces deux ministres ainsi que le projet stratégique de la DGS présenté en octobre 2016 à l'occasion de son soixantième anniversaire, dont un des trois volets prévoyait d'améliorer toujours plus la gestion des risques sanitaires, environnementaux et alimentaires, et notamment de renforcer les capacités diagnostiques des laboratoires en cas d'épidémie ou de mettre en place un mandat sanitaire pour les professionnels de santé ambulatoire.
La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a en particulier consacré l'organisation de la réponse du système de santé aux situations sanitaires exceptionnelles (ORSAN), dispositif lancé dès le mois de mai 2014, avant la crise Ebola. Piloté par les Agences Régionales de Santé (ARS), il vise à améliorer la coordination régionale des dispositifs existants dans les trois secteurs sanitaires, ambulatoire, hospitalier et médico-social, en associant étroitement les praticiens, libéraux ou salariés dans la préparation de cette réponse ; l'accent avait été à l'époque mis sur le risque d'attentat, notamment en prévision de l'Euro 2016.
Cette même loi a également donné naissance à une nouvelle agence, Santé publique France : dès 2015, le rapport du sénateur Francis Delattre avait souligné la pertinence d'un regroupement de l'Établissement de préparation et de réponse aux urgences sanitaires (EPRUS), de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (INPES) et de l'Institut national de veille sanitaire (INVS) au sein de la future agence nationale de santé publique, tout en insistant sur l'effort de rationalisation réalisé au préalable par l'EPRUS sur le site de Vitry-le-François.
Cette plateforme, qui s'est constituée au fil du temps, d'abord sous la houlette de l'EPRUS, puis sous celle de Santé publique France, est la traduction très forte de la logique de préparation de situations sanitaires exceptionnelles développées entre 2014 et 2016. Elle permettait de concentrer la majeure partie du stock stratégique d'État sur un site centralisé en garantissant tout à la fois un haut niveau de sécurité et de bonnes conditions de stockage des produits, avec une amplitude de température entre quinze et vingt-cinq degrés et une hygrométrie contrôlée adaptée à chaque référence : dans le cas spécifique des masques, la température ne devait jamais descendre en dessous de dix degrés. Elle devait fiabiliser les stocks, notamment en réalisant des inventaires, et faciliter les études menées en collaboration avec l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) sur l'extension des durées de péremption de certains produits antibiotiques : la plateforme de Vitry est organisée en deux parties, la première réservée à un établissement pharmaceutique, l'autre aux stocks – masques, équipements d'injection de vaccins et tissés destinés aux soins. Cela permettait par ailleurs de disposer en propre d'une implantation incluse dans un site bénéficiant d'un haut niveau de sécurisation – point d'importance vitale –, de réduire les coûts de stockage, d'assurer la collaboration avec le système de santé des armées (SSA), et autorisait une bonne réactivité en matière de distribution des produits en cas de crise : dès le mois d'août 2013, avant même qu'elle ne soit achevée, une circulaire en avait d'ailleurs précisé les conditions.
La même loi de 2016 a également conféré une base légale au Comité d'animation du système d'agences (CASA), dont la mission est de renforcer la cohérence et l'efficience de leurs activités en assurant la coordination de leurs programmes de travail annuels et en élaborant des stratégies communes, avec une déclinaison particulière dans le domaine de la sécurité sanitaire.
Cette loi a enfin finalisé la réforme des vigilances sanitaires, un portail ayant été ouvert pour la première fois en mars 2017.
Au niveau européen, la direction générale de la santé a activement contribué entre 2013 et 2017 à l'élaboration et à la mise en œuvre de la décision européenne du 22 octobre 2013 relative aux menaces transfrontalières graves sur la santé ; elle a ratifié un accord-cadre permettant l'acquisition groupée de contre-mesures médicales à l'échelle européenne, et notamment, lors des pandémies grippales, de vaccins.