Intervention de Jean-Yves Grall

Réunion du jeudi 18 juin 2020 à 15h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean-Yves Grall, directeur général de la santé de 2011 à 2013 :

Soyons clairs : il n'existe pas de stocks tactiques de masques. Ceux-ci font l'objet d'un stock stratégique. Quant aux masques stockés dans les établissements, ils n'appartiennent pas aux stocks tactiques que j'évoquais tout à l'heure. Les stocks qui existent se trouvent – doivent se trouver, en tout cas – sur la plateforme zonale et sont mobilisables en cas de besoin dans le cadre du plan zonal de mobilisation.

Entre 2011 et 2013, j'ai passé une commande de 100 millions de masques chirurgicaux, dans l'objectif de parvenir au milliard et dans l'optique d'un lissage des acquisitions – afin d'éviter de se retrouver en rupture du jour au lendemain – et de la constitution d'un stock tournant, afin que ces masques puissent être utilisés. Je n'ai pas commandé de masques FFP2 au cours de cette période, car leurs conditions d'utilisation venaient d'être restreintes par le HCSP, de sorte que nous étions près d'atteindre la cible – 580 ou 600 millions d'unités – et que rien ne justifiait, compte tenu des durées de validité, que nous en rachetions d'autres dans l'immédiat. Lorsque je suis parti, il y avait 380 millions de masques FFP2, auxquels s'ajoutaient 620 millions de masques chirurgicaux plus les 100 millions dont j'avais passé commande.

Sur l'EPRUS, je n'ai pas d'avis particulier. C'est un instrument extrêmement utile dans les domaines qui sont les siens, notamment la gestion des stocks stratégiques et la réserve sanitaire. L'essentiel n'est pas, selon moi, l'étiquette ou la structure, mais le fait que les fonctions attribuées soient remplies, et elles l'ont été, peu importe que ce soit par l'EPRUS ou par Santé publique France.

En ce qui concerne les tests, l'augmentation a été progressive. Lorsqu'en tant que directeur d'ARS, j'ai commencé à m'occuper du covid-19, le 7 février, c'est-à-dire lors de l'apparition du cluster des Contamines – que nous n'avons pas trop mal géré, je crois –, seul le Centre national de référence de Lyon, dirigé par M. Lina, effectuait des tests. Puis, le nombre de centres a été progressivement porté, par diffusion de la technique, à six, dont de gros établissements. Dans un second temps, les laboratoires médicaux, les laboratoires départementaux et vétérinaires ont pu à leur tour réaliser des tests, si bien que le nombre de sites concourant au diagnostic est actuellement de 45 ou 48, les sites de prélèvement étant au nombre de 317. L'une des questions qui se posaient au départ était celle de la montée en puissance et de la possibilité pour les sites de réaliser de plus en plus de tests.

Par ailleurs, en Auvergne-Rhône-Alpes en tout cas, le suivi du contact tracing a été très rigoureux. Puisque nous avions connaissance des résultats des tests PCR, je peux vous dire que, le 5 mars, 61 ou 62 cas étaient suivis ; puis, avec la dissémination du cluster de Mulhouse sur l'ensemble du territoire, en une semaine, ce nombre a quintuplé et les douze départements de la région ont été touchés, contre trois ou quatre quelques jours auparavant. À ma connaissance, les capacités de tests diagnostic sont montées en puissance progressivement, de sorte que nous n'avons pas, à ma connaissance, rencontré de problèmes pour tester les suspicions ou les malades.

Quant à la gestion des stocks, je tiens à préciser qu'aux termes des règles régissant l'organisation de l'État, elle relève, non pas des agences régionales de santé, mais de l'EPRUS, notamment de ses pharmaciens. Pour autant que je m'en souvienne, je n'ai jamais été alerté, entre 2011 et 2013, sur un problème de qualité intrinsèque des stocks. Mais je considère qu'il appartient à ceux qui sont chargés de les gérer de veiller à ce qu'ils soient toujours utilisables.

Il faut distinguer la question de la doctrine – manifestement, on n'a pas commandé de nouveaux masques – et celle de l'organisation. À cet égard, il me semble important de revenir sur la circulaire que j'avais cosignée. Celle-ci précise bien que l'envoi des produits de santé, dont les masques, à partir des stocks stratégiques se fait selon un mode opératoire très simple : les produits partent du stock central vers les plateformes zonales, au nombre de sept ou neuf, d'où ils sont redistribués vers les établissements de santé, soit par les grossistes-répartiteurs, soit par les logisticiens, dans le cadre de contrats conclus avec l'EPRUS et Santé publique France. Telle était la doctrine et, à ma connaissance, elle n'a pas varié depuis. Quant au suivi des masques, il se fait au niveau du stock national.

S'agissant des agences régionales de santé, je ne veux pas me défausser mais je me permets de vous suggérer de les interroger, dans le cadre d'une audition, sur leur action durant la crise. En ce qui concerne les masques, elles ont, me semble-t-il, colmaté les brèches un peu partout. Nous avions en effet à notre disposition un stock tampon que nous avions nous-mêmes constitué, en lien avec la préfecture, grâce à des dons ou en récupérant des masques FFP2 auprès des administrations, par exemple. Nous n'avions pas de vue sur les approvisionnements en provenance de Paris, puisqu'ils ne passaient pas par la plateforme zonale. De ce fait, nous n'avons pas cessé de chercher à obtenir des informations pour tenter de savoir où se trouvaient les masques et identifier les manques. Avec mes équipes, qui ont été admirables, nous nous sommes ainsi efforcés, dès le 7 février, de colmater les brèches sous les lazzis ou les reproches permanents. Les ARS ont sans cesse contacté les EHPAD, les médecins libéraux, pour essayer de leur fournir des masques, dont on nous disait par ailleurs qu'ils n'arrivaient pas à destination. De fait, les masques de Charente-Maritime arrivaient dans la Loire et ceux du Rhône dans le Maine-et-Loire…

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