Intervention de Didier Houssin

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Didier Houssin, ancien directeur général de la santé :

Le conseil de l'OMS, concernant les tests, n'a pas été selon moi une initiative extrêmement heureuse, car cela ne veut pas dire grand-chose ; il y a les tests virologiques, les tests sérologiques… En outre, les capacités des États sont extrêmement différentes, nombreux même sont ceux qui ne disposent pas du tout de test. Cette recommandation a-t-elle été sortie de son contexte ? Je ne sais pas, en tout cas, elle m'a étonné.

Le conseil d'urgence est toujours convoqué de manière exceptionnelle. La réunion s'est tenue à Genève, le directeur général et son équipe étaient présents et les autorités sanitaires des pays invités à présenter la situation épidémiologique de leur pays. Les Chinois, les Japonais, les Thaïlandais et les Coréens étaient au téléphone, ainsi que les 14 experts qui devaient donner leur décision au directeur général.

Je n'avais aucune raison de douter de la véracité des informations fournies par les autorités sanitaires chinoises, le 22 janvier. D'autant que les médecins chinois ont séquencé rapidement le virus – ce qui démontre qu'ils ont effectué des progrès importants en matière de génétique moléculaire virologique – et qu'ils ont posté cette séquence sur la base de données européenne, qui regroupe les séquences génétiques des virus, notamment influenza. La transparence était donc là.

Il est vrai que le 22 janvier après-midi, nous avons appris que la ville de Wuhan était confinée. Le directeur général a aussitôt pris la décision de réunir le comité une journée supplémentaire pour comprendre la raison de ce confinement. Le 23 janvier, nous avons tenu une réunion avec les autorités chinoises qui nous ont dit avoir appris ce confinement la veille et que c'étaient les autorités de la ville qui avaient pris cette décision pour protéger le reste de la Chine et le monde, du coronavirus.

La situation épidémiologique n'avait pas vraiment changé et le conseil est resté très partagé. Le seul consensus auquel nous sommes parvenus est qu'il était un peu trop tôt pour déclarer l'urgence de santé publique de portée internationale. Aurais-je dû forcer le comité à prendre une décision rapide ? Nous avons peut-être perdu une semaine mais il n'est pas simple de bien se postionner entre la précipitation et l'attentisme.

Régionaliser le confinement aurait été compliqué. Il s'agit d'un mécanisme complexe nécessitant que des textes soient publiés, et cela dans un climat d'urgence. Il est vrai que l'Académie de médecine avait prôné un confinement à la carte, sur une base régionale. Cependant, je conçois qu'un tel confinement a pu apparaître difficile à mettre en œuvre.

Concernant les masques, la décision ayant fondé leur acquisition dans les années 2005, 2006 et 2007 a été prise dans le contexte du virus H5N1, qui avait entraîné une forte mortalité et un risque pandémique important. À cette époque nous ne disposions pas d'antiviraux ni de vaccin. Le masque était alors la seule protection pour que les professionnels puissent continuer de travailler.

L'évaporation des stocks de masques résulte d'un certain nombre de facteurs.

Premièrement, le fait d'avoir fortement attaqué ceux qui avaient préparé un risque pandémique – et, de fait, dépensé beaucoup d'argent – a marqué les esprits.

Deuxièmement, la question de l'utilité du port du masque a été fortement débattue. Aucune étude n'a été menée pour démontrer de manière évidente son efficacité. Nous sommes-là dans le principe de précaution et une incertitude scientifique.

Troisième facteur, le budget. Il est toujours difficile pour les autorités de décider où l'argent doit être investi. Il est plus facile de commander 50 millions de masques plutôt que 600 millions.

Quatrièmement, en matière de santé, nous devons en permanence faire face à un certain nombre d'urgences – le virus du chikungunya à La Réunion, la méningite en Seine-Maritime, etc. De sorte que maintenir le fil d'une préparation, avec les dépenses que cela implique, est compliqué.

Enfin, s'agissant de la question relative à l'interministérialité, je précise que j'ai été délégué interministériel à la lutte contre la grippe aviaire – H5N1. En juin 2005, alors que je venais de prendre mes fonctions de DGS, le secrétaire général de la défense national (SGDN) avait organisé un grand exercice « Préparation à une pandémie grippale ». Je me suis rendu compte, et je l'ai dit, qu'il était essentiel de se préparer très activement, et fin août le ministre Xavier Bertrand m'a nommé délégué interministériel.

J'ai organisé à partir de ce jour-là, tous les mardis matin, une réunion « mardi grippe » et une réunion « infos grippe », durant lesquelles nous passions en revue tout ce qui était nécessaire pour se préparer à une pandémie. Nous avons ainsi lancé une dynamique de préparation du risque.

En 2008, la pandémie n'arrivant pas, cette préparation s'est essoufflée. Il est difficile de maintenir une préparation dans la durée ; toute la question est là. C'est la raison pour laquelle, je suis favorable à une préparation à un risque pandémique général, plutôt que de cibler un agent infectieux. D'autant que l'inventivité de la micro biologie est telle que nous n'aurons jamais affaire au même virus.

Enfin, qui a géré la crise sanitaire actuelle ? Trois cellules de crise ont été mises en place : à l'intérieur, à la santé et aux affaires étrangères, sur décision du Premier ministre, qui en a assuré le pilotage.

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