Intervention de Didier Raoult

Réunion du mercredi 24 juin 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Didier Raoult, directeur de l'institut hospitalo-universitaire Méditerranée Infection :

Je vais vous dire le peu que je sais – les gens qui vous expliquent qu'ils ont compris quelque chose vont au-delà de l'état de la connaissance : on n'en sait rien du tout ! Les maladies infectieuses sont des maladies de l'écosystème, personnel et général. Je m'y intéresse depuis des années, j'ai même publié des travaux sur le phénomène saisonnier ; or je ne le comprends absolument pas. La grippe est appelée influenza di freddo parce qu'elle survient pendant l'hiver dans les pays tempérés. Mais en Afrique, il y a des grippes toute l'année, particulièrement pendant la saison des pluies, et personne ne peut expliquer pourquoi.

Nous avons passé un contrat avec l'Arabie saoudite pour tenter de comprendre les échanges de microbes lors du pèlerinage de La Mecque, où la densité humaine n'a rien à voir avec ce que l'on a connu à Mulhouse : trois millions de personnes qui tournent ensemble. Nous testons depuis dix ans des volontaires qui s'y rendent : on leur fait des prélèvements avant et après, et on regarde avec quoi ils reviennent. Certains reviennent avec la grippe mais il n'y a pas de cas secondaire parce que les conditions météorologiques ne sont pas favorables. Nous avons une théorie pour l'expliquer mais c'est extrêmement complexe. La seule chose que l'on sait, c'est que, dans l'histoire de l'humanité, les épidémies se sont toujours arrêtées, même les pires.

Pour donner un exemple récent, des études sur le SARS à Hong Kong ont permis de trouver un supercontaminateur : un homme qui avait attrapé le SARS a vomi au milieu du couloir d'un hôtel et tous les gens qui étaient à l'étage l'ont attrapé. On estime qu'il a contaminé cent personnes, alors que le ratio moyen de contamination n'est que de deux ou trois. Dix ans plus tard, des techniques sérologiques spécifiques ont permis de déterminer que des gens avaient été infectés jusqu'à cent mètres de l'hôtel, sans que l'on comprenne comment. C'est une des raisons pour lesquelles je suis partisan d'observer et de tester : face à une maladie inconnue, toute opinion est fausse. Même après avoir collecté un maximum de données, il reste encore des inconnues – tant mieux, cela laisse du travail aux chercheurs qui viendront après !

Savez-vous d'où vient la recommandation de se laver les mains pour éviter les affections respiratoires ? Lors d'une étude au Pakistan, des chercheurs ont donné du savon à des groupes de personnes, leur ont demandé de se laver les mains tous les jours et de prendre un bain par semaine, et ont regardé l'évolution du nombre de gastro-entérites, qui appartiennent aux maladies dites manuportées. Puis ils ont comparé les résultats avec les cas de pneumonie. Ils ont eu une énorme surprise : les pneumonies diminuaient autant que les gastro-entérites. C'était la première fois que l'on constatait qu'on évitait les pneumonies en se lavant les mains et que celles-ci étaient le principal vecteur des infections respiratoires. Cette découverte, faite par hasard, n'aurait pu se produire avec nos méthodologistes, parce que l'objectif primaire n'était pas de constater une diminution des pneumonies. La plupart des grandes découvertes sont faites par hasard, elles n'ont pas été prévues, sinon on les aurait testées avant !

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