À l'IHU, où nous avons eu la plus grande concentration de malades de France et probablement une des plus grandes au monde – environ 5 000 personnes infectées y sont passées en deux mois et demi –, le taux d'infection du personnel est plutôt inférieur à celui de la ville entière ; seuls un médecin et un interne ont été contaminés dans tout l'IHU. Le masque est indispensable pour les soignants parce qu'ils travaillent à vingt ou trente centimètres des malades. Nous nous passons les mains à l'alcool cent fois par jour : des distributeurs d'alcool ont été installés partout et vous ne me verrez jamais passer devant l'un d'eux sans l'utiliser. C'est le moyen le plus efficace. Je ne l'ai pas attrapé et je n'ai pas pris d'hydroxychloroquine par prophylaxie.
Ensuite, étant marseillais, j'ai une opinion sur les épidémies : cette ville a été soumise à de nombreuses épidémies – cinq ou six pestes, le choléra… Dans les deux bateaux qui ont été mis en quarantaine, presque tout le monde a fini par être infecté ! Le lazaret, c'est l'inverse : on n'isole que les personnes contaminées, afin qu'elles ne propagent pas la maladie tant qu'elles sont infectieuses.
Je veux dire très solennellement que si j'ai des points de désaccord sur la gestion de la crise, jamais personne ne nous a empêchés de travailler, et nous avons été aidés par nos tutelles – l'agence régionale de santé, la direction générale de la santé. Globalement, nous avons pu mener ce que je pensais être notre devoir : je n'ai pas rencontré d'obstacles, personne ne m'a embêté, à l'exception du conseil de l'ordre, qui m'a convoqué pour me dire que je n'avais pas le droit de parler – je l'ai renvoyé à la Constitution, à la liberté d'expression et d'enseignement. Ils avaient déjà essayé de faire cela avec d'autres de mes collègues et ils avaient perdu devant le Conseil d'État.
À l'avenir, nous aurons besoin de faire des tests. La PCR ne prédit pas très précisément l'infectivité mais l'IHU a des moyens de culture considérables. Nous avons isolé 2 000 souches – je ne sais pas si un autre laboratoire dans le monde en a fait autant – et nous en avons séquencé 500 pour l'instant : cela fait deux fois plus que le reste de la France ! Nous ne sommes peut-être pas un centre national de référence, mais nous en faisons beaucoup ! À partir d'un certain seuil, il reste des acides nucléiques du virus mais le virus est mort, il n'est plus cultivable, donc il n'est plus contagieux. Tous les jours, nous faisions sortir les gens qui n'étaient plus contagieux, soit 25 % des malades. C'est comme cela qu'on gère : tant qu'ils sont contagieux, on les garde. Puis, au bout de trois ou quatre jours, ils n'étaient plus contagieux et on les faisait sortir.