Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

Nous n'avons pas cessé d'agir et c'est pourquoi je souhaitais m'exprimer devant votre commission d'enquête. Depuis le 10 janvier, date à laquelle nous apprenons qu'il s'agit d'un coronavirus, le niveau du centre de crise a été remonté régulièrement. Nous avons anticipé et avons toujours été en avance sur les alertes de niveau international. J'ai quitté le ministère le 15 février. À cette date, il y avait eu douze cas en France, tous importés de Chine ou en lien avec Wuhan : six cas importés de Chine et un cluster, aux Contamines-Montjoie, qui avait été totalement circonscrit. J'ai eu à gérer le stade 1 et, la dernière semaine, le stade 2 de l'épidémie, avec un premier cluster le 6 février.

Pour vous montrer à quel point nous avons anticipé, permettez-moi de vous traduire le risk assesment que le European Centre for Disease Prevention and Control a fait paraître le 14 février. L'ECDC indique qu'à la date du 13 février, on compte quarante-quatre cas importés dans l'Union européenne et en Angleterre, qu'ils sont tous en lien avec Wuhan et qu'il n'y a aucun cas secondaire, c'est-à-dire aucune épidémie dans l'Union européenne. L'ECDC indique encore que le risque, pour la capacité des systèmes de santé dans l'Union européenne, qui résulterait d'une transmission généralisée au plus fort de la saison grippale, est considéré comme faible à modéré. Il ajoute enfin que le risque associé à l'infection par le covid pour la population de l'Union européenne et de l'Angleterre est faible.

C'est ainsi que l'ECDC évalue le risque à la veille de mon départ. Trois semaines plus tôt, le 25 janvier, j'ai déjà demandé à tous les hôpitaux et à toutes les ARS de me faire remonter l'état des stocks de masques, le nombre de respirateurs et notre capacité à dégager des lits. J'ai demandé des protocoles de recherche au professeur Yazdan Yazdanpanah pour évaluer tous les antiviraux permettant de faire face à une épidémie. J'ai demandé des scénarios de virulence, j'ai appelé mes homologues étrangers. J'ai anticipé !

Le 25 janvier, je décide de mettre en tension le système de santé et d'avoir des remontées de terrain pour savoir comment gérer une éventuelle épidémie. Je me projette toujours dans le risque le plus grave : c'est mon rôle et c'est aussi ma sensibilité, ou mon pressentiment, du fait de mes fonctions antérieures. Je mets en branle tout le système dès le 25 janvier, alors que l'OMS a refusé, le 22 et le 23 janvier, de déclarer l'urgence de santé publique de portée internationale (USPPI). C'est d'ailleurs l'une des raisons pour lesquelles j'ai appelé le directeur général de l'OMS le vendredi 24 janvier : je voulais comprendre pourquoi il considérait que ce n'était pas une urgence, alors que j'avais le pressentiment que ce pouvait en être une. L'urgence de santé publique de portée internationale n'a été décrétée par l'OMS que cinq jours plus tard, le 30 janvier. À cette date, j'avais déjà demandé des remontées aux établissements de santé et aux ARS, interpelé les chercheurs ainsi que Santé publique France, et demandé que l'on commande des masques.

Vous m'interrogez sur le rapport remis à Santé publique France par Jean-Paul Stahl. Vous imaginez bien que les rapports d'experts remis aux agences sanitaires ne remontent pas à la ministre. Je n'ai donc pas d'informations là-dessus. En tant que ministre, à la date où le rapport est réalisé, je dois envisager l'ensemble des risques sanitaires. Or, en 2018, on s'inquiétait particulièrement du risque d'attentat chimique.

Le 30 janvier, ce sont des masques FFP2 que nous commandons – j'en prends la décision le 28 janvier. Alors que l'OMS ne parle pas encore d'urgence de santé publique de portée internationale, je décide de constituer un stock d'État de masques FFP2, parce que la doctrine de 2011 ne le prévoyait pas. Je me dis qu'en cas d'infection grave, nous en aurons besoin.

La doctrine de 2011 confiait aux employeurs, aux hôpitaux, aux indépendants, à tous les professionnels de santé, le soin de s'équiper. Avant même que les ARS ne m'informent des besoins sur le terrain – je leur adresse mon courrier le 28 janvier – je me dis qu'il vaut mieux commander des masques et constituer un stock d'État. Les besoins des ARS me sont remontés par une note du DGS le 6 février : j'y apprends que la quantité de masques disponibles pour les soignants est très variable d'un établissement à l'autre. Nous faisons donc partir une commande beaucoup plus importante. Mais je répète qu'à cette date, j'ai déjà constitué un stock d'État de masques FFP2, alors que ce n'est pas la responsabilité de l'État.

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