Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

La ministre n'a pas plus connaissance du niveau nécessaire en masques qu'en comprimés d'iode ou d'antiviraux, en antidotes de gaz sarin ou de gaz neurotoxique, ou en quantité de surblouses de protection contre Ebola. Santé publique France gère des dizaines de produits tout aussi importants. Si une épidémie d'Ebola se déclarait aujourd'hui, on se poserait la question des gants et des tenues blanches, et non celles des masques. Je n'ai pas à savoir la quantité disponible ou nécessaire des dizaines, voire des centaines de produits stockés en réponse aux risques sanitaires, parce qu'ils sont extrêmement nombreux, même si je comprends que l'on se focalise a posteriori sur les masques. Tout doit être prévu et géré de façon équivalente. Le directeur général de la santé porte la même attention à la totalité des produits parce que les risques sont immenses et nombreux. La ministre n'a donc pas à connaître de la totalité des produits en stock – je rappelle qu'il y a 38 000 palettes de stockage à Santé publique France !

Ce dont je dois m'assurer, en revanche, c'est qu'il y a une chaîne de commandement, des gens en charge et des doctrines publiées. C'est ce que j'ai fait : il y a une chaîne de commandement avec la DGS et Santé publique France, et il y a une doctrine, à savoir le COP. Il s'agit de la lettre de mission que je donne à Santé publique France, qui doit proposer des scénarios, travailler avec des experts, faire tourner les stocks, gérer les commandes, contrôler...

Selon vous, il y a quatre fois plus de morts en France qu'en Allemagne. Je ne sais pas répondre à cette question, comme beaucoup d'experts, du reste. Nombre de raisons peuvent expliquer la différence ; ce n'est pas forcément dû à une impréparation du système de santé. Nous avons déployé les tests extrêmement rapidement. Cela peut tenir à la façon dont l'épidémie démarre. Je n'étais plus en fonction à ce moment-là, donc j'exprime ici un sentiment de médecin : le démarrage comme une fusée de l'épidémie, avec de nombreux clusters, a fait déborder le système extrêmement rapidement. L'Allemagne n'a pas connu de situation équivalente ; l'Italie, touchée plus tôt, a été débordée. Est-ce dû au fameux match de foot ? Je n'en sais rien : j'étais en campagne à cette époque-là et je suivais cela dans la presse.

D'un pays à l'autre, la tension sur le système de santé et la mortalité peuvent être différentes. Certains pays qui s'en sortaient bien jusqu'à présent commencent à rencontrer des difficultés, comme la Suède. L'Allemagne a confiné une ville de 100 000 habitants la semaine dernière en raison d'un cluster dans un abattoir. Des mutations pourraient rendre le virus plus ou moins agressif ou pathogène dans certaines régions du monde. La génétique des populations peut également jouer, une population pouvant être plus ou moins susceptible d'attraper le virus. Les réponses des scientifiques viendront avec le temps, mais mettre la différence entre les pays sur le compte de la non-préparation d'un système de santé me paraît être un raccourci. J'ai anticipé, avant les alertes de l'OMS et de l'ECDC.

Nous sommes le premier pays en Europe à avoir effectué des tests. Dès que la séquence du virus a été publiée par les Chinois, autour du 10 janvier, le centre national de référence des coronavirus à l'Institut Pasteur a essayé de produire un test ; cela lui a pris une dizaine de jours. Lorsque nous avons repéré les premiers malades, le 24 février, les tests étaient déjà disponibles à Paris et à Lyon, dans des hôpitaux de référence capables de prendre en charge les malades. Le 25 janvier, l'ECDC félicite la France, soulignant que la détection de ce nouveau virus fonctionne dans notre pays et que celui-ci montre un haut degré de préparation pour prévenir et contrôler de possibles infections au covid-19. Je veux bien qu'on soit les derniers de la classe, mais voilà ce que disait l'ECDC, une instance de la Commission européenne !

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