Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mardi 30 juin 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Agnès Buzyn, ancienne ministre des solidarités et de la santé :

Sur la liste DGS-urgent, la première alerte sanitaire est envoyée le 14 janvier à 800 000 professionnels libéraux – quel que soit leur métier, infirmières, kinésithérapeutes ou médecins –, alors que les ARS et les sociétés savantes avaient été alertées le 10 janvier. Je ne reçois pas moi-même ces alertes, mais ce sont les informations dont je dispose d'après les comptes rendus du centre de crise. Peut-être pourrez-vous d'ailleurs les récupérer.

Dans la semaine où l'on organisait le rapatriement des Français de Wuhan, j'ai demandé au professeur Yazdanpanah et à toutes les équipes susceptibles d'accueillir des rapatriés de me proposer un document de consentement éclairé sur les tests, validé par un comité de protection des personnes. Lorsque les rapatriés arrivent, nous ne savons absolument pas ce que nous devons faire si par exemple une personne est testée négative : faut-il refaire le test le lendemain, ou le surlendemain ? Je demande à un groupe d'experts de réfléchir à ce que nous allons leur proposer.

Quand l'avion arrive le 31 janvier, j'accueille des gens épuisés, qui ont été confinés à Wuhan pendant huit jours sans savoir s'ils allaient pouvoir rentrer en France. Pour rejoindre les bus affrétés par l'ambassade de France, ils ont dû traverser à pied la ville de Wuhan – une ville déserte, dans laquelle les transports ne fonctionnent plus –, parfois sur des kilomètres avec leur valise. Une fois arrivés à l'aéroport, ils ont attendu plusieurs heures avant de subir une forme de tri – certains avaient des problèmes de passeport ou étaient binationaux ; s'est aussi posée la question de savoir si les gens malades ou montrant des symptômes légers pouvaient être autorisés à monter dans l'avion, et s'ils pouvaient y être isolés. Après douze heures d'avion, ils sont finalement arrivés à Istres. Je vois des gens éreintés, avec des enfants, et qui tous portent des masques.

Nous opérons alors un nouveau tri ; c'est le service de santé des armées qui l'organise de façon absolument remarquable. Il met en place une tente, distribue une collation puis un arrêté de mise sous quarantaine car en réalité, on va les enfermer ; c'est l'article L3131 du code de la santé publique qui permet d'obliger les gens à rester en quarantaine, alors que certains pourraient avoir envie de rentrer dans leur famille. Ce document leur notifie qu'ils n'auront pas le droit de sortir et ce qui les attend. Sur la base aérienne d'Istres, on trie ceux qui ont des symptômes ; il y en a trois, et ils sont envoyés au CHU de Marseille pour être testés. Les autres vont bien, ils sont mis en quarantaine ; je propose que ces familles soient nourries et que nous les laissions dormir pour que tout le monde soit testé le lendemain matin, avec un protocole déterminant ce que nous ferons si le test est positif ou négatif. Je laisse alors la décision à un comité d'experts, car ce n'est pas à moi de décider, mais je n'ai en effet pas autorisé que l'on teste des personnes en bonne santé, épuisées, qui vont être enfermées en quarantaine dans une chambre d'hôtel, car cela n'aurait rien apporté sauf une source de stress supplémentaire. Le lendemain, alors qu'ils ont pu se reposer, ils disposent d'un consentement éclairé avec avis d'un comité d'éthique ; ils sont tous testés en ayant connaissance ce que nous allons faire en fonction du résultat.

C'est ce dispositif-là que j'ai préparé, car je voulais que les choses soient faites dans le bon ordre.

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