Jérôme Salomon a été mon conseiller en sécurité sanitaire. C'était un excellent conseiller, un spécialiste reconnu, parfaitement au point sur les dossiers. J'avais avec lui une relation de confiance et il m'a épaulé dans toutes les crises que j'ai eues à gérer.
Jérôme Salomon m'a fait des recommandations et, en lien avec le directeur général de la santé, nous avons transformé le paysage de la sécurité sanitaire. La plupart des notes qu'il m'a remises se sont traduites par des décisions et des changements.
Le premier de ces changements est la création d'une agence intégrée, Santé publique France. Le paysage sanitaire était alors éparpillé, avec parfois des doublons, sans parler des enjeux financiers ou organisationnels, des difficultés à coordonner les connaissances scientifiques, le travail de recherche, de prévention, d'élaboration des messages et la mise en place des données opérationnelles.
C'est la raison pour laquelle, en 2013, j'ai demandé à M. Benoît Vallet – nouveau DGS – et à Mme Françoise Weber – présidente de l'Institut national de la veille sanitaire (INVS) – de faire un point sur ce qui existait à l'étranger et d'identifier les différentes options. C'est ainsi que nous avons créé Santé publique France.
Deuxième dossier : l'organisation d'une réponse aux situations d'urgence sanitaire, qui a été activée pendant la crise du covid. Le pan ORSAN, créé en 2014, est décliné en cinq catégories de risques, dont le risque pandémique. La DGS a envoyé une circulaire à toutes les agences régionales de santé qui a impliqué un bouleversement de notre organisation.
Pour donner de la force à ORSAN, je l'ai inscrit dans la loi de modernisation du système de santé promulguée au début de l'année 2016. Le 6 octobre 2016, un décret en Conseil d'État a défini ses modalités d'application. Au même moment, un guide d'utilisation a été envoyé aux préfets et aux ARS. Il précise la manière dont fonctionne ORSAN, les questions qu'il faut poser, la façon dont le dialogue doit se nouer avec les établissements de santé, les établissements médico-sociaux et les professionnels libéraux.
Troisième mesure : un portail unique des vigilances, à la suite du rapport, fin 2013, de l'ancien directeur de la santé, Jean-Yves Graal, sur la réorganisation du système d'alerte et de vigilance.
J'ai déjà parlé de la plateforme de Vitry-le-François et des exercices. Sur proposition de Jérôme Salomon, nous avons également créé un poste de directeur général de la santé adjoint, nommé en conseil des ministres, chargé de la coordination des agences sanitaires.
Je n'en ai pas parlé avec lui, mais au moment où Jérôme Salomon fait le choix de soutenir la candidature d'Emmanuel Macron, je pense qu'il estime que la culture de l'urgence et de l'exception est trop inégalement partagée en France. Nos hôpitaux ont montré leurs savoir-faire en matière d'urgence et leur réactivité, mais toutes les agences régionales de santé n'ont pas la même culture et la même aptitude face à l'urgence. La préoccupation de Jérôme Salomon – mais également la mienne – était de s'assurer que chacun saurait s'emparer de la même manière et au même moment des moyens opérationnels disponibles.
À tous les échelons de la vie nationale, il est possible d'être confronté à ce problème : on prend des décisions, on fait des exercices, on donne des moyens, mais il faut une acculturation – il faut le reconnaître, la culture de l'urgence est particulière.
Vous m'avez également interrogée sur les moyens stratégiques et les informations relatives aux stocks stratégiques de masques. Il y avait régulièrement des réunions. Elles ne se déroulaient pas toutes à mon niveau, mais j'en avais connaissance. Des réunions mensuelles se tenaient entre mon directeur de cabinet et le directeur de Santé publique France – auparavant avec le directeur de l'EPRUS – mais aussi, vraisemblablement toutes les semaines, entre le directeur général de la santé et les différents opérateurs de l'État, et toutes les semaines – si ce n'est davantage – entre le directeur général de la santé et moi-même.
À ces occasions, il est arrivé qu'on me fasse remonter des difficultés. En revanche, à aucun moment, la question des masques n'a été évoquée. Ce sujet ne faisait pas non plus l'objet de discussions avec mes homologues étrangers, alors que nous étions confrontés aux mêmes défis et que nous échangions régulièrement.
En revanche, on m'a expliqué que nous n'avions pas besoin de maintenir les masques FFP2 dans les stocks stratégiques puisqu'ils étaient réservés à des actes limités. On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de cette position : ne faudrait-il pas un petit stock tampon ? On m'a également dit que les masques n'avaient pas de date de péremption et qu'avec 730 millions de masques, nous étions donc en mesure de faire face aux différents risques. Il y a quelques semaines, si nous avions disposé de ces stocks, la situation aurait été, au moins psychologiquement, différente.
Vous avez évoqué les moyens tactiques. Ceux-ci sont définis au niveau des zones de défense. Un préfet et une ARS sont responsables de ces moyens, en lien avec des établissements de référence – CHU, SAMU, SMUR, et parfois les établissements médico-sociaux. Le 21 août 2013, avec Manuel Valls, alors ministre de l'intérieur, nous avons publié une circulaire pour définir le circuit de distribution des produits de santé et des masques. Une série d'actions, diligentées par la DGS, a permis d'informer les différents acteurs.
À partir de 2014, un système informatique permet aux établissements de renseigner les moyens dont ils disposent. Le renseignement des informations relatives aux stocks de masques y est facultatif.
En avril 2017, peu avant mon départ, François Bourdillon, directeur de Santé publique France, a demandé au directeur général de la santé de faire un point de l'état de renseignement de l'application. Son avis était très positif. Je le tiens à votre disposition.