Intervention de Marisol Touraine

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Marisol Touraine, ancienne ministre des affaires sociales et de la santé :

Chaque ministre, chaque gouvernement, a son organisation. J'ignore comment ils fonctionnent. À titre personnel, si je n'avais pas disposé de ces informations, je me serais fâchée très fort ! Ma successeure souhaitait peut-être avoir un regard direct sur certains sujets et n'a pas délégué les mêmes compétences ou responsabilités que moi au DGS, au directeur général de l'offre de soins (DGOS) ou au directeur de la sécurité sociale (DSS).

Je ne peux expliquer que ce que j'ai fait, ce qui m'a animé pour défendre des valeurs et des idées. J'ai défendu une politique de sécurité sanitaire et de prévention à partir d'un cadre politique. Ce n'est pas uniquement une question de chiffres, de statistiques ou d'additions.

Les ARS ont été créées dans un projet de loi défendu par Roselyne Bachelot. J'ai voté pour leur création. C'était une bonne décision, mais l'échelon départemental constitue leur principale faiblesse : si la direction générale des ARS est très solide, les compétences des directeurs et directrices départementaux sont plus variables. Il faut leur offrir des perspectives ; un important travail de ressources humaines reste à effectuer.

Concernant l'EPRUS, je vous renvoie au rapport Delattre. Il est élogieux sur la création de Santé publique France et m'invite en 2015 à faire des économies sur l'EPRUS ! Or on l'invoque désormais pour me reprocher de n'avoir pas consacré suffisamment de crédits à l'EPRUS ! Au moment de la grippe H1N1, l'EPRUS n'avait pas consommé d'importantes dotations financières. Nous n'avons pas réduit le budget de l'EPRUS, mais les dotations de l'État et de la sécurité sociale, afin de consommer les fonds de roulement considérables de l'établissement. Les dépenses annuelles de l'EPRUS – le rapport Delattre le montre très bien – étaient chaque année supérieures aux dotations de l'État et de la sécurité sociale car il consommait ses réserves. Je me sentais aussi responsable de la bonne gestion publique : les fonds de roulement ont diminué, mais les dépenses ont été maintenues. Être ministre, c'est aussi se préoccuper des déficits, du budget, de l'organisation et de la soutenabilité des politiques.

On peut s'interroger sur la double dotation de l'État et de la sécurité sociale – les cofinancements sont toujours compliqués. J'ai suivi une recommandation et fait basculer le financement de l'EPRUS du côté de la sécurité sociale, plutôt que de celui de l'État, afin de le sanctuariser. La direction de la sécurité sociale de mon ministère n'était pas enthousiaste, mais le budget de la sécurité sociale augmentait plus que le budget de l'État. J'ai pensé que cette décision permettrait de protéger les financements de l'EPRUS.

Concernant les lits, pendant les cinq ans où j'ai été ministre, il y a eu une légère augmentation, de 735 lits en médecine. Vous pouvez le vérifier dans les documents publiés annuellement par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES). Le nombre de lits de réanimation a été stabilisé. En 2009, il y avait 6 200 lits de réanimation, 4 800 en 2012, puis 5 000 en 2013 et les années suivantes. Même si le sujet est annexe, je ne peux que souscrire aux propos de Mme Buzyn, les modalités de comptabilisation de lits en réanimation diffèrent d'un pays à l'autre. Ainsi, l'Allemagne et la Grande-Bretagne n'utilisent pas la même méthode que celle de la France – plus complexe à mon sens.

Il y a donc eu une légère augmentation des lits en médecine, une stabilisation des lits en réanimation, et une baisse d'environ 10 000 lits de chirurgie, au profit de la chirurgie en ambulatoire. J'assume cette évolution : la France était très en retard par rapport à d'autres pays européens. En 2013-2014, elle ne pratiquait que 36 % des actes de chirurgie en ambulatoire alors que les pays du Nord étaient déjà à plus de 60 %.

On ne peut pas demander à la médecine de ville de prendre ses responsabilités, souhaiter que l'hôpital ne soit pas l'unique lieu d'accès aux soins ou vouloir décharger les urgences hospitalières, sans mener une politique résolue pour soutenir la médecine de ville et organiser des filières. C'est pour cela que j'ai créé 1 200 maisons de santé, des communautés territoriales professionnelles de santé et que j'ai généralisé le tiers payant – une manière d'éviter le recours aux urgences. La médecine ambulatoire permet aussi de renforcer l'hôpital, mais cela implique une diminution des lits en chirurgie.

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