Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé et des sports de 2007 à 2010 :

Vous avez souhaité m'entendre dans le cadre de la commission d'enquête relative à la pandémie de Covid 19, qui continue à sévir.

Vous l'avez rappelé, madame la présidente, j'ai été moi-même, en ma qualité de ministre de la santé, confrontée à la pandémie de grippe A (H1N1), qualifiée ainsi par l'OMS. Cette audition était donc parfaitement légitime. J'ai bien compris qu'il ne s'agit pas de rouvrir une commission d'enquête sur la pandémie de 2009, d'autant que les travaux de l'Assemblée nationale ont été particulièrement exhaustifs sous la présidence de M. Jean-Christophe Lagarde. Mon audition, le 15 juin 2010, a duré trois heures trente. Elle fut complétée par les auditions de nombreux responsables et par la transmission de tous les documents nécessaires. Il convient également de rappeler qu'une commission d'enquête fut diligentée par vos collègues sénateurs. Aucun élément dans les dix années qui ont suivi, et qui ont pourtant été riches en interrogations et en mises en cause, n'a pu soutenir que j'avais alors fait des déclarations fausses ou simplement incomplètes, voire invalidées a posteriori. Bien au contraire !

Ma conduite et mes décisions ont été guidées par plusieurs principes.

Conduire une politique, ce n'est pas suivre une croyance ou, encore moins, faire un pari. En matière de pandémie infectieuse, il ne peut y avoir qu'une seule conduite : celle de la prévention maximale, appuyée sur des mesures de précaution denses et larges. Toute déchirure dans la grille de la raquette sera une clé d'entrée d'un virus toujours sournois.

La décision doit être étayée de façon scientifique, mais je reprendrai volontiers le mot de John Maynard Keynes parlant des économistes, pour qualifier le rôle des scientifiques : il convient de ne pas les mettre au volant, mais de les installer sur la banquette arrière du véhicule. L'expertise doit donc également être pluridisciplinaire et faire appel largement aux sciences humaines et sociales.

Le troisième principe est de considérer qu'aucune pandémie ne ressemble à une autre et qu'il faut se méfier des leçons du passé et des fameux retours d'expérience dont nous sommes si friands. Les plans de lutte imaginés à froid sont des brodequins d'acier qui contraignent la décision politique. Nous avons besoin d'outils, non de procédures.

Dans ce cadre, je me garderai bien de donner des leçons à mes successeurs ni de juger leur action tant je connais la difficulté de leur tâche. Je ne suis pas devant vous pour faire des commentaires ou exprimer des opinions, mais bien pour expliquer la genèse et la mise en œuvre de mes décisions.

Je formulerai en conclusion de ce propos liminaire une remarque et un souhait.

Dans cette pandémie, j'ai reçu le soutien sans faille du Président Nicolas Sarkozy et du Premier ministre François Fillon. Ils ont appuyé et souvent guidé mes choix sans jamais les empêcher ou les ralentir par des considérations budgétaires. La tenue de cette commission d'enquête est, pour moi, l'occasion de leur exprimer publiquement ma reconnaissance et mon respect. Soyez-en remerciés.

Mon souhait est que nous construisions ensemble une société résiliente face aux risques sanitaires, technologiques ou environnementaux. Cette lutte ne saurait relever simplement de décisions des acteurs publics, mais d'une véritable culture du risque diffusée dans l'ensemble de la société. Il n'y a pas, d'un côté, des politiques vilipendés et mis en accusation et, de l'autre, des citoyens parés de toutes les vertus et quasiment sanctifiés ; j'ai pu mesurer les sacrifices, l'ingéniosité, le sens du bien commun de tant de Français, qu'ils soient soignants, personnels des administrations, ministres et membres de leurs cabinets. Tous ceux et celles qui assurent notre vie au quotidien pendant ces crises, qu'ils et elles trouvent l'expression de ma reconnaissance !

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