Cher Jean-Pierre Door, je suis une tenante de la politique des masques. Je pense que, lors d'une pandémie de type respiratoire, il faut absolument avoir une politique de masques préparée très à l'avance, car ce n'est pas au moment où la pandémie se déclare qu'il est possible de s'en procurer. C'est la raison pour laquelle j'avais constitué ce stock d'un milliard de masques chirurgicaux, 728 millions de masques FFP2, que j'ai complété par 500 millions de masques à la fin de la pandémie de grippe afin d'assurer à mes successeurs un stock valable et vérifié.
En possession du stock de masques légué par mes prédécesseurs, Philippe Douste‑Blazy et Xavier Bertrand, que je suis heureuse de saluer amicalement car ils m'ont procuré des outils tout à fait utiles en cette pandémie, j'ai commencé par faire vérifier la qualité de ce stock par le Laboratoire national de métrologie et d'essais (LNE), car encore fallait‑il que les masques soient en bon état. Le laboratoire a procédé à des échantillonnages qui ont permis d'assurer cette vérification.
Je reviendrai peut-être plus complètement, au détour d'une autre question, sur la politique vaccinale, qui est également essentielle. Dans quelques semaines, quelques mois – le plus tôt, je l'espère –, le Gouvernement sera confronté aux problématiques de la vaccination, et il peut être intéressant d'évoquer cet aspect.
Donc, tout d'abord, une politique de masques est essentielle, et ne s'entend pas uniquement en termes de niveau des moyens matériels.
J'ai également équipé les hôpitaux en ce que l'on appelle des « ECMO » – extracorporeal membrane oxygenation –, ces appareils d'oxygénation extracorporelle, pour que les hôpitaux soient pourvus au moment où les malades arriveraient en détresse respiratoire. Certains réanimateurs m'ont d'ailleurs appris que, dans les hôpitaux, on les appelait des « Bachelot ». Cela m'a amusée.
Tout de suite, avec l'Institut Pasteur, nous avons livré une politique de tests. C'était également important, et je salue l'Institut Pasteur dont la réactivité, dès le 5 mai, après que l'identification du génome nous a été transmise par les CDC – centers for disease control and prevention, centres pour le contrôle et la prévention des maladies – américains, a permis, à partir de courtes séquences du génome, de mettre au point des tests PCR pouvant détecter la grippe A (H1N1) en douze heures.
Outre ces trois opérations d'équipement, nous en avons mené d'autres qui relevaient plus de la logistique sanitaire : d'abord, pour les personnes venant de pays cibles de la pandémie, nous avons mis en place la prise de température dans les aéroports suivie de l'isolement et du confinement des malades détectés ; puis, dès le début de la pandémie, nous avons engagé une politique de gestes barrière qui s'est révélée particulièrement efficace, puisqu'elle a pratiquement supprimé les épidémies d'infections saisonnières hivernales. Cela a été un véritable succès, dont on peut regretter qu'il ne se soit pas prolongé par la suite.
J'ai voulu que l'ensemble des stratégies et des achats soit ainsi fait. Je ne pense pas avoir oublié quoi que ce soit dans cette stratégie.
Le second volet de votre question était de savoir s'il y avait eu des failles dans cette stratégie, dont on pourrait se prévaloir pour avancer de façon plus constructive.
Vous avez parlé de l'EPRUS. Je ne l'ai pas créé, c'est mon prédécesseur, Xavier Bertrand, qui l'a fait en 2007, juste avant que je prenne les commandes du ministère de la santé. C'est un outil tout à fait remarquable. Il faut qu'il conserve son autonomie, parce que la temporalité d'un établissement de préparation et de réserve à l'urgence sanitaire ne peut pas se mêler avec des temporalités d'urgence. Avec l'EPRUS, nous sommes sur le temps long et, lorsque l'on mélange les contingences quotidiennes avec l'anticipation à long terme, les contingences quotidiennes l'emportent toujours, hélas !