Intervention de Roselyne Bachelot

Réunion du mercredi 1er juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la santé et des sports de 2007 à 2010 :

À la suite de l'épidémie de grippe aviaire (H5N1), a été créée une délégation interministérielle de lutte contre la grippe aviaire (DILGA). Il était d'ailleurs intéressant de constater qu'il ne s'agissait pas d'une délégation interministérielle à la grippe ou à la pandémie, mais bien à la grippe aviaire.

Je reviens à ce que je disais dans mon propos liminaire à propos des plans et des brodequins d'acier. Ce plan tout à fait bien armé et cette DILGA ont peut-être été une des difficultés que j'ai eues à surmonter lors du passage entre le ministère de la santé et le ministère de l'intérieur. Certains outils m'ont été utiles, comme le centre opérationnel de régulation et de réponse aux urgences sanitaires et sociales, le fameux Corruss, sorte de war room permettant de prendre les dispositions logistiques pour gérer une crise pandémique. Je pense néanmoins qu'il faut aller vers des structures plus souples, poser les outils mais éviter les procédures.

Les ARS ne sont pas intervenues directement dans cette crise, puisque, préfigurées en avril 2009, elles étaient mises sur pied en avril-mai 2010. Je les ai voulues comme une structure de régionalisation de la santé regroupant en leur sein pas moins de dix administrations de l'État et de la sécurité sociale, car – et la crise que nous venons de vivre le montre à nouveau – l'administration en tuyaux d'orgue des systèmes sanitaire, social et médico-social est un véritable problème dans notre pays.

J'ai voulu que les personnes nommées à la tête des ARS le soient selon une procédure profondément originale puisque j'ai moi-même fait appel à un cabinet de recrutement, qui m'a proposé des listes de candidats, ainsi triés. Je les ai tous reçus, chacun au moins pendant une heure à une heure et demie. J'ai ensuite proposé au Premier ministre, puis au Président de la République, mes vingt-six directeurs d'ARS, dont j'ai voulu qu'ils soient d'origine pluridisciplinaire. Tous mes choix ont été validés, à part deux, qui étaient d'ailleurs mon second choix.

Je ne peux que regretter que, par la suite, le poids de l'administration ait été tel que chaque fois qu'un ministre veut reclasser un directeur de cabinet dont il a assez, il propose de le nommer à un poste tel que celui-ci, qui relève d'une nomination dite « en conseil des ministres ». C'est une plaisanterie ; j'ai ouvert la parenthèse et la referme.

Les ARS étaient, de mon point de vue, une administration de combat souple, destinée à casser l'organisation en tuyaux d'orgue, qui surtout préfaçait, pour moi, une organisation régionalisée du système de santé qui devait, à terme, déboucher sur des ORDAM – objectifs régionaux de dépenses d'assurance maladie. Telle était ma vision des ARS.

Évidemment, une caractéristique de la gouvernance française est que ce ne sont pas les ministres auteurs des réformes qui les mettent en œuvre. J'ai quitté le ministère de la santé quatre mois après l'installation des agences régionales de santé. Il fallait à cette affaire un pilotage politique fort et engagé. Sans ce pilotage politique fort, c'est un pilotage technocratique qui prend la main. Il s'agit là d'une réflexion générale, bien sûr. De surcroît, l'administration de la santé, contrairement à un lieu commun et de façon contre-intuitive, est une administration sous-administrée : quand on manque d'hommes, on fait des circulaires !

Je demeure néanmoins persuadée que les ARS sont un outil indispensable. Je ne peux que regretter que la désastreuse réforme territoriale de 2015, se traduisant par la réduction du nombre des régions, leur ait porté un coup fatal, obligeant cette administration adolescente à se reconfigurer.

Vous me parlez de conflits d'intérêts. Toutes les commandes ont été passées sous ma responsabilité. Donc, on pourrait me soupçonner de conflit d'intérêts.

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