J'ai déjà en partie répondu à votre question en indiquant qu'il convient que notre société devienne résiliente dans une prise de responsabilité des citoyens.
Le 3 juillet 2009, j'avais enjoint au directeur général du travail, Jean‑Denis Combrexelle à l'époque, de sortir une circulaire sur la continuité de l'activité économique, prévoyant une réserve de masques dans les entreprises, en particulier de masques FFP2 pour les salariés en contact avec le public, ainsi que pour les personnels qui manient les déchets et les ordures ménagères, et lui avais enjoint de procéder à ces achats de masques, sur le compte des entreprises, et non sur celui de l'État, par l'intermédiaire de l'Union des groupements d'achats publics (UGAP). Ce courrier lui a été adressé le 3 juillet 2009 – nous n'avions donc pas encore le premier cas – car je voulais que l'activité économique soit ainsi préservée.
Dès lors que la prise de responsabilité est diffusée dans le public, je pense que le respect des mesures barrière est mieux accepté. Si c'est l'État qui demande de porter un masque, on rechigne à le faire. D'abord, on n'aime pas le ministre, parce qu'on ne soutient pas sa politique et parce que, de toute façon, il vit probablement dans un palais doré, avec des meubles Louis XV, où des huissiers à chaîne lui ouvrent la porte, il ne peut donc pas connaître la réalité des choses. Mais si, dans votre entreprise, un référent pandémie vous indique qu'un stock de masques a été constitué et réunit les salariés pour leur expliquer comment s'en servir, je pense que l'on peut faire en sorte que les mesures barrière soient acceptées. De même, on peut passer par des lieux de théâtre, de culture, d'éducation. C'est par la diffusion de ces mesures au sein de la société que nous parviendrons à une société résiliente.
Tout ce qui viendra d'en haut ne sera pas accepté. Cela donnera lieu à un procès politique, d'autant que la politique française s'est profondément émiettée. Les dernières élections municipales l'ont montré. J'ai été frappée par l'abstention et le nombre de maires élus de façon minoritaire. Ce n'était pas l'habitude dans notre pays. Désormais, certains maires géreront les villes avec les suffrages de 15 % des inscrits. Quand, avec une abstention de 60 %, on obtient 40 % des voix, le calcul est facile à faire ! La parole politique est tellement décrédibilisée et émiettée que tout ce qui paraîtra venir d'en haut sera ressenti comme une atteinte aux libertés individuelles. Cette société résiliente doit donner la parole et la responsabilité aux citoyens. Ils peuvent d'ores et déjà la prendre, et il le faut, car c'est la seule façon d'y parvenir.