Je vous remercie de nous permettre de faire ce retour d'expérience au titre des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, qui a été un CHU particulièrement exposé, puisqu'il a été atteint par cette vague épidémique plus tôt que les autres.
Je suis, pour ma part, accompagné du professeur Jean-Marie Gagnon, président de la commission médicale d'établissement, qui a copiloté avec moi la cellule de crise, et de M. Rodolphe Soulié, directeur adjoint qui, lui, a coordonné la cellule territoriale.
Vous retrouverez dans ce rapide propos introductif beaucoup d'éléments déjà mentionnés par Martin Hirsch.
Le CHU de Strasbourg a été très tôt concerné par cette vague épidémique. Nous avons hébergé notre premier patient le 25 février ; le 3 mars, nous avions un premier patient en réanimation et, le 16 mars, il y avait 149 patients covid, dont 54 en réanimation ; le 2 avril, nous atteignions notre pic avec 601 patients, dont 180 en réanimation, ce qui donne une idée de la cinétique de l'épidémie.
Dès le début de cet épisode, ainsi que nous l'avions d'une certaine manière anticipé lors de réunions préalables, nous avons opté pour une gestion de crise assez identique à celle qui vient d'être décrite pour l'AP-HP. Nous avons donc réuni une cellule de crise autour du directeur général et du président de la CME, avec l'ensemble des ressources mobilisables, pour transformer en profondeur notre CHU, en d'autres termes le rendre compatible avec la prise en charge du covid.
Cela s'est fait selon trois axes essentiels. D'abord la déprogrammation massive d'activités, ensuite une transformation capacitaire très importante, enfin le redéploiement et la formation coordonnés du personnel.
La cellule de crise a siégé pendant quarante jours, quasiment sans discontinuer, assumant à la fois une réflexion de fond sur les transformations capacitaires et les décisions infra-quotidiennes qu'il nous fallait prendre pour toujours garder deux ou trois jours d'avance sur la progression de l'épidémie, notamment en ce qui concerne nos capacités de réanimation.
Parmi les mesures que nous avons prises, figurent la création d'une plateforme de régulation spécifique pour décharger le 15, et la mise en place d'un centre ambulatoire de dépistage, ce qui a nécessité un gros déploiement de moyens.
Nous avons également porté une attention toute particulière aux dispositifs de protection des personnels, notre doctrine étant l'éviction de toute personne ayant été testée positive.
L'essentiel de notre action a cependant concerné la transformation de nos capacités, ce qui nous a permis de disposer, au plus fort de la crise, de 425 lits affectés à des patients covid, alors que l'unité des maladies infectieuses n'en comportait à l'origine que quarante. Nous avons surtout – et ce fut là l'enjeu le plus important en termes d'équipes et de matériels – multiplié par 2,5 nos capacités de réanimation – quasiment par 3 à l'échelle du territoire.
Nous avons bénéficié pour ce faire de renforts homothétiquement semblables à ceux de l'AP, soit environ un millier de personnes, dont 500 venant de l'extérieur.
En ce qui concerne la coordination territoriale, elle a été animée par le CHU sur son territoire et par l'ARS pour ce qui concerne la région, les autorités préfectorales ayant joué, aux côtés de l'agence, un rôle fondamental.
Je voudrais insister à mon tour sur le fait que, si nous avons réussi à passer le pic de crise, c'est grâce à la solidarité nationale et internationale qui a rendu possible une politique de transferts dès le 22 mars, date à laquelle a eu lieu le premier transfert à destination de l'Allemagne, tandis que, le 26 mars, le premier train médicalisé quittait Strasbourg. Je rejoins donc les propos de Martin Hirsch et ai été heurté par les polémiques récentes sur l'intérêt des évacuations sanitaires : elles ont été indispensables pour permettre à chaque patient de pouvoir bénéficier des soins adaptés à son état.
Sur les 1 856 patients que nous avons accueillis au CHU de Strasbourg, dont 492 en réanimation, tous ont pu bénéficier des soins adaptés à leur état, y compris en réanimation lourde, et ce, grâce à ces dispositifs d'évacuation sanitaire. Cela a été capital et doit être souligné.
Je voudrais à mon tour insister également sur ce qu'a été l'effort exceptionnel de notre communauté hospitalière et sur la solidarité qui s'est manifestée chez tous les acteurs du territoire, qu'ils appartiennent au secteur public ou au secteur privé. L'État, enfin, s'est montré un partenaire de qualité, en permettant à chaque patient de pouvoir bénéficier d'une prise en charge appropriée.