Intervention de Martin Hirsch

Réunion du lundi 6 juillet 2020 à 17h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Martin Hirsch, directeur général de l'Assistance Publique – Hôpitaux de Paris :

Certainement, monsieur le rapporteur, en rappelant que je viens de prêter serment comme, j'imagine, le professeur Raoult.

J'ai en effet réagi sur deux accusations graves qui ont été portées. La première concerne un patient atteint du covid que, par ignorance et par incompétence, nous aurions renvoyé chez lui, où il aurait contaminé sa fille, avant d'être hospitalisé de nouveau. C'est un mensonge, ainsi que peuvent en attester les revues scientifiques puisqu'elles ont recensé et décrit les premiers cas.

Le patient dont il est question a été admis dans un service d'urgences, le samedi 25 janvier. Il n'a effectivement pas été considéré comme atteint du covid, compte tenu des critères alors diffusés par Santé publique France, mais a été traité comme tel, c'est-à-dire qu'il a été équipé d'un masque, tout comme les personnels soignants qui en avaient la charge. Il n'est jamais ressorti de l'hôpital mais a été transféré en réanimation dans le centre de référence de Bichat. Pour des raisons documentées, ce patient est décédé, mais sa fille, également prise en charge, a, elle, été sauvée.

Je réfute donc ce qui a été dit sur notre négligence ou notre incompétence, c'est factuellement faux.

La seconde accusation concerne les taux de mortalité en réanimation. Il a été question d'un taux de 43 % à l'AP-HP – chiffre avancé d'après un document datant du 14 avril, alors que l'audition se déroulait fin juin. Ce taux de 43 % a été mis en regard du taux de mortalité à Marseille, qui n'aurait pas dépassé les 16,7 %, laissant sous-entendre qu'avec un taux de mortalité trois fois plus élevé, nous serions des criminels et que nous aurions laissé mourir nos patients parce que nous refusions de leur donner un certain médicament.

Je dois attirer votre attention sur plusieurs points. En premier lieu, personne ne peut encore donner à l'heure actuelle le taux de mortalité définitif dans les services de soins critiques de l'AP-HP, pour la simple raison qu'il y a encore des patients en réanimation et que nous espérons les sauver ; ce taux ne sera donc connu que dans quelques semaines.

Cela étant, si l'on se fonde sur le décompte officiel de la Direction générale de la santé, qui demande à chaque établissement de santé de recenser tous les patients hospitalisés dans les services de soins critiques, le taux de mortalité pour l'AP-HP s'établit aujourd'hui à 25 %. On peut également se fonder sur une cohorte que nous avons élaborée pour l'étudier et d'où il ressort que ce taux se situerait entre 31 et 35 %.

Le taux de mortalité n'est donc en aucun cas de 43 %. Je ne prétends pas connaître ce taux pour Marseille. J'attire juste votre attention sur le fait que, pour être pertinentes, ces comparaisons doivent prendre en compte de nombreux facteurs.

Nous savons dire, à l'AP-HP, que, pour 10 % des patients en réanimation, il a fallu avoir recours à la circulation extracorporelle à cause de graves défaillances respiratoires. Je ne sais pas ce qu'il en est pour les autres établissements, mais nous savons, par exemple, que ce taux est beaucoup plus élevé qu'en Italie, ce qui signifie qu'il s'agit de patients beaucoup plus sévères.

Ensuite, selon le nombre de patients à prendre en charge, vous pouvez, si ce nombre est faible, admettre en réanimation des patients plus légèrement atteints ; s'il est très élevé, vous n'y admettrez que les patients les plus graves. Cela a évidemment une incidence sur le taux de mortalité.

Les comparaisons doivent reposer sur des études sérieuses, et c'est la raison pour laquelle nous avons lancé le programme Covid-ICU – Intensive Care Unit – une étude permettant d'étudier de manière détaillée le comportement des patients en réanimation. On sait par exemple que le taux de mortalité des patients de plus de quatre-vingts ans en réanimation est bien plus élevé que les autres, ce qui fait que, selon que vous avez 4 ou 6 % de patients de plus de quatre-vingts ans dans un service, votre taux de mortalité global s'en trouvera considérablement modifié.

Si vous ne connaissez pas l'âge des patients ni les facteurs de comorbidité, ni la gravité de leur état, il est impossible d'établir de comparaison. Et, à ma connaissance, aucune étude scientifique comparative n'a, à ce jour, été publiée. Je ne me prononce donc pas sur ce qui s'est passé ailleurs ; j'affirme que ce qui a été dit et sous-entendu sur les hôpitaux de l'AP-HP est contraire à la réalité des chiffres.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.