Intervention de Frédéric Valletoux

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) :

La Fédération hospitalière de France est une association qui fédère l'ensemble de l'offre de soins publics. Il ne s'agit pas d'une maison des directeurs ni d'une maison des médecins : elle fonctionne en donnant la voix à la pluralité des communautés hospitalières. Nos instances sont composées d'un tiers d'élus locaux qui sont parties prenantes de la gestion des établissements, d'un tiers de médecins et d'un tiers de cadres de direction. C'est une fédération, c'est-à-dire que nous sommes présents dans toutes les régions.

J'aimerais rappeler en premier lieu – c'est le principal enseignement de cette crise et les Français l'ont vu de leurs yeux – que l'hôpital public a tenu. Dans son fonctionnement, dans son organisation, l'hôpital public – qui a fait l'objet de nombreuses réformes ces dernières années et qui est sujet de tant de débats – a réussi à faire face, malgré tout, et dans l'état dans lequel il se trouve. Il a démontré sa capacité d'adaptation et, finalement, de réponse à la crise malgré des années et des années de coupes budgétaires intenses : je ne donnerai qu'un chiffre, celui des 9,4 milliards d'euros économisés par les hôpitaux ces seize dernières années…

Si deuxième vague il doit y avoir, on peut se demander ce qu'il y aurait de bon à retenir de ce passé récent ; quels sont les éléments qui ont bien fonctionné ; et a contrario, quels seraient les points à améliorer.

Ce qui a bien fonctionné, c'est la mobilisation des hospitaliers et la capacité d'adaptation des établissements. C'est aussi la coopération entre le public et le privé, la coopération entre les régions et la coopération avec nos voisins européens. C'est également la chaîne des services publics. Je pense notamment aux dispositifs de garde d'enfants pour les professionnels des hôpitaux et des établissements de santé organisés par les collectivités locales avec l'Éducation nationale. Cet accompagnement par les autres services publics a permis la mobilisation des hospitaliers.

Les EHPAD publics ont plutôt bien fonctionné aussi. Grâce à leur médicalisation, grâce aussi souvent à leurs liens avec des filières de gériatrie publiques, ils ont été moins touchés que les EHPAD privés, qui sont moins bien intégrés dans ces filières

Ce qui a bien fonctionné et a facilité la réponse sanitaire, c'est l'usage de la télémédecine : alors qu'elle se développait très lentement dans notre pays, elle a vu son usage considérablement accéléré à l'occasion de cette crise. Enfin – c'est moins visible et ce n'est pas toujours une dimension mise en avant –, la mobilisation des hôpitaux psychiatriques a aussi bien fonctionné. Ils ont su créer des unités covid de soutien psychologique, à destination aussi bien des professionnels que de la population confinée qui en ressentait le besoin.

Bien sûr, les points à améliorer sont nombreux. Certains n'ont pas été perçus immédiatement.

Il s'agit bien sûr, et très clairement, du problème des équipements de protection individuels et des médicaments ; de l'organisation nationale en temps de crise avec la multiplication des cellules au gré des sujets, que ce soit les masques, les médicaments, etc. et des agences comme Santé publique France… Il y a des marges de progrès immenses à faire dans la réponse logistique à la crise.

C'est également le cas des relations entre la filière sanitaire, le médico-social et la médecine de ville. Les filières de prise en charge et de soins sont encore beaucoup trop cloisonnées. Le fonctionnement des ARS est également à améliorer, notamment dans les départements des très grandes régions où le siège de l'ARS s'est beaucoup éloigné des territoires. On a souvent évoqué les problèmes de coordination entre l'appareil d'État, côté sécurité civile intérieure qui est organisé au niveau des départements, et les ARS organisées au niveau des régions. La faiblesse des Agences régionales de santé dans leurs représentations départementales a été mise en lumière lors de cette crise.

Les points à améliorer, ce sont aussi les mesures de valorisation qui sont devenues un objet non plus de gratification mais de contestation. Il faut aussi améliorer la compréhension des Français afin qu'en cas de nouvelle épidémie, ils ne renoncent pas aux soins comme ils l'ont fait massivement pendant le confinement, car cela aura bien sûr d'autres conséquences, lourdes pour l'appareil sanitaire et l'ensemble du système de santé.

Fondamentalement, la crise sanitaire a révélé – en avait-on besoin pour le savoir ? – de manière criante l'urgence d'une réforme systémique du système de santé. C'est la raison pour laquelle notre fédération a plaidé très tôt pour une remise à plat, non pas du fonctionnement de l'hôpital mais du fonctionnement de notre système de santé, et pour un Ségur non pas de l'hôpital, mais du monde de la santé. L'hôpital est, au sein du système de santé, celui sur lequel l'État a le plus la main et dont il peut réguler à la fois financièrement et administrativement le fonctionnement. Il n'est néanmoins qu'une partie, même si c'est la plus importante, d'un système de santé qui fait intervenir un ensemble d'acteurs beaucoup plus vaste. Ces dernières années, c'est l'ensemble des dysfonctionnements du système de santé qui ont pesé sur l'hôpital et l'ont fragilisé.

C'est pour y remédier, parce que nous sommes persuadés que l'avenir de l'hôpital, cette institution à laquelle tiennent les Français, passe d'abord par-là, que nous avons proposé un new deal de la santé. Cela ne signifie pas que tout va bien à l'hôpital, mais si les seuls maux de notre système de santé se situaient entre ses quatre murs, nous le saurions.

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