Intervention de Jean-Marie Woehl

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Jean-Marie Woehl, président de la commission médicale d'établissement (CME) des hôpitaux civils de Colmar :

Je n'ai pas de données précises sur l'arrêt des exercices nationaux depuis 2012. Il est sûr en revanche que, dans un grand nombre d'établissements, les exercices ont été plutôt orientés vers la prise en charge d'événements terroristes.

Je n'ai pas de réponse sûre et certaine non plus sur les respirateurs de l'EPRUS, mais je crois que nous ne les avons pas vus. Avec les appareils de ce type, toute la difficulté tient dans la gestion du stock. Ils demandent une mise à jour et une surveillance annuelles : la matériovigilance est extrêmement lourde et coûteuse. J'ignore si on possède actuellement 2 500 respirateurs en stock qui ne servent pas. L'intérêt serait d'avoir des respirateurs un peu « upgradés » sur un certain nombre de lits, qui nous permettraient à la fois de faire de la réanimation lourde et d'assurer des soins continus.

En ce qui concerne le ratio réanimation/soins continus une règle veut que, pour dix lits de réanimation, on ait cinq lits d'unité de soins continus. Globalement, les établissements sont organisés de cette manière, en dehors des unités de soins continus spécialisées de cardiologie, de neurologie pour les UNV (unités neuro-vasculaires) ou d'hématologie, par exemple. Tout cela mis à part, le ratio théorique de dix lits de réanimation pour cinq d'USC signifierait une augmentation de 50 % du nombre de lits disponibles.

La continuité des soins a très rapidement été pour nous une préoccupation, en particulier par rapport aux urgences non covid. La prise en charge des urgences chirurgicales ou médicales en dehors du covid était organisée mais un grand nombre de patients ne venaient pas à l'hôpital ou refusaient d'y venir de peur d'être contaminés.

Notre deuxième préoccupation a été la prise en charge des pathologies cancéreuses. Au sein de la conférence des présidents de CME, nous faisions un point tous les dimanches soir : dans la très grande majorité des établissements, les filières de cancérologie – chimiothérapie, radiothérapie et chirurgie carcinologique – ont été préservées autant que faire se peut. Là encore, des patients refusaient de venir faire leur chimiothérapie et les sociétés savantes ont donné des consignes dégradées pour essayer d'éviter au maximum la rupture de soins. Une partie des patients a probablement échappé à ces mesures, mais les obligations ont été identifiées, et nous avons essayé de les prendre en charge aussi bien que possible

Concernant les relations avec les pompiers, je ne peux parler que de ma région où cela s'est bien passé. Lorsqu'on est pris par une telle crise, tout le monde concourt à la bonne prise en charge des patients. Je pourrais citer de multiples exemples où les pompiers et les personnels des urgences ont réellement travaillé de concert.

Je pourrais aussi parler longtemps des ARS. Beaucoup ont donné le maximum de ce qu'elles pouvaient, mais très clairement, en termes de réponse coordonnée organisée, nous avons rencontré énormément de problèmes. Prenons la problématique des transferts, extrêmement importante en Alsace. Dès les premiers jours, on a su organiser les transferts vers l'Allemagne car beaucoup de praticiens allemands avaient des relations avec les établissements voisins. Une fois que l'ARS s'en est mêlée et, plus encore, une fois que le niveau national s'en est mêlé, c'est devenu extrêmement compliqué. Il arrivait qu'on nous appelle pour nous informer qu'un hélicoptère de l'armée allait venir chercher quatre malades une heure plus tard. Or préparer un malade en réanimation pour un transfert est un travail phénoménal : il faut choisir un patient stabilisé apte à être transféré, préparer le malade, prévenir la famille…

Sans accabler les ARS, j'ai de fortes interrogations quant à leur rôle de coordination et à celui des délégations territoriales qui ne sont pas en capacité de prendre des décisions. De ce fait, les demandes se perdent. Ainsi, le premier vendredi, nous avions des contacts avec la zone de défense Grand-Est pour des sur-blouses. J'en informe le délégué territorial qui me dit qu'il n'y a pas de problème et qu'il s'en occupe : j'attends toujours la réponse ! On peut multiplier ces exemples à l'envi. Le problème est manifeste dans le lien avec le niveau de décision central comme en termes de compétences. Un grand nombre de ces délégations territoriales sont les héritières de la fusion des DRASS (directions régionales des affaires sanitaires et sociales), des ARH (agences régionales de l'hospitalisation) dont on a conservé des collaborateurs qui n'ont pas tous la compétence requise.

Nous avons demandé aux présidents de CME leur ressenti quant à leurs relations avec l'ARS, qu'il s'agisse des contacts ou des réponses apportées. La note moyenne s'est établie à 3,5 sur 10. L'ensemble des PCME jugent que leur relation avec l'ARS n'était pas efficace. Seules l'Île-de-France et la Bretagne s'en sortent mieux.

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