Intervention de Frédéric Valletoux

Réunion du mercredi 8 juillet 2020 à 15h00
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Frédéric Valletoux, président de la Fédération Hospitalière de France (FHF) :

Sur l'organisation générale, l'impact de la crise et les mesures qu'il faudrait prendre, je vous renvoie vers l'épais document que nous avons rédigé, et ses propositions. Un ou deux principes pourraient guider un certain nombre de mesures, tel celui de la confiance dans acteurs locaux et donc, s'agissant de l'hôpital et des hospitaliers, dans les communautés médicales et hospitalières. Cela serait préférable à un système de santé infantilisant dans lequel un directeur, une communauté médicale organisée à travers son président de CME, ne peuvent investir, acheter un matériel, changer leur organisation sans demander l'aval de l'ARS … On a bâti un système tellement administré qu'il infantilise ses acteurs, qui sont pourtant tout à fait capables de prendre des décisions en toute autonomie et en toute responsabilité.

Il faudrait peut-être faire pour le secteur de la santé, ce qui a été fait jadis par Gaston Deferre, une décentralisation, et passer d'un contrôle a priori à un contrôle a posteriori. L'État, garant de la gestion de l'argent mis dans le système de santé, jugerait a posteriori au lieu d'obliger les établissements à demander des autorisations à des bureaux lointains et aux ARS. On critique ces dernières, mais elles ne sont que le bras armé du ministère de la santé et font que ce qu'il leur demande de faire. C'est le système qui pousse à une bureaucratisation à l'extrême. Je pense donc qu'il est primordial de faire confiance, de donner de l'autonomie, des marges de manœuvre.

J'aimerais que l'État soit capable de dire, en matière de santé publique, quelles sont les priorités et les urgences pour un territoire donné. Qu'il demande pourquoi on constate un taux de mortalité infantile important et assigne au privé, au public, à tous les professionnels de ce territoire, l'objectif de résoudre le problème, en leur faisant confiance sur la façon de faire et de s'organiser pour y parvenir. Ensuite, l'État qui a fixé des objectifs, évaluera ce qui a été fait mais auparavant, il aura laissé faire les acteurs…

Cela est facile à dire, sans doute moins à organiser mais c'est un moyen de redonner de la motivation et de l'envie. Jean-Marie Woehl a dit la grande difficulté à recruter dans les hôpitaux. Il ne faut pas oublier que le premier des déserts médicaux français, c'est l'hôpital : 30 % des postes n'y sont pas pourvus, parfois beaucoup plus dans certaines spécialités. On a aussi des difficultés à retenir des médecins qui, à un moment de leur carrière, peuvent rejoindre le secteur privé où les salaires sont plus importants et où, surtout, les charges, les obligations, les permanences sont moins lourdes et les week-ends beaucoup plus libres… Si nous avions des communautés hospitalières maîtresses de leur destin qui puissent développer des projets en autonomie, sans doute serions-nous plus attractifs et plus intéressants.

Bien sûr que la lourdeur les ARS est critiquable. On a voulu rapprocher la décision du terrain et on a finalement créé une deuxième bureaucratie. Est-ce le tort des ARS ? Est-ce le tort du ministère de la santé qui est sans doute l'un des derniers à avoir échappé à toutes les réformes de l'État et le seul à s'être au contraire hyper-bureaucratisé ? Peut-être cette crise pourrait-elle être l'occasion d'une réflexion à ce sujet.

Je n'ai pas fait de diatribe anti-ARS. J'ai même dit que heureusement que l'ARS Île‑de‑France avait lancé Renfort covid, pour pallier l'inefficience de la réserve sanitaire. Sans cet appel à volontaires, il aurait été beaucoup plus compliqué de faire face à la vague qu'on a connue dans cette région. Je crois que 4 000 à 5 000 volontaires sont venus ainsi prêter main forte. Dans mon propre hôpital, des médecins du Grand-Sud, de PACA, ont constitué un renfort majeur. Nous ne méconnaissons pas cela, ni les choses positives qui ont été réalisées.

Le retour des pathologies lourdes à l'hôpital s'appréciera dans le temps. Des études ont été lancées pour le mesurer, comme des études, notamment conduites par l'école de santé de Rennes, pour mesurer l'effet et l'intérêt des transferts régionaux. Je pense que les pompiers se sont fait plaisir avec ce rapport, qui n'est documenté sur rien, n'est instruit par aucun chiffre et qui est une suite de ressentis de l'auteur. On pourrait écrire un rapport totalement inverse. Je pense que ces sujets sont suffisamment sensibles pour nécessiter qu'ils soient documentés.

Lorsqu'on aura les résultats de l'étude sur les 650 patients qui ont été transférés en région et sur le bénéfice qui a été tiré ou non de cette stratégie, on pourra apprécier effectivement s'il était temps de le faire et si on a bien fait de le faire.

Sur la question des dix-huit patients transférés en Alsace, il n'y avait pas soixante-dix lits vides, mais seulement quelques lits de réanimation disponibles. Le plus à même de vous répondre est le directeur de l'ARS Grand-Est, M. Christophe Lannelongue. Je pense qu'il aurait beaucoup à dire puisque c'est ce qui s'est passé dans le Grand-Est qui provoqué tant de critiques sur les ARS. On peut imaginer que si la crise avait commencé en Île-de-France, les choses se seraient passées différemment.

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