Intervention de Corinne Le Sauder

Réunion du jeudi 9 juillet 2020 à 10h30
Mission d'information sur l'impact, la gestion et les conséquences dans toutes ses dimensions de l'épidémie de coronavirus-covid 19 en france

Corinne Le Sauder, présidente de la FMF :

Le 25 mars, nous avons demandé la mise à disposition de masques pour les professionnels de santé par un référé en Conseil d'État. La décision a été rendue le 28 mars. Elle ne nous a pas donné raison, mais comme par hasard, nous avons commencé à recevoir des masques à compter de cette date. Nous avons donc estimé avoir obtenu quelque chose.

Nous avons beaucoup agi au niveau régional. Du fait d'un hospitalo-centrisme déplorable, il a été demandé aux patients de contacter le 15, ce qui a provoqué une surchauffe de ce service. En même temps, il était conseillé aux patients de rester chez eux, entraînant une perte de chances pour les patients non-covid, et les patients « covid + » puisqu'on s'est ensuite rendu compte que nombre de personnes étaient asymptomatiques.

Un de nos confrères a donné l'alarme à Mulhouse, rapportant que dans son cabinet, trente à quarante personnes étaient porteuses du Covid-19 sans présenter de symptômes fiévreux ou de toux. En l'occurrence, il s'agissait du cluster qui s'est ensuite disséminé partout. Ce médecin travaillait sans masque. Comme l'indiquait Jean-Paul Ortiz, nous avons payé un lourd tribut puisque les derniers chiffres qui nous ont été fournis font état de cinquante et un décès, dont quarante-six en libéral. Nous avons travaillé à mains nues, sans protection, c'est vraiment déplorable.

Je ne reviens pas sur le manque de masques, de surblouses ou de tests – en raison duquel nous avons tous été confinés sur le territoire, ce qui n'était peut-être pas la meilleure solution puisqu'il faut désormais détecter en masse. Le confinement a été fondé sur la peur et sur la culpabilité ; il aurait mieux valu affirmer que c'était un acte civique, pour protéger sa santé et celle des autres. La population a eu peur, et nous en observons aujourd'hui les conséquences. À cette peur s'est ajoutée la solitude des personnes confinées à domicile et des résidents en maison de retraite ou en EHPAD, où il a parfois été impossible d'intervenir car ces établissements ne laissaient plus entrer personne.

Des enquêtes menées notamment par l'Union nationale des professionnels de santé, l'UNPS, ont établi l'existence d'une rupture de soins dès le confinement. Elle s'est traduite par une perte de chances pour toutes les pathologies urgentes et chroniques qui n'étaient pas étiquetées « covid », sans que l'on n'en sache rien puisqu'aucun test n'a été fait.

Il s'est avéré assez difficile de recevoir des patients dans les urgences, nous avons réussi à organiser des parcours « covid + » et « covid - ».

La reprise d'activité s'est avérée difficile, elle aussi, en l'absence de mesures de protection – pour nous comme pour le personnel. De très nombreux professionnels de santé qui n'étaient pas médecins, comme les kinésithérapeutes, les dentistes ou les podologues, nous ont fourni du matériel que nous avons pu redistribuer via l'URPS. Nous avons également fabriqué des blouses et des surblouses. Je vous en ai apporté une, que j'ai fabriquée moi-même avec des toiles d'hivernage fournies par nos maraîchers, en région Centre-Val-de-Loire.

La perte d'activité a été très conséquente, dans la mesure où la population était invitée à contacter le 15 et à rester chez elle. Tous les professionnels ont subi une perte d'activité. Les médecins n'ont continué à recevoir que 20 à 30 % de leur patientèle, ce qui s'est traduit par une perte conséquente de recettes. Il est paradoxal qu'une pandémie ait presque causé la faillite des professionnels de santé !

Notre personnel a quand même pu bénéficier du chômage partiel et du télétravail, ainsi que du report des charges par la Caisse autonome de retraite des médecins de France, la CARMF, et l'Urssaf.

La CNAM nous a également permis de réaliser des téléconsultations, dont le nombre a été multiplié par cinquante lors de la première semaine, c'est très positif. Mais les téléconsultations ne remplaceront jamais l'examen clinique ou les médecins qui manquent dans les déserts médicaux.

Des professionnels de santé sont tombés malades, d'autres sont décédés. Les quatorzaines ont causé des problèmes, et les indemnités journalières n'ont été que tardivement admises. Le débat sur la reconnaissance du Covid-19 comme maladie professionnelle est encore en cours.

L'intervention de la CNAM, pertinente et rapide, et l'aide de M. Revel, ont permis la prise en charge de nos actes à 100 %, qu'il s'agisse des téléconsultations ou des consultations téléphoniques qui nous ont permis de rester au contact des personnes, âgées notamment, dans les zones blanches. Même si cela ne remplace pas une consultation en cabinet, cela nous a permis d'asseoir nos diagnostics.

Les ARS ont constitué un frein plus ou moins fort selon les régions, notamment à l'égard des centres covid.

Les URPS et leurs fédérations, celles des médecins mais aussi des autres professions médicales et non médicales, ont mis en place une organisation locale et un accompagnement des professionnels – en structure ambulatoire ou en cabinet –, une organisation des filières, une relation hôpital/ville très importante, une diffusion des informations et une coordination de l'approvisionnement. Ce rôle a été très important pour les territoires.

Il faut écouter et faire confiance aux professionnels de santé, leur laisser une certaine autonomie, leur donner les ressources suffisantes, pérenniser les expériences concluantes et prévoir la suite, notamment dans l'éventualité d'une deuxième vague.

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