La santé publique est l'une des missions de la médecine générale et des soins primaires. Il faut clairement le marquer, ce qui ne l'était probablement pas jusqu'à présent.
Le recueil de données est fondamental. J'ai d'ailleurs commencé mon propos en observant que cela n'intéresse personne. Le réseau Sentinelles, constitué pour surveiller la grippe, a disparu. Il s'appuyait sur le réseau des médecins généralistes. La France compte 45 000 vrais généralistes – certains confrères sont comptabilisés comme généralistes alors qu'ils font une autre activité – pour l'ensemble de la population. C'est un réseau sur lequel on peut s'appuyer, il serait bon de le faire revivre.
La téléconsultation a constitué un outil très important et très intéressant. Il faut toutefois prêter attention à ses limites, à commencer par le respect du parcours de soins. Une consultation par un médecin qui n'a pas été en contact avec le patient et qui ne le connaît pas aboutit en général à une visite aux urgences ou une consultation du médecin traitant.
Une autre limite de la téléconsultation est clinique. La grande majorité des téléconsultations pendant le confinement ont concerné nos patients, qui nous contactaient par internet ou par téléphone – dans le 18e arrondissement de Paris, la plupart de mes patients ne savent pas télécharger une application, heureusement que le téléphone est là. Ces téléconsultations ont permis de suivre l'évolution des pathologies. Mais certains de mes patients ne sont pas capables de me dire s'ils ont de la fièvre et ce n'est pas par téléphone ou en téléconsultation que j'aurai la réponse. Il faut les rencontrer physiquement. Il est donc important que je dispose de protections pour les recevoir dans de bonnes conditions. En somme, la téléconsultation est indispensable mais elle présente aussi des limites : le respect du parcours de soins et la clinique.
Les restrictions de prescription sont absolument scandaleuses. C'est une revendication de longue date de nos syndicats, on en parle maintenant car le sujet est devenu médiatique. Nombre d'interdictions de prescriptions sont votées par le Parlement ou décidées par décret. Le prix de certains nouveaux médicaments est si élevé que je comprends que l'on mette un filtre pour éviter que tous les médecins les prescrivent. Mais pourquoi la Ventoline en aérosol est-elle interdite aux généralistes ? Les interdictions de prescrire sont scandaleuses, mais elles ne datent pas d'aujourd'hui, et sont parfois votées dans cette assemblée.
S'agissant de la gestion de crise, il faut s'appuyer sur les organisations territoriales. Il est vrai que le nombre de CPTS est limité. Mais toute crise oblige à innover. Ainsi, les organisations territoriales qui étaient naissantes ont vraiment reçu un coup d'accélérateur. À Paris, par exemple, trois CPTS ont signé l'accord conventionnel interprofessionnel (ACI) : ceux des 13e, 14e et 18e arrondissements. Ceux du 10e, du 15e et du 20e étaient en gestation. D'autres territoires, où il n'existait pas grand-chose, ont organisé des centres covid qui ont permis de faire naître une dynamique territoriale : le 5e, le 12e, le 17e et le 19e. Nous commençons donc à couvrir quasiment tout Paris. Si une gestion de crise nous associe au niveau de l'État et entend notre avis au lieu de favoriser des décisions administratives inapplicables, et s'appuie sur des organisations territoriales, certes imparfaites, nous disposerons d'un outil efficace. Il faut donc absolument renforcer ces organisations pour la suite.