Les consignes nationales étaient en effet inhumaines et inadaptées, au point d'en devenir inapplicables. Elles ont entraîné beaucoup de souffrances inutiles.
Ce qui m'a le plus heurté à propos des masques, c'est que lorsque nous avons compris qu'il n'y aurait pas de masques FFP2 – contrairement aux promesses qui nous avaient été faites – il nous a été expliqué que la protection était à peu près équivalente si le patient et le médecin portaient chacun un masque chirurgical. Mais ensuite, le nombre de masques a été restreint, et quand nous avons demandé s'il y en aurait pour les patients, il nous a été répondu que nous devrions choisir. Il est inacceptable de nous faire avaler une couleuvre avec un argument, puis de nous placer dans l'incapacité de l'appliquer.
Il faut remercier les municipalités : à Paris, les mairies d'arrondissement et la mairie centrale ont beaucoup aidé ; à Frontignan également. Les villes ont largement distribué leurs stocks et ont permis aux professionnels de s'organiser, et nous nous sommes partagé les masques, il existe une grande solidarité entre tous.
L'organisation des soins se fait à différentes échelles. Le premier niveau, c'est l'équipe de soins primaires autour du patient : quelques médecins, les infirmières, le pharmacien. C'est le noyau des MSP, mais le cadre administratif de ces dernières est tellement exigeant et rigide que de nombreux professionnels ne peuvent s'y conformer. Nous demandons depuis plusieurs années des investissements en faveur des équipes de soins primaires, qui sont les premières unités autour du malade. Aujourd'hui, pas un centime n'y est consacré. Une négociation à ce sujet nous est promise depuis la mise en place des CPTS, mais elle est constamment reportée. Les équipes de soins primaires devraient être les unités de base de l'organisation, car elles ont toute la souplesse pour s'adapter aux réalités de terrain. Il faut les développer car elles sont au point mort, il n'y en a aucune en Île-de-France.
À l'échelle supérieure, pour la protection de la population, la CPTS est adaptée. La santé publique ne peut se faire de manière individuelle, elle doit être pensée pour une population donnée sur l'ensemble d'un territoire. Il faut une organisation, qui peut se faire avec les CPTS ou une autre structure permettant de nous organiser autour d'un territoire.
Enfin, à une échelle encore supérieure, il est probablement nécessaire de mettre en place des inter-CPTS. Si nous développons le service d'accès aux soins (SAS), il serait trop compliqué de mettre en place un numéro de téléphone différent pour chaque arrondissement, qui constitue la bonne échelle. Les efforts et les bonnes pratiques sont mutualisés, mais l'action doit être menée différemment en fonction des caractéristiques locales, par exemple dans les quartiers riches ou les quartiers pauvres. Il faut une échelle territoriale que les professionnels pourront s'approprier, mais si c'est l'administration qui la définit, elle restera une coquille vide. C'est le cas dans les CPTS : ce sont les équipes qui choisissent leur territoire. Mais pour certains services, tel que le SAS, il faut probablement retenir l'échelle du département. Les équipes de soins spécialisés agiraient aussi à cette échelle, il ne serait pas pertinent de prévoir une équipe de dermatologues uniquement pour un arrondissement. Et à l'échelle supérieure, on trouve les hôpitaux et les bassins de vie. L'organisation doit donc permettre de coordonner ces différentes échelles.
La recherche en médecine générale est réalisée par les collèges de médecine générale, et les départements de médecine générale des sociétés savantes. Je suis sûre que de nombreuses études ont été lancées sur le Covid-19, mais je ne peux les citer toutes car l'épidémie a mis à mal notre temps syndical. Il y a un danger : j'ai vu passer une tentative de mainmise des doyens de CHU sur la recherche en médecine générale, ce qui serait inadmissible. Oui, des études sont nécessaires, mais laissez-nous la maîtrise de la recherche dans le domaine qui nous concerne.