Nous avons entendu de nombreux représentants du monde de l'hôpital, des établissements privés et de la médecine de ville. La gestion de cette crise a été critiquée – de manière parfois violente – comme hospitalo-centrée, en particulier la semaine dernière lorsque tous les syndicats de médecins de ville ont exprimé le sentiment d'avoir été mis à l'écart. Ne regrettez-vous pas d'avoir complètement écarté la médecine de ville, notamment au tout début de la crise, puis, pendant la montée de la crise, d'avoir peu sollicité les établissements sanitaires privés, y compris ceux à but non lucratif – les critiques sont d'ailleurs surtout venues de ce secteur ? Des interrogations ont été soulevées quant aux capacités en lits de réanimation du secteur privé, qui n'auraient été que partiellement utilisées, et l'hospitalo-centrisme a fait l'objet de nombreux reproches.
Au gré de nos auditions, nous mesurons l'ampleur du déficit d'équipements de protection individuelle (EPI) et de masques ; comme l'a rappelé hier le docteur François Braun, on a vu au cœur de la crise des soignants vêtus de sacs-poubelles en guise de protection. Nous avons auditionné des représentants des établissements privés, des établissements publics – comme M. Valletoux – ou de la médecine de ville ; aucune de ces personnes n'a jamais eu connaissance de la doctrine élaborée par le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) – qui semble avoir constitué une rupture – disant que les établissements et les professionnels devaient se doter eux-mêmes d'équipements pour protéger leurs salariés. Votre direction a-t-elle diffusé cette recommandation, et comment ?
Comment les stocks d'équipements de protection disponibles dans les établissements hospitaliers – y compris les moyens tactiques relevant de l'État, qui font certainement l'objet d'une comptabilisation au niveau national – sont-ils évalués et contrôlés ? Les ARS, sous votre autorité, définissaient-elles et vérifiaient-elles ces stocks, et, le cas échéant, selon quel calendrier ?
Pouvez-vous dresser un état des lieux de la situation sanitaire ? Les informations que nous recevons commencent à être inquiétantes, comme hier lorsque nos interlocuteurs du service d'aide médicale urgente (SAMU) ont évoqué un « bruit de fond » à Paris, en citant des chiffres. Quels moyens pourrait-on mettre en œuvre de manière anticipée pour faire face à une éventuelle deuxième vague de l'épidémie ? Je pense notamment aux respirateurs qui arment les lits de réanimation, mais aussi au personnel correspondant. De combien de lits de réanimation – je ne parle pas de lits « low cost » comme ceux qui ont été mis en place, et cela peut se comprendre, dans l'urgence – pourrions-nous disposer à l'automne ? Le ministre avait évoqué un objectif de 15 000 lits de réanimation ; où en est-on ? Sur les 10 000 respirateurs qui ont été commandés, combien ont-été livrés et combien sont opérationnels à ce jour ? Près de 9 000 seraient des respirateurs destinés au transport des patients ; selon Mme Bouadma, membre du conseil scientifique, ils sont totalement inadaptés à la situation. Pourquoi ce choix, manifestement précipité, a-t-il été fait ? A-t-il été corrigé pour le moyen terme ?
Enfin, des inquiétudes ont été exprimées à propos des stocks de médicaments, en particulier les hypnotiques et les curares, qui ont fait l'objet d'une centralisation nationale. Cette centralisation, qui a été critiquée par des médecins, était-elle opportune ? Où en est-on sur ce point ?